Suppression des trains de nuit européens en France : une décision à contre-sens environnemental


Gare marchande de Mashen -Hambourg - Allemagne © Yann Arthus-Bertrand

C’est officiel, les lignes Paris-Berlin et Paris-Vienne seront suspendues à partir du 14 décembre. Il s’agit pourtant des deux seules lignes internationales desservies en France, qui avaient été inaugurées seulement quelques années auparavant. Cette décision est une conséquence de l’arrêt d’une subvention octroyée par l’Etat, selon les compagnies ferroviaires SNCF et ÖBB. Leur succès auprès des voyageurs n’aura donc pas suffi à donner un nouveau souffle aux trains de nuit.

Les compagnies ferroviaires française et autrichienne ont décrit cette subvention comme « indispensable à la viabilité économique » de ces lignes. Le ministère des Transports a confirmé qu’une subvention de 8 millions d’euro était accordée jusqu’à présent. L’arrêt de cette subvention qui avait permis de relancer les trains de nuit européens s’explique par une coupe budgétaire du gouvernement.

Le Collectif Oui au train de nuit avertissait du risque de suppression de ces deux lignes et a lancé une manifestation en pyjama à Paris et à Berlin en simultané. Une pétition pour sauver ces trains de nuit a déjà recueilli plus de 50 000 signatures en une semaine. Selon ce collectif, l’Etat n’est pas le seul responsable de la situation actuelle.

L’engouement des voyageurs ne suffit pas

Selon la SNCF, le taux d’occupation moyen de ces lignes est de 70%, un chiffre prometteur pour une offre si récente. La compagnie justifie ainsi la suppression : « l’exploitation des trains de nuit est en effet un énorme défi économique ». Le coût du personnel serait plus important et la fréquentation quotidienne d’une ligne de nuit n’est pas aussi élevée qu’une ligne de jour.

Pourtant, les opérateurs sont aussi fautifs, ils n’ont pas réussi à tenir leur promesse d’une desserte quotidienne. En effet, le rythme de ces lignes reste loin de l’objectif, avec seulement 3 aller-retours hebdomadaire. Le Collectif Oui au train de nuit doute également de la bonne foi de la SNCF, qui n’a jamais proposé l’offre sur sa plateforme SNCF Connect. Sans donner de visibilité sur l’existence de ces lignes, les résultats ne peuvent être optimaux.

Malgré la promesse non tenue, supprimer la subvention reste un choix questionnable de l’Etat. Les trains de nuit internationaux ne sont pas rentables, mais c’est aussi le cas des trains de nuit nationaux que l’on continue de subventionner.  Les Intercités et les TER reposent également sur les aides de l’Etat ou des régions. La fréquentation croissante pour les trains de nuit montre que la demande est bien présente. L’Etat pourrait saisir l’opportunité pour offrir aux français la possibilité d’une mobilité plus verte. En attendant, d’après un rapport conduit par la Cour des comptes en 2023, 8 aéroports français sur 10 ont bénéficié de subventions publiques de fonctionnement pour boucler leur budget.

L’Union Européenne a également un rôle à jouer, pour continuer à développer les lignes de nuit sur son territoire. Elle maintient un cadre réglementaire strict concernant les subventions aux trains de nuit internationaux. Résultat : le financement de ces lignes est compliqué, à l’heure où le kérosène est toujours défiscalisé. La situation dont bénéficie le secteur du transport aérien vient contraster avec celle du transport ferroviaire, laissant un goût de concurrence déloyale. Alors que les objectifs pour lutter contre le changement climatique devraient être de plus en plus ambitieux, l’Union européenne continue de favoriser une mobilité polluante au détriment des trains de nuit.

Remettre le train de nuit au goût du jour

Economique, écologique et essentiel pour desservir certains territoires, le train de nuit a tout pour séduire les voyageurs. Dans son rapport Trains de nuit, Le réveil a sonné sorti en 2025, l’association Réseau Action Climat met en avant tout le potentiel de ce mode de transport.

Tout d’abord, les billets sont moins chers que leurs équivalents en TGV et permettent d’éviter une nuit d’hôtel, en arrivant directement tôt le matin. L’argument écologique fait également consensus, avec un bilan carbone bien plus faible que l’avion ou la voiture. C’est également une solution pour désenclaver les territoires peu desservis par les trains à grande vitesse. Enfin, bien que le train de nuit soit plus lent, il est plus efficace en termes de trajet « ressenti ». Cette notion s’appuie sur l’optimisation du temps de trajet du voyageur, qui peut en profiter pour dormir.

Violette Cadrieu

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Pour aller plus loin :

Signer la pétition pour sauver les trains de nuits Paris-Berlin et Paris-Vienne

Lire le communiqué de presse du collectif Oui au train de nuit

Lire le rapport Trains de nuit, Le réveil a sonné de Réseau Action Climat

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