La difficile cohabitation entre les activités de pêche et la conservation des requins dans le sanctuaire des Maldives

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Un requin en Floride © Joseph Prezioso / AFP

L’augmentation des populations de requins dans les sanctuaires marins destinés à les protéger entraîne une augmentation des conflits avec les pêcheurs locaux. Ce qui représente, à terme, un risque pour l’acceptation et le succès des politiques de conservation des requins. Une étude de l’université de Newcastle publiée dans la revue Conservation Letters s’est intéressée aux répercussions de l’établissement d’un sanctuaire pour requins aux Maldives. Les pêcheurs s’y plaignent du fait que la prolifération des requins a réduit leurs prises et donc leurs revenus. Ces derniers ont diminué de plus de 21 %. Les requins, plus nombreux prélèvent davantage de poissons, au détriment des pêcheurs locaux. L’absence de soutien des pêcheurs au sanctuaire pourrait effectivement réduire à néant les mesures de protection.

Près du quart (24 %) des espèces de requins sont en danger d’extinction dans le monde en raison du finning (la pêche dans le but de de garder uniquement les ailerons, un mets prisé en Chine), de la surpêche ou encore des prises annexes, sans compter que les requins jouissent d’une mauvaise réputation infondée. Comme les Maldives, 17 pays ont mis en place des sanctuaires afin de protéger ces prédateurs des océans. Dans ces aires marines protégées, la pêche du requin est interdite. Toutefois, les scientifiques s’inquiètent du fait qu’une baisse des revenus des pêcheurs débouche sur des conflits nuisibles aux efforts de préservation des requins. L’auteure principale de l’étude, Danielle Robinson de l’université de Newcastle, explique dans ScienceDaily : « cette étude souligne l’importance d’une approche plus inclusive pour nous aider à comprendre et à gérer les conflits liés à aux dommages pour les pêcheries quand on veut trouver des solutions pour préserver les requins. Les pêcheurs et les requins se retrouvent en concurrence pour la même chose : le poisson. L’un des apports de notre recherche est une carte des points potentiels de conflit grâce à des données, des images de caméras sous-marines, des cartes et des interviews. »

Cette recherche devrait permettre de trouver des solutions afin de faciliter la cohabitation entre les espèces sauvages et les activités humaines, notamment celles qui permettent de vivre et de générer des revenus. Elle pose également une nouvelle fois la question des compensations aux populations qui entreprennent des efforts de conservation. De telles problématiques s’observent déjà à terre lorsqu’il s’agit de prédateurs (loups, ours, félins…) ou de grands mammifères pouvant endommager les cultures comme les éléphants sauvages ou s’attaquer aux animaux d’élevage. Trouver un équilibre entre la protection de la faune sauvage et la poursuite des activités humaines s’avère difficile. L’adhésion et le soutien des personnes dont l’activité économique peut être mise à mal par ces animaux est un facteur clef du succès ou de l’échec de nombreuses politiques de conservation. Il faut souvent que les populations locales aient un intérêt économique soit en tirant des gains directs de la préservation soit en étant compensées pour leurs pertes.

Julien Leprovost

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