L’Europe perd chaque jour une superficie d’espaces naturels ou de terres agricoles équivalente à 600 terrains de football. La destruction des zones naturelles et agricoles s’opère à un rythme soutenu. Même si le phénomène se révèle d’ampleur, l’artificialisation des sols n’est pas localisée en un seul endroit, la disparition de la nature s’explique surtout par une multitude de petits projets de construction ou de grandes exploitations disséminés partout sur le continent. Ils contribuent à l’artificialisation des sols et à l’érosion du vivant. La perte de nature est ainsi estimée à 1500 km2 par an en Europe et au Royaume-Uni. Ce chiffre a pu être établi grâce à une analyse d’images satellitaires réalisée par des journalistes et des scientifiques regroupés dans le projet Green to Gray (du vert au gris, en référence au changement de coloration sur les images prises depuis l’espace). Ils se fondent sur des images prises entre 2018 et 2023 pour montrer « comment l’Europe est en train de gâcher le peu de nature qui lui reste ». Les auteurs de ces travaux rappellent que la réduction de la place accordée à la nature affaiblit le vivant ainsi que les services qu’il rend. Donc, selon eux, « si nous continuons à autoriser en continu ces pertes de nature à petite échelle, alors nous allons conduire l’ensemble du système à l’effondrement. » En effet, les sols jouent un rôle déterminant pour la biodiversité, la production alimentaire et le stockage du carbone. Ce qui pose de nombreux risques dans la préservation de la biodiversité, dans la souveraineté alimentaire et dans l’action climatique.
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Une perte de nature au profit des logements et des infrastructures
Le projet est mené par des chercheurs de l’Institut norvégien de recherche sur la nature (NINA) aidés par une douzaine de médias européens. Ces derniers ont révélé les résultats de ces investigations le 1er octobre. L’originalité de la démarche consiste à reprendre des méthodes déjà éprouvées pour suivre et mesurer la déforestation en Amazonie ou en Asie. Comme l’écrit le Guardian, qui fait partie des médias impliqués dans Green to Gray : « la destruction de la forêt en Amazonie est documentée depuis des années grâce aux satellites et aux observations de terrain, mais jusqu’à présent l’ampleur des pertes de sols et de végétation en Europe n’avait jamais fait l’objet d’une mesure en utilisant les mêmes méthodes ». Il ressort ainsi que sur les 1500 km2 de nature que l’Europe perd chaque année, 900 sont pris sur des espaces naturels et 600 sur des terres agricoles. Les médias détaillent également des cas concrets par pays, comme la destruction de dunes et de littoraux en Grèce pour installer un parcours de golf, les projets de ZAC (zone d’activités commerciales) en périphérie des villes en France…
Selon Le Monde, média qui a aussi contribué à ce travail, les causes principales de l’artificialisation des sols sont : la construction de logements (41 %), les infrastructures de transport et de logistique (22 %), les activités agricoles (13 %), les activités industrielles (9 %), les activités tertiaires (8,5 %) comme les commerces, les bureaux et les loisirs, dont les terrains de sport et enfin la production d’énergie (2 %).
La France, mauvaise élève dans l’artificialisation des sols
Entre 2018 et 2023, les cinq pays européens ayant artificialisé le plus leurs sols sont la Turquie (1800 km2), la Pologne (1000 km2), la France (950 km2), l’Allemagne (720 km2) et le Royaume-Uni (650 km2). Pour la France, bien qu’en valeur absolue, les chiffres sont conséquents, rapportés à l’échelle du territoire, cela ne représente que 0,17 % de la surface et moins de 3 m2 par habitant. Ainsi, la Norvège est le pays qui a artificialisé le plus de sols par habitant (6 m2). Les Pays-Bas et la Belgique, deux pays avec une forte densité de population et un petit territoire, sont quant à eux, ceux qui ont artificialisé la plus grande proportion de leur territoire en l’espace de 5 ans : respectivement 0,46 % et 0.36 %.
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Ces chiffres rappellent que la disparition des espaces naturels ne concerne pas que l’Amazonie ou les forêts tropicales d’Afrique et d’Asie pour lesquelles on parle d’un terrain de football qui disparait toutes les 5 secondes. Un chiffre resté dans les esprits. Cette étude montre aussi que la destruction de la nature se produit aussi près de chez nous. Enfin, l’objectif de zéro artificialisation nette, qui fait en France l’objet de vives contestations et remises en question, demeure pertinent. En France, on estime que l’équivalent d’un département est artificialisé tous les 10 à 15 ans, en raison notamment de l’étalement urbain.
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Pour aller plus loin
Le site Internet (en anglais) de Green to Gay
La page consacrée à Green to Gray (en anglais) sur le site du NINA (L’Institut norvégien de recherche sur la nature)
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