La Serbie et le charbon, amour et dépendance(s)

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La mine de charbon de Kolubara, près de Vreoci, au sud de Belgrade, le 27 octobre 2023 en Serbie © AFP Andrej ISAKOVIC

Vreoci (Serbie) (AFP) – On dit que d’ici viennent 50% de l’électricité serbe. Tous les jours, 24h/24h, 365 jours par an, les excavateurs grignotent le sol pour en extraire le charbon.

Le bassin de Kolubara, qui abrite les plus grandes mines du pays, en est la preuve: Belgrade ne peut se passer de son lignite.

Le charbon, c’est l’or noir serbe, environ 70% de l’électricité du pays est générée en le brûlant.

Un quart vient de centrales hydroélectriques, et les petits restes d’énergies renouvelables. Dans les quatre mines de Kolubara, plus de 11.000 personnes travaillent pour faire sortir, chaque année, entre 26 et 27 millions de tonnes de charbon.

A une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Belgrade, Tamnava-Ouest est l’une des ces mines à ciel ouvert au paysage lunaire.

Elle est en activité depuis les années 1990, et rien ne laisse penser qu’elle fermera bientôt. Peu importe le plan de réduction des émissions (NERP) adopté par la Serbie – depuis trois décennies environ, la part du charbon n’a pas bougé.

Et cela offre au pays des prix de l’électricité parmi les plus bas du continent: en juin, un kWh coûtait 0,096 euro en Serbie, contre 0,289 en moyenne dans l’Union européenne.

« Depuis des années, le charbon est considéré comme une sorte de don divin de notre production d’énergie », explique Hristina Vojvodic, du Renewables and Environmental Regulatory Institute (RERI). « Le pays n’a pas vraiment l’intention de sortir du charbon. Il y a des plans et des stratégies qui sont élaborés, mais quand il s’agit de sortir du charbon, les décisions ne sont pas là ».

« Par exemple, il est dit qu’en 2030 on aura réduit jusqu’à 25% l’utilisation du charbon. Ca peut vouloir dire 5%. Ça peut vouloir dire 20%. On n’en sait rien », regrette la juriste, dont l’Institut a réussi à faire reconnaître l’an dernier par un tribunal de Belgrade le rôle néfaste des centrales thermiques sur la santé des Serbes.

Interrogée, la ministre serbe de l’Energie, Dubravka Djedovic Handanovic, explique qu' »à la lumière de l’actuelle crise énergétique et de notre objectif principal, qui est d’assurer l’électricité pour les ménages et l’économie, il faut planifier soigneusement et prudemment l’abandon des anciennes capacités ».

Mais, assure-t-elle, sans détailler comment, « notre objectif pour 2030 est de réduire de 40,4% les émissions de gaz à effets de serre, par rapport au niveau de 1990, et d’avoir 45% de l’énergie renouvelable ».

En attendat, la Justice a ordonné à EPS, l’entreprise publique d’électricité, de réduire ses émissions de dioxyde de soufre (SO2) à cause des menaces qu’elles font planer sur la santé et l’environnement.

Les émissions de SO2 à cause du charbon sont actuellement de cinq à six fois, selon les sources, plus élevées que le plafond autorisé pour toutes les centrales thermiques du pays.

La place persistante du charbon en Serbie montre que même au coeur du continent le plus ambitieux pour atteindre la neutralité carbone, sortir de la deuxième source d’énergie fossile après le pétrole n’est pas une évidence.

Agrandissement de la centrale

« Nous n’avons rien contre le passage aux énergies alternatives, vertes, qui sont meilleures pour la santé, l’environnement, et qui assureraient aussi de meilleures conditions de travail aux mineurs », explique Vladimir Radosavljevic, vice-président de l’Union syndicale de Serbie – Sloga, chargé de l’Industrie.

Mais « le secteur énergétique emploie chez nous un grand nombre de personnes, surtout dans les grandes mines, et l’abandon de l’exploitation du charbon conduirait à beaucoup de licenciements », craint-il.

Pour l’heure, aucun licenciement en vue.

La Serbie devrait ouvrir dans les mois qui viennent une nouvelle unité dans sa centrale au charbon de Kostolac (est), grâce à un financement chinois, ce qui implique une extension de la mine de charbon de Drmno, dans la même zone.

Le mystère plane sur la date d’ouverture du nouveau bloc – baptisé « B3 » – de cette centrale. Mais des tests ont lieu depuis janvier, affirme Hristina Vojvodic.

« Nous nous en sommes rendu compte il y a quelques jours – des habitants nous ont appelés pour nous dire qu’ils étaient extrêmement inquiets car ils voyaient de la fumée noire sortir de la cheminée. Nous avons demandé des documents, et on a découvert que des essais avaient lieu ».

« B3 » est muni d’une unité de désulfuration – mais « les chiffres parlent: même avec, les émissions sont supérieures » aux engagements de la Serbie, dit-elle.

La Serbie a signé à Sofia en 2020 une déclaration dans laquelle elle se dit déterminée à œuvrer pour atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.

A Kolubara, on évoque un possible déplacement de la mine – quitte à faire partir des habitations, comme cela a déjà été fait au gré des découvertes de charbon.

« Pour tout dire, on ne sait pas si la Serbie prévoit d’agrandir encore ses mines », reconnaît Hristina Vojvodic.

« Le ministère de la Construction prévoit de nouvelles installations, le ministère des Mines et de l’Energie dit que ce n’est pas possible, et le ministère de l’Environnement n

© AFP

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