Feuille de route énergétique: Bayrou ménage le RN en repoussant la publication d’un décret

Séance à l'Assemblée nationale, le 8 avril 2025 © AFP/Archives Thomas SAMSON

Séance à l'Assemblée nationale, le 8 avril 2025 © AFP/Archives Thomas SAMSON

Paris (AFP) – François Bayrou a fait un geste en direction notamment du Rassemblement national lundi, en disant souhaiter qu’un décret définissant la feuille de route énergétique de la France pour les dix prochaines années soit publié « d’ici à la fin de l’été », après l’examen d’une proposition de loi sur le sujet.

En jeu: la nouvelle feuille de route énergétique de la France pour la période 2025-2035, qui doit mettre le pays sur la voie de la neutralité carbone en 2050. Cette programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), en préparation depuis plusieurs années, détaille les objectifs énergétiques de la France: quelle part pour le nucléaire, les énergies renouvelables ?

La programmation doit faire l’objet d’un décret. Mais pour le Rassemblement national, qui a laissé planer une menace de censure sur le sujet, et pour des parlementaires de droite et du centre, pas question de laisser passer ces orientations sans vote des parlementaires.

Face aux levées de boucliers, l’exécutif a proposé d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée une proposition de loi du sénateur Daniel Gremillet sur la programmation énergétique, a priori à partir du 16 juin, selon le cabinet du ministre des Relations avec le Parlement Patrick Mignola. Celle-ci a déjà été adoptée en première lecture par le Sénat, et prévoit une relance massive de la filière nucléaire.

Sous pression, François Bayrou avait aussi proposé ce premier débat de lundi, sur « la souveraineté énergétique de la France », à la portée limitée car il ne fera pas l’objet d’un vote.

Le Premier ministre est monté le premier à la tribune en début d’après-midi, devant seulement une cinquantaine de députés. « Le gouvernement n’a rien à vendre, aucune thèse à faire triompher sur les autres, aucun adversaire à réduire », a assuré M. Bayrou.

La porte-parole du gouvernement Sophie Primas avait jusqu’ici parlé d’une publication du décret « d’ici à l’été » après le débat sans vote au Parlement. Le Premier ministre a déclaré lundi qu’il souhaitait qu’elle ait lieu « après l’examen de la proposition de loi » du sénateur LR Daniel Gremillet.

« Notre objectif est que le décret soit publié d’ici à la fin de l’été », a annoncé M. Bayrou.

Avant cela, a ajouté M. Bayrou, un « groupe de travail » piloté par le député Renaissance Antoine Armand et Daniel Gremillet sera « missionné pour mener des auditions et des études complémentaires » sur l’avenir énergétique du pays, et rendra ses conclusions fin mai.

« Soutien raisonné » aux renouvelables

François Bayrou, qui a donné comme priorité « de réduire notre dépendance aux énergies fossiles importées », a défendu un « mix électrique » associant une « première orientation de base pro-nucléaire » à « une deuxième orientation » de « soutien raisonné aux énergies renouvelables ».

Le projet de PPE prévoit de ramener la part des énergies fossiles dans la consommation énergétique d’environ 60% en 2023 à 42% en 2030, puis 30% en 2035.

En rupture avec la précédente PPE, qui prévoyait de fermer des réacteurs nucléaires, le nouveau texte acte également une relance de l’atome. L’ambition du rythme de déploiement des renouvelables est confirmée, en particulier pour l’éolien en mer.

« Nous condamnons cette PPE qui aggrave (des) politiques injustes et ruineuses », a dénoncé lundi Marine Le Pen, cheffe de file des députés RN, opposée au développement des éoliennes.

Signe que le RN fait du sujet un cheval de bataille, Mme Le Pen avait fait l’un de ses rares déplacements en mars sur le sujet, en visitant l’EPR de Flamanville.

Un autre débat est prévu sur le même thème au Sénat le 6 mai.

Au gouvernement, on explique que le décret est attendu pour lancer des appels d’offre, avec des enjeux de visibilité pour les industriels.

La semaine dernière, une vingtaine de fédérations et organisations professionnelles de l’énergie ont souligné « l’urgence » d’accélérer « les transferts d’usage vers l’électricité », afin de réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles importées et coûteuses.

© AFP

À lire aussi sur GoodPlanet Mag’

L’Assemblée nationale se prononce en commission contre l’interdiction de la corrida

L’énergie fossile, cette drogue dont nous n’arrivons pas à nous sevrer

La loi d’orientation agricole définitivement adoptée au Parlement, in extremis avant le Salon

Près de 60% des plus grandes entreprises promettent la neutralité carbone, mais la marche est encore haute, selon des experts

2 commentaires

Ecrire un commentaire

    • Jean-Pierre Bardinet

    La PPE3 a été visiblement été préparée par des idéologues anti-nucléaires et pro-éolien et solaire.
    Cette PPE3, que le gouvernement essaie de faire passer en force, par décret, a été vertement critiquée par l’Académie des Sciences et elle devrait normalement être revue par des personnes neutres et compétentes, si toutefois le gouvernement cède à l’idéologie verte.

    • Quidamus

    M. Jean-Pierre Bardinet, lorsque l’on parle « d’idéologie verte » c’est qu’on ne sait pas de quoi on parle. Car il ne s’agit pas d’une « idéologie » mais d’une nécessité de survie. C’est du pragmatisme. Pour la France et pour la planète. Dans le passé lorsque la médecine, l’astronomie ou l’aéronautique ont fait leurs apparitions, il y avait des gens comme vous pour dire que c’était une « idéologie ». Alors qu’il s’agissait d’innovation et de nécessité.

    Il faut être pro-éolien et solaire à notre époque, à moins de vivre en dehors de la réalité. Après il ne faut pas faire de l’éolien ou du solaire n’importe comment. On ne fait pas de l’éolien en pleine mer, parce que cela perturbe les migrations marines et aviaires. On fait des installations sur les côtes rocheuses. On ne rase pas une forêt ou un champs cultivable pour mettre des parcs solaires. On les installe sur des terres désolées ou sur les toits des bâtiments, ou bien en toiture de parking. Le nucléaire peut être une énergie de transition, mais les nouvelles centrales prendront tellement de temps à être opérationnelles qu’il sera trop tard quand elles le seront. Il faut prendre tout cela en compte. Cela fait quarante ans que l’on aurait dû se passer de l’énergie fossile et on ne rattrape pas quarante ans de retard comme ça sur l’érosion de la planète.