Les nouvelles technologies, « arme » des indigènes pour protéger l’Amazonie

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L'activiste indigène Txai Surui s'exprime lors de la première journée du Web Summit Rio, au Brésil, le 1er mai 2023 © AFP MAURO PIMENTEL

Rio de Janeiro (AFP) – Son grand-père protégeait le territoire des Paiter Surui, dans l’Etat brésilien de Rondônia, avec un arc et des flèches. Aujourd’hui, les nouvelles technologies sont les « armes » de Txai Surui, et de nombreux autres jeunes militants indigènes, pour lutter contre l’exploitation forestière et minière illégale en Amazonie.

Cette Brésilienne de 26 ans est l’une des vedettes du Web Summit Rio, le rendez-vous mondial de l’économie numérique et des nouvelles technologies, qui réunit cette semaine, pour la première fois hors d’Europe, plus de 20.000 entrepreneurs de grandes entreprises technologiques, des start-up et des investisseurs du monde entier.

« Pour nous aujourd’hui les nouvelles technologies c’est une arme (…) avec les connaissances ancestrales nous les utilisons comme une forme de résistance, pour protéger notre territoire », déclare-t-elle à l’AFP en marge de la conférence.

A l’aide de caméras vidéo, de drones, de GPS, de téléphones portables et des réseaux sociaux, un groupe de jeunes de son village surveille les incursions illégales sur leurs terres et les signale via une application dédiée, explique la coordinatrice de l’association de défense ethno-environnementale Kanindé, qui regroupe 21 peuples indigènes d’Amazonie.

« Mais les technologies peuvent être utilisées pour faire le mal », prévient-elle, relevant que les trafiquants se servent également des images satellites.

Quelque 800.000 indigènes vivent au Brésil, la plupart dans des réserves qui représentent 13,75% du territoire, selon les chiffres officiels.

Famille de militants

Txai Surui suit les traces de ses parents qui ont combattu l’exploitation forestière illégale et ont été menacés de mort par les trafiquants.

La jeune femme a produit le documentaire « O territorio » (Le territoire) sur la lutte du peuple Uru-eu-wau-wau, et de sa mère, Ivaneide Bandeira, pour protéger les terres ancestrales dans le Rondônia (nord).

Son père, le chef Almir Surui, qu’elle définit comme « un visionnaire », a été le premier à faire appel à la technologie « pour sauver la forêt ». En 2007, il a frappé à la porte de Google pour réaliser avec l’entreprise californienne « la carte culturelle »du territoire du peuple Paiter Surui, son mode de vie, ses habitations, sa faune et sa flore.

Pieds nus, le visage peint de lignes noires et une couronne de plumes multicolores ornant ses longs cheveux, Txai Surui exhorte les entrepreneurs de la nouvelle économie à se rendre dans la forêt amazonienne.

« Nous avons besoin de personnes qui travaillent avec les nouvelles technologies pour renouer avec la nature (…) A ceux qui me disent qu’ils veulent m’aider avec de nouvelles applications, je leur dis +venez nous rencontrer et voyez ce dont nous avons besoin+ », déclare la militante, par ailleurs étudiante en droit.

« Revendiquer », « faire pression »

Le gouvernement de Luiz Inacio Lula da Silva, entré en fonction en janvier, a fait de la lutte contre la déforestation une priorité. La semaine dernière, il a signé des décrets délimitant six nouveaux territoires indigènes, les premiers depuis 2018.

Les nouvelles réserves garantissent aux populations indigènes l’usage exclusif des ressources naturelles et les scientifiques affirment que ces zones seront un frein à la déforestation en Amazonie.

Sous le gouvernement de l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022), la déforestation a augmenté de 75% par rapport à la décennie précédente.

« Les points de vue ont changé (…) mais nous savons qu’un long chemin reste à parcourir », estime Txai Surui. « Mon rôle est de revendiquer, de faire pression, il y a encore beaucoup de territoires à délimiter ».

Elle dit souhaiter le renforcement au Brésil de la Fondation nationale des peuples indigènes (Funai), du ministère des Peuples indigènes et du ministère de l’Environnement. Elle pointe le Congrès « très conservateur, plus que sous le dernier gouvernement », comme un obstacle majeur aux changements.

La jeune femme implore les décideurs mondiaux de ne pas uniquement envisager le changement climatique sous le prisme de l’économie : « nous sommes presque à un point de non-retour (…) On doit arrêter de penser uniquement à l’économie mais penser aux gens ».

© AF

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