Nouvelle-Aquitaine : photographier le littoral pour en comprendre les évolutions


Heart in Voh, New Caledonia (French Overseas Territory) (20°56' S – 164°39' E). © Yann Arthus-Bertrand

En France métropolitaine, plus de 25 % du littoral est confronté au risque d’érosion côtière, tandis que 1,4 million d’habitants seraient exposés à la submersion marine. Si la façade néo-aquitaine, qui compte 839 km de rivage, est l’une des moins artificialisées de l’Hexagone, elle est aussi la deuxième façade métropolitaine la plus affectée par l’érosion, après le Nord-Ouest.

Phénomène naturel à l’œuvre depuis des milliers d’années sur le littoral atlantique, le recul du trait de côte se caractérise par un déplacement massif de sédiments sous l’effet des vagues, des vents et des marées.

D’ici à 2050, le littoral sableux de la Gironde et des Landes pourrait ainsi perdre en moyenne 50 mètres, et les côtes rocheuses du Pays basque 27 mètres. En Charente-Maritime, tout au sud de l’île d’Oléron, sur la pointe de Gatseau, la mer grignote, en moyenne, une vingtaine de mètres par an. C’est l’un des endroits d’Europe qui subit le plus fort recul du trait de côte.

Observer les côtes, accompagner les politiques publiques

Créé en 1996, l’Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine (OCNA) a pour rôle de mettre au service des acteurs du littoral un outil d’observation, d’aide à la décision et de partage de la connaissance pour la gestion et la prévention des risques côtiers. L’idée est ainsi de favoriser l’adaptation au recul du trait de côte.

Pourquoi ne pas faire appel aux promeneurs pour en documenter les évolutions ? En se baladant le long du littoral de Nouvelle-Aquitaine, ils peuvent désormais apercevoir de petits panneaux métalliques jaunes surplombant certaines plages et incitant les passants à devenir, l’espace d’un instant, acteurs du suivi du littoral.

Il s’agit de postes d’observation déployés dans le cadre de CoastSnap Nouvelle-Aquitaine, un nouveau système de suivi participatif, installé à l’automne 2021. Son fonctionnement, particulièrement simple, est basé sur les photos prises par les citoyens à l’aide de leur smartphone, depuis un même point fixe.

Leur envoi, via différents canaux (formulaire web, mail ou application), va ensuite alimenter une importante base de données d’images qui seront utilisées pour mieux saisir et analyser les évolutions du littoral à différentes échelles de temps.

Un outil participatif né en Australie

Développée en 2017 par une équipe de chercheurs australiens de l’Université de New South Wales, l’initiative CoastSnap a pour objectif de cartographier les changements à l’œuvre à partir de contributions citoyennes.

Elle est complémentaire d’autres outils utilisés par les scientifiques : mesures terrain au DGPS, un GPS différentiel de précision centimétrique, imagerie vidéo (webcams par exemple), images satellites.

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CoastSnap présente l’avantage de recueillir des observations très régulières, de façon quotidienne, tout en sensibilisant les citoyens à l’évolution du littoral et aux risques existants au niveau des zones côtières. Cette nouvelle source de données reste également plus économique que les mesures classiques ou les webcams, qui consomment de l’énergie et génèrent des coûts de maintenance.

Cet outil participatif innovant a donc séduit l’Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine. Tout en s’inscrivant au sein du réseau international CoastSnap, il a choisi de réunir un consortium de partenaires locaux afin de développer le projet dans la région : le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Office national des forêts (ONF) – principaux opérateurs techniques de l’OCNA, ainsi que le Centre aquitain des technologies de l’information et électroniques (CATIE), spécialiste des technologies du numérique.

Trois sites pilotes de la côte de Nouvelle-Aquitaine ont été sélectionnés pour l’installation d’un poste d’observation. L’un à Lacanau (Gironde), l’autre à Capbreton (Landes) et le dernier à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques). Ces lieux sont implantés dans chaque département de l’ex-région Aquitaine et présentent des sites aux environnements et problématiques d’érosion différents. L’objectif est d’aménager dans les mois à venir de nouveaux postes dans la région, notamment en Charente-Maritime.

Situation géographique (a) et photos des postes d’observation CoastSnap de Nouvelle-Aquitaine (b, c, d).
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Plus de 3 000 photos reçues

Résultat : près de quinze photos par semaine en moyenne sont partagées par les citoyens sur chacun des trois sites, portant ainsi le total à plus de 3 000 clichés reçus fin mai 2023.

La photo ci-dessous illustre les clichés « types » pris depuis ces stations. La base de données d’images constituée, le travail d’analyse et de traitement a pu débuter pour les équipes du projet dont l’œil avisé cherche à extraire les informations pertinentes.

Photos types prises depuis les postes de Lacanau-Océan (a), Santocha à Capbreton (b) et Lafitenia à Saint-Jean-de-Luz (c).

Un suivi quantitatif des mouvements côtiers n’est possible qu’à partir d’images géoréférencées, dont les coordonnées des pixels dans un repère réel sont connues.

Ce n’est pas le cas des images brutes envoyées par les promeneurs, qui sont des images dites « obliques » (ou de biais). Un traitement technique, appelé orthorectification, est réalisé par les équipes de l’Observatoire afin d’aligner les images entre elles et de les projeter sur un plan horizontal.

Les images sont ainsi traitées avec une grande précision et permettent de caractériser la dynamique littorale de façon quantitative.

Des applications récentes de l’outil CoastSnap ont permis le suivi de la hauteur de la plage en pied d’ouvrage à Lacanau (l’enrochement situé sur le front de mer), ainsi que celui de l’érosion du bourrelet sableux de protection à Capbreton. Il s’agit d’un apport de sable effectué par rechargement une fois par an et profilé avec la forme d’un merlon pour protéger la dune en arrière. Le changement d’orientation de la plage de Lafitenia à Saint-Jean-de-Luz a également pu être observé avec attention.

Mieux comprendre les dynamiques littorales

L’intérêt de disposer d’images aussi fréquentes (quasi quotidiennes) est de pouvoir identifier les causes d’évolution des sites à différentes échelles, de l’échelle d’une tempête à l’échelle pluriannuelle.

Ces suivis permettent aux scientifiques de mieux comprendre la dynamique littorale et son lien avec les conditions météo-marines, tout en fournissant aux gestionnaires des indicateurs haute fréquence sur l’état des sites.

Coastnap vient donc appuyer les stratégies de lutte contre l’érosion engagées par les collectivités locales.

Aujourd’hui, de nombreux pays dans le monde profitent des avantages de ce système, parmi lesquels l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal, la Belgique, les Pays-Bas, le Brésil, les États-Unis, l’Inde ou encore le Mozambique.

Plus de 200 stations CoastSnap sont ainsi présentes dans 21 États. En France, on compte déjà plus d’une vingtaine de ces installations réparties le long du littoral métropolitain, portées par les observatoires du littoral ou les universités (notamment l’Observatoire citoyen du littoral et l’Observatoire régional des risques côtiers en Pays de Loire). Elles permettront, sans nul doute, d’améliorer la compréhension et la gestion de ces zones si fragiles.


Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.The Conversation

Sophie Lecacheux, Ingénieur risques BRGM, BRGM

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Nouvelle-Aquitaine : photographier le littoral pour en comprendre les évolutions 
par Sophie Lecacheux, BRGM

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