La nouvelle course à l’espace fragilise le rétablissement de la couche d’ozone

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Image d'un lancement de fusée de SpaceX © SpaceX

Le déploiement massif de satellites ainsi que la nouvelle course à l’espace entre superpuissances et le tourisme spatial, en plus d’avoir un impact sur le climat, menacent la régénération de la couche d’ozone. Telle est l’alerte émise par un scientifique de l’École polytechnique fédérale de Zurich. Le docteur Sandro Vattioni, professeur de physique spécialisé dans l’atmosphère, écrit dans La nouvelle ère spatiale pourrait appauvrir la couche d’ozone, un article de juillet 2025, que le phénomène n’a pourtant rien d’anodin. Il note que le nombre de lancement de fusée est passé de 97 en 2019 à 258 en 2024. Cette hausse devrait se poursuivre à un rythme rapide. Les lancements de fusées pourraient être multipliés par 8 d’ici 2030. Il y aurait alors 2040 fusées envoyées dans l’espace par an. Ce rapide essor inquiète le physicien qui explique que « les recherches sur les effets des émissions des fusées sur la couche d’ozone ont commencé il y a une trentaine d’années. Mais, pendant longtemps, ces effets ont été considérés comme mineurs. La perception du sujet change avec l’augmentation rapide des activités spatiales ».

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Les émissions à haute altitude des fusées et celles des débris spatiaux qui rentrent sur Terre peuvent rester 100 fois plus longtemps dans l’atmosphère que les émissions au niveau du sol des molécules qui dégradent la couche d’ozone. La majorité des carburants actuellement utilisés pour propulser les fusées libèrent du chlore, une molécule qui détruit la couche d’ozone tandis que les particules de suie libérées par la combustion réchauffent l’air, ce qui accélère la dégradation de l’ozone. Les conséquences de l’entrée dans l’atmosphère d’objets sont quant à elles encore mal connues.

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Ainsi, dans l’hypothèse où le nombre de fusées envoyées est multiplié par 8, la couche d’ozone déclinerait de 0.3 %. La diminution de l’épaisseur de la couche d’ozone, avec notamment le trou formé au-dessus de l’Antarctique à chaque printemps, pourrait aller jusqu’à 4 %. « Ces chiffres peuvent sembler faibles à première vue. Mais ; il ne faut pas oublier que la couche d’ozone continue de se remettre des graves dommages causés par les chlorofluorocarbures (CFC) persistants. Ces substances ont été interdites avec succès en 1987 avec l’entrée en vigueur du protocole de Montréal », explique le chercheur. En effet, « l’épaisseur globale de la couche d’ozone est encore inférieure d’environ 2 % au niveau préindustriel. Elle devrait retrouver ces niveaux là vers 2066. Cependant, nos travaux sur les émissions des fusées, qui ne sont pas encore régulées, montrent que la restauration de la couche d’ozone pourrait être retardée de plusieurs années, voire de plusieurs décennies. » Cela dépendra de la rapidité d’évolution de l’industrie des lanceurs orbitaux. Sandro Vattioni défend donc l’idée de changer les carburants employés dans l’aérospatial sachant que des technologies plus propres existent déjà. Il s’agit de carburants cryogéniques, mais leur production demeure complexe. Ils ne sont employés que dans 6 % des lancements. Le scientifique reste néanmoins positif en raison de la capacité des États signataires du protocole de Montréal à généralement agir afin de préserver la couche d’ozone et aussi de la capacité du secteur spatial à tenter d’adresser le problème afin de minimiser son impact sur l’environnement.

Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

The new space age could thin the ozone layer | ETH Zurich La nouvelle ère spatiale pourrait appauvrir la couche d’ozone (en anglais, toutefois une traduction opérée par IA est proposée sur le site) sur le site Internet de l’École polytechnique fédérale de Zurich

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