A Chooz, les « pompiers du nucléaire » s’entraînent au « pire des pires » scénarios

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La centrale nucléaire de Chooz (Ardennes), le 10 mai 2017 © AFP/Archives FRANCOIS LO PRESTI

Chooz (France) (AFP) – A la centrale de Chooz, une tempête hors norme met à l’épreuve la sûreté des installations le temps d’un exercice joué par les agents EDF de la « force d’action rapide nucléaire » (Farn). Leur mission: éviter un accident nucléaire comme celui de Fukushima.

Dans le poste de commandement installé à quelques kilomètres de la centrale ardennaise, nichée dans un méandre de la Meuse, le chef des opérations, Franck Crouzille, a réuni ses équipes pour le briefing, et la situation est critique.

A la suite de « fortes intempéries, le débit de la Meuse a fortement augmenté », commence-t-il, devant les agents en tenue d’intervention rouge barrée de patches réfléchissants fluo. « Un afflux » de débris tels que des troncs d’arbres sur la rivière entrave les capacités de refroidissement des deux réacteurs.

Tout est fictif mais en cas de besoin, la Farn peut « être appelée à intervenir lors d’une catastrophe naturelle qui toucherait une centrale de manière grave, comme une tempête avec vents violents et inondations », explique son directeur Olivier Le Roux, ancien colonel des sapeurs-pompiers de Paris, à la tête de cette unité présentée comme « unique au monde ».

Pour l’exercice, les difficultés ont été poussées à l’extrême: les rafales à 150 km/h ont rendu les routes impraticables et interrompu l’alimentation électrique et les lignes téléphoniques.

« On est là pour porter appui à la centrale et lui apporter deux éléments essentiels pour refroidir le coeur du réacteur, l’eau et l’électricité », en moins de 24 heures, poursuit Olivier Le Roux, qui dirige cette unité de 300 hommes et femmes, agents d’EDF volontaires surnommés « pompiers du nucléaire », dont 50% du temps est alloué à la formation et aux entraînements.

Justement, une dizaine d’agents s’est positionnée sur les bords de la Meuse pour aller pomper l’eau directement dans la rivière et l’acheminer jusqu’à la centrale au moyen d’un tuyau géant de 20 cm de diamètre. « On peut aller chercher de l’eau jusqu’à 17 km autour d’un site », souligne le chef de la Farn.

Une autre équipe a pris place à bord d’une large fluviale chargée de plusieurs générateurs qui seront transportés jusqu’au site pour rétablir le courant, alors que les systèmes de secours sont désormais hors service.

A raison de cinq exercices nationaux par an dans le parc nucléaire d’EDF, la Farn s’entraîne à « l’improbable »: « on se prépare au pire du pire », résume M. Le Roux.

Trois jours d’autonomie

Opérationnelle depuis 2016, la Farn a été créée en 2011 quelques semaines après la catastrophe de la centrale japonaise de Fukushima, causée par un tsunami, qui a poussé l’Allemagne à renoncer au nucléaire et les pays nucléarisés à rehausser leurs normes de sûreté.

Dans le cas d’EDF, « il a été rajouté des sources supplémentaires d’électricité, les diesels d’ultime secours et des sources d’eau ultimes », précise Solène Gourion, directrice de la centrale. La Farn n’interviendrait donc qu' »en tout dernier recours » quand toutes les barrières de sécurité ne permettent plus d’éviter l’accident nucléaire, un cas qui ne s’est jamais produit en France.

Très mobile, se déplaçant par la route ou en hélicoptère, l’unité est capable de transporter depuis ses quatre bases régionales le nécessaire pour tenir trois jours d’autonomie: générateurs, poste de communications satellitaires, tentes, nourriture pour le personnel…

« Ils sont formés à passer coûte que coûte », si besoin en déblayant les routes à la tronçonneuse, ajoute le chef de la Farn, en présentant l’impressionnant arsenal: 41 camions, 18 véhicules 4×4, 5 barges, 20 groupes électrogènes… Elle peut aussi compter sur les robots de reconnaissance visuelle et radiologique du Groupe d’intervention Robotique sur Accidents, créé après la catastrophe de Tchernobyl. Leurs engins téléopérés peuvent aller inspecter un terrain potentiellement radioactif pour éviter d’y envoyer les hommes.

Et quid de la protection des populations environnantes ?

Durant deux jours, l’exercice de Chooz a également impliqué la préfecture et les acteurs du territoire pour tester le dispositif d’alerte de la population et la gestion de crise à l’extérieur de la centrale.

S’exercer, « c’est une bonne chose, après ce que nous souhaitons, c’est de pouvoir faire des exercices grandeur nature, sans prévenir personne », précise à l’AFP Jean-Claude Delalonde, président de l’Anccli, la fédération des Commissions réunissant les riverains de chaque centrale.

© AFP

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