Malgré les concessions, la colère des agriculteurs persiste et s’invite au sommet européen

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Un policier se tient devant des tracteurs bloquant l'autoroute A6, le 31 janvier 2024 près de Chilly-Mazarin en Essonne © AFP EMMANUEL DUNAND

Paris (AFP) – Les blocages d’agriculteurs ne faiblissent pas jeudi en France, en particulier autour de la capitale où les forces de l’ordre maintiennent la protection du marché de Rungis pendant qu’Emmanuel Macron se rend à Bruxelles où la crise agricole européenne s’invite en marge d’un sommet des Vingt-sept.

Le président français doit s’entretenir avant 10H00 avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen au sujet du « futur de l’agriculture européenne », a annoncé l’Elysée, avant ce Sommet européen extraordinaire consacré au budget de l’UE et à l’aide à apporter à l’Ukraine.

Les aides dégagées mercredi par le gouvernement français comme les concessions de la Commission européenne – sur les jachères et les importations ukrainiennes – n’ont pas semblé trouver grâce aux yeux de la profession, également mobilisée en Italie, Espagne et Allemagne.

Plusieurs centaines de tracteurs devraient converger à Bruxelles, selon les organisateurs. La principale confédération syndicale agricole italienne, Coldiretti, a annoncé s’y rendre avec un millier de ses membres pour dénoncer « les folies qui menacent l’agriculture ».

Mercredi soir, des agriculteurs français et belges ont bloqué « ensemble » un point de la frontière, dénonçant « la distorsion de concurrence » entérinée par les accords de libre échange, et réclamant « des annonces très fortes » jeudi.

Intrusion à Rungis

En France, les agriculteurs maintiennent la pression sur les autoroutes aux abords de Paris, où sept points de blocages étaient actifs mercredi soir, entravant l’accès à la capitale sans toutefois l’empêcher.

L’objectif affiché de la Coordination rurale, non suivi par les autres syndicats, d’envahir le marché de Rungis, poumon alimentaire de la région parisienne, s’est esquissé mercredi après-midi: 91 personnes ont été interpellées en fin d’après-midi pour s’être introduites à pied dans l’enceinte du marché de gros, où des « dégradations » ont été commises, selon le préfet de police de Paris.

Mais le convoi de tracteurs visant Rungis n’est pas encore arrivé: une partie, bloquée dans le Loiret par les forces de l’ordre, a décidé d’y passer la nuit, un autre groupe s’est arrêté à Etampes en Essonne.

Dans le pays, plus de 150 rassemblements – barrages filtrants, blocages ou manifestations – ont été recensés mercredi, notamment autour d’Orange, Nîmes, Arles, Aix-en-Provence, Grenoble ou Nantes. A Lyon, l’encerclement était quasi complet, mis à part un dernier nœud routier.

« Aujourd’hui, le compte n’y est pas. Ce qui va nous permettre de vivre et de survivre, c’est nos prix de vente », a dénoncé Laurent Saint-Affre, délégué de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) rencontré à Rodez, au milieu de 400 tracteurs mobilisés dans le centre-ville.

« Insuffisantes »

Face à la grogne, la Commission européenne a proposé d’accorder pour 2024 une dérogation « partielle » aux obligations de jachères imposées par la PAC et envisage un mécanisme limitant les importations d’Ukraine (volaille, œufs et sucre).

Si Paris s’est félicité que Bruxelles ait « répondu aux demandes de la France », la dérogation intervient « tardivement » et les mesures sur les importations restent « insuffisantes », a regretté le Copa-Cogeca, organisation des syndicats agricoles majoritaires dans l’UE.

« 29 substances actives (fongicides, insecticides, herbicides) encore utilisables en Ukraine sont interdites dans l’Union européenne », a rappelé mercredi la Confédération générale des planteurs de betteraves, inquiète de voir « les importations massives » de sucre « se poursuivre : 700.000 tonnes pour la campagne en cours contre 20.000 tonnes avant la guerre ».

Politique européenne trop complexe, revenus trop bas, inflation, concurrence étrangère, accumulation de normes, flambée des prix du carburant: les mêmes revendications se retrouvent dans la plupart des pays européens.

Un autre sujet de friction reste en suspens à Bruxelles: la Commission négocie actuellement un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui inquiète le secteur agricole et dont Paris ne veut pas en l’état actuel.

La tête de liste écologiste aux européennes Marie Toussaint a demandé mercredi à Emmanuel Macron de s’atteler lors du sommet à « former une coalition d’Etats-membres contre l’accord UE-Mercosur ».

© AFP

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