Colombie : William Suarez, témoin incrédule de la furie du volcan Nevado del Ruiz


Le volcan Nevado del Ruiz à Murillo, département de Tolima, en Colombie, le 7 avril 2023 © AFP/Archives JOAQUIN SARMIENTO

Villamaría (Colombie) (AFP) – « Je n’y crois pas »: William Suarez se souvient encore de l’horreur de l’éruption du Nevado del Ruiz en 1985, qui fit 25.000 morts dans l’ouest de la Colombie. Mais, malgré l’alerte lancée par les autorités, il ne croit pas en une explosion majeure avant des années.

Comme lui, beaucoup des 57.000 habitants vivant à proximité de ce volcan de la cordillère des Andes, refusent d’évacuer la zone malgré la demande des autorités et l’alerte en vigueur depuis mars, quand la moyenne quotidienne des secousses sismiques à l’intérieur du volcan est passée de 50 à 12.000.

« Je n’y crois pas », assure l’homme de 73 ans, à la moustache et à la casquette grises, lorsqu’on l’interroge sur le risque d’une éruption. Le volcan que les anciens surnomment « le lion endormi » n’entrera pas en éruption avant « environ 50 ans » encore, selon lui.

L’agriculteur de Viejo Rio Claro, un village niché au pied des montagnes de la municipalité de Villamaria, une des zones déclarées à haut risque, connait pourtant le potentiel dévastateur de ce volcan aux neiges éternelles qui culmine à près de 5.400 mètres.

« On le voyait très haut crachant du feu, d’une couleur comme la brique, et la terre tremblait », se souvient-il à propos de cette nuit du 13 novembre 1985 lorsque une avalanche de boues et de cendres a dévalé les pentes du Nevado del Ruiz. « Elle a emporté le transformateur et les gens ont commencé à crier et à courir sur la route », témoigne-t-il auprès de l’AFP.

« morceaux de mains »

Le lendemain, « il y avait des morceaux de mains, de bras, des moitiés de corps, des têtes dépouillées », raconte l’homme à côté d’une petite église restée intacte. La tragédie a dévasté la ville voisine d’Armero et fait en tout 25.000 morts et presque autant de sinistrés.

Le visage d’Omaira Sanchez, cette adolescente de 13 ans décédée devant les caméras du monde entier après une agonie de trois jours dans un trou d’eau, est devenu le symbole de la tragédie.

Elle est considérée comme la pire catastrophe naturelle de l’histoire de la Colombie et l’une des éruptions volcaniques les plus meurtrières du XXe siècle.

Il y a dix ans, le volcan situé à la limite des départements de Tolima et de Caldas, est entré à nouveau en éruption, mais avec une activité qui s’est limitée à des projections sporadiques de cendres.

Aujourd’hui, sa situation pourrait ressembler à celle « d’un patient en soins intensifs qui reste relativement stable mais n’est pas prêt à passer en soins intermédiaires » ou à sortir, illustre Lina Castaño, responsable technique de l’Observatoire volcanologique et sismologique de la ville de Manizales, proche du volcan.

« La menace est latente (…) Il ne faut pas baisser la garde », avertit Félix Girlado, responsable de la gestion des risques du département de Caldas. « La situation est devenue normale pour les gens et ce n’est pas ce que nous souhaitons en tant qu’État. Nous leur rendons visite pour qu’ils comprennent que la menace est présente », explique-t-il.

En attendant, William Suarez continue d’arpenter en toute quiétude les chemins escarpés de son village.

© AFP

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