Dans un garage londonien, les voitures troquent les chevaux pour les watts

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© AFP Une Classic Mini équipée d'un moteur électrique dans l'atelier de l'entreprise London Electric Cars, le 6 mai 2022 à Londres © AFP Ben Stansall

Londres (AFP) – Nichées dans un atelier voûté sous une ligne de métro à Londres, des voitures attendent leur mue: abandonner cylindres, bougies et pistons pour un moteur électrique, synonyme d’une nouvelle vie plus verte.

« Nous ne créons pas les émissions de CO2 qui accompagnent une nouvelle voiture » –soit « 17 tonnes » en moyenne– « et on n’envoie pas à la casse une vielle voiture valide, c’est gagnant-gagnant », souligne Matthew Quitter, fondateur de London Electric Cars, l’une des quelques entreprises britanniques spécialisées dans cette conversion.

Notamment grâce au processus d’homologation plus souple que dans d’autres pays et à l’affection particulière des Britanniques pour l’automobile, ce secteur naissant se développe au Royaume-Uni.

Dans l’atelier patientent toutes sortes de voitures: de la Mini à la Bentley, des anciennes, et d’autres moins, comme un break Volvo d’une vingtaine d’années ou une Fiat Multipla et son étrange faciès d’ornithorynque.

En raison de leur affection envers leur auto, certaines familles se tournent vers Matthew Quitter pour leur éviter la casse: « Les enfants ont grandi dedans, ils veulent la voir renaître en voiture électrique ».

Il faut compter à partir de 30.000 livres sterling (35.000 euros) pour la transformation, soit l’équivalent d’une voiture électrique d’entrée de gamme neuve, pour une autonomie allant, selon les batteries, de 80 à 300 kilomètres.

Amplement suffisant quand « 90 à 95% des trajets à l’intérieur de Londres » n’excèdent pas 10 kilomètres, avance-t-il.

Désastre et puanteur

Quant au choix du moteur électrique, d’origine Nissan Leaf principalement, ou Tesla, l’idée est d’essayer de rester aussi près que possible des performances originales de la voiture, pour éviter d’avoir à adapter freins ou transmission.

Depuis ses débuts en 2017, le garage a converti sept voitures, et espère en transformer 10 en 2022.

« Les gens réalisent que les moteurs à explosion sont un désastre, ils puent, dégagent plein de fumée, font plein de bruit et sont en partie responsables du dérèglement climatique », explique-t-il.

Matthew Quitter prédit un « changement de perception » à l’égard des voitures thermiques, estimant que les voitures de collections à moteur classique seront perçues comme un « anachronisme », comme fumer une cigarette devant un école, et seront peut-être dans le futur tout simplement bannies en ville.

Fin 2019, la Fédération internationale des véhicules anciens a estimé que de telles conversions ôtaient aux voitures leur caractère « historique » et a plaidé pour des modifications réversibles.

Pour les puristes, bruit, vibrations, odeur d’essence font partie du plaisir de l’automobile ancienne.

Les clients de Matthew Quitter ne sont selon lui « pas du tout intéressés par ça »: « Ils veulent la fiabilité » de l’électrique.

Et à ceux qui crieraient au sacrilège, lui objecte que personne ne viendrait à l’idée de mettre en cause l’authenticité d’une vieille demeure équipée de tout le confort moderne car on ne s’y éclairerait plus à la bougie.

 Patrimoine national

Le curseur est « une question très personnelle », explique Matthew Quitter, qui ne se verrait pas transformer certaines Aston Martin.

Il est rejoint sur ce point par Garry Wilson, patron de la HCVA (Historic & Classic Vehicles Alliance), qui oeuvre pour la défense des véhicules anciens, citant l’Aston DB5, la célèbre voiture de James Bond.

Les moteurs se changent presque depuis le début de l’histoire de l’automobile, souligne-t-il.

Mais il se montre en revanche sceptique sur le réel avantage écologique de telles conversions pour des véhicules de collection qui circulent peu (1.920 kilomètres annuels en moyenne, contre 11.500 km pour une voiture contemporaine, selon la HCVA). Surtout si batteries et moteurs viennent du bout du monde.

« Il y a beaucoup de véhicules qu’on devrait classer comme faisant partie de notre patrimoine national », fait-il valoir.

« On serait horrifiés si on mettait des fenêtres en PVC à Blenheim Palace », un palais du XVIIIe siècle, force-t-il le trait, le Parlement pourrait être rasé puis reconstruit pour gagner en espace et en efficacité thermique, « mais il y a Big Ben, l’un de nos trésors nationaux ».

La solution réside selon lui dans les carburants de synthèse, qui sont fabriqués en absorbant du CO2 et permettraient donc d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

© AFP

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