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Au Canada, la rébellion contre la taxe carbone prend de l’ampleur

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Le Premier ministre du Canada Justin Trudeau le 23 mars à Montréal © AFP Alexis Aubin

Ottawa (AFP) – Les pollueurs doivent payer: le message du Premier ministre canadien Justin Trudeau depuis des années passe de plus en plus mal dans le pays où la grogne monte contre la taxe sur le carbone, sa politique phare en matière d’environnement.

La flambée de l’inflation ces dernières années et la poussée de l’opposition conservatrice, qui promet d’abolir cette taxe si elle revient au pouvoir, ont clairement affaibli cette politique mise en place par le Premier ministre canadien en 2019.

Et ces derniers mois, les revirements du Premier ministre Justin Trudeau lui-même, qui a notamment autorisé une exception sur le chauffage au mazout pour trois ans, ont brouillé le message.

Cette tarification du carbone est la principale mesure prise par son gouvernement pour réduire de 40 à 45% les émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays d’ici 2030, comme il s’y est engagé dans le cadre de l’accord de Paris.

Elle doit passer de 65 à 80 dollars canadiens par tonne (45 à 55 euros) le 1er avril. Cette augmentation devrait ajouter environ trois cents (deux centimes d’euros) au prix d’un litre d’essence.

Mais sept provinces ont demandé de suspendre ou d’annuler l’augmentation. La province de Terre-Neuve, pourtant tenue par un allié de Justin Trudeau, demande un sursis « au moins jusqu’à ce que l’inflation se stabilise ».

Cette grogne fait les affaires de l’opposant principal de Justin Trudeau pour les prochaines élections de l’automne 2025: Pierre Poilievre a fait de la vie chère et de la suppression de la taxe carbone l’un de ses arguments majeurs de campagne.

Parmi l’opposition, l’usine à champignons d’Osgoode, en Ontario, est devenue un symbole. Le producteur Mike Medeiros exhibe sa facture pour montrer qu’il ne pourra pas faire face à la hausse de 23%.

 « Moyen le plus efficace »

L’entreprise qui emploie 160 personnes et produit chaque semaine 90 tonnes de champignons est une grande consommatrice de gaz naturel pour conserver la chaleur et l’humidité dans les 50 chambres de culture.

« Mais d’ici 2030, le coût de notre taxe carbone pour le seul chauffage s’élèvera à un demi-million de dollars. Je ne peux pas absorber ce coût », explique le producteur à l’AFP.

Ces derniers jours, Justin Trudeau a de nouveau tenté de défendre sa politique.

Dans une lettre adressée mardi aux provinces, il a expliqué que la tarification du carbone était « le moyen le plus efficace de réduire les émissions », et que cela ne contribue qu’à 0,1% de l’inflation.

« La plupart des Canadiens bénéficient d’une remise sur le carbone, c’est-à-dire qu’ils récupèrent plus d’argent qu’ils n’en paient », a-t-il ajouté, alors que « les effets dévastateurs des inondations, des incendies de forêt et des sécheresses font grimper les coûts chaque année » pour les Canadiens.

Mais selon l’institut Angus Reid, le coût de la vie est maintenant en tête des priorités des Canadiens (56%) devant la lutte contre le changement climatique (31%). Et quelque 40% des Canadiens souhaitent maintenant l’abolition de la taxe carbone, contre seulement 27% qui estiment qu’elle devrait augmenter comme prévu.

 « Sourde oreille »

Le Canada, qui en raison de sa situation géographique se réchauffe plus vite que le reste de la planète, est confronté ces dernières années à des événements météorologiques extrêmes dont l’intensité et la fréquence sont accrues par le réchauffement climatique.

L’année passée, le pays a notamment été confronté à une saison des feux historique: plus de 18 millions d’hectares ont brulé.

Pour Lori Turnbull, professeur de politique à l’université de Dalhousie, les prochaines élections ne seront toutefois pas gagnées sur le thème du climat.

« Les gens ressentent la pression au supermarché, à la pompe, sur leur loyer ou leur crédit immobilier, et une augmentation de la taxe sur le carbone risque de donner l’impression que le gouvernement fait la sourde oreille face à cette crise », observe l’universitaire.

A l’inverse les défenseurs de l’environnement rappellent qu’Ottawa a mis en place plus de 10 plans climatiques depuis 1990, mais qu’aucun n’a atteint ses objectifs et que le pays reste l’un des plus gros émetteurs de GES au monde par habitant.

Selon les dernières estimations de l’Institut climatique du Canada, parues en 2022, les émissions du pays, quatrième producteur de pétrole au monde, n’ont jamais cessé d’augmenter.

© AFP

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