Isabela de Sagua, « la Venise de Cuba », refuse d’être engloutie par la mer

Cuba montée des eaux changement climatique fonte des glaces

L'ancienne douane de Isabela de Sagua, "la Venise de Cuba", menacée par la montée des eaux, à Cuba le 27 avril 2022 © AFP YAMIL LAGE

Isabela de Sagua (Cuba) (AFP) – On aperçoit encore les pilotis sortant des flots : « Le cyclone Kate a emporté toutes ces maisons en bois qui étaient sur l’eau », raconte Amado, habitant d’Isabela de Sagua, village de Cuba menacé par la mer mais qui refuse de disparaître.

Amado Arce, retraité de l’industrie du miel de 69 ans, a vécu dans une de ces maisons construites face à la côte nord de l’île, depuis la fondation en 1843 du village, surnommé « la Venise de Cuba ».

Tout a été balayé par Kate en 1985, et encore aujourd’hui la mer menace.

Amado fait partie des quelque 3.000 fiers habitants du lieu qui refusent de partir alors que les autorités proposent depuis 2017 de les déplacer à Isabela Nueva, 11 kilomètres plus loin à l’intérieur des terres.

De l’eau, émerge la structure de ce qui fut le bureau local des douanes.

« Il avait été construit en bois, sur deux étages, puis rénové en briques », se souvient Amado. Au 20e siècle, le village était devenu un port dynamique, d’où partaient des bateaux chargés de sucre, de miel et d’alcool.

Entre les maisons rustiques, dont les murs étaient peints de couleurs vives, on a construit des canaux. Il n’y avait pas de route, seulement un ligne de train pour le port. Les villageois avaient pris l’habitude de se déplacer en canoës.

Mais Isabela de Sagua a perdu son élan quand le port a fermé dans les années 1990. Aujourd’hui ses habitants vivent de la pêche et de l’argent envoyé par leurs familles vivant à l’étranger.

« La fermeture du port était due à un millier de raisons », raconte Amado, qui cite la principale: « le camp socialiste s’est effondré » avec la chute de l’URSS, or « 80% du commerce de Cuba en dépendait ».

« Tout perdu »

Le changement climatique a fait le reste: en septembre 2017, l’ouragan Irma, de catégorie 5, atteint le village de plein fouet.

« Le cyclone a frappé pendant 16 heures, j’avais de l’eau jusque là », dit, en mettant sa main sur la poitrine, Rafael Morales, 61 ans, chef d’un restaurant avec terrasse sur la mer.

« J’ai tout perdu », ajoute-t-il, face à l’établissement qui a dû être reconstruit.

Elias Neri, aux commandes de son bateau de pêche « Contratiempo » (contretemps), a vécu 50 de ses 84 ans dans sa maison de bord de mer.

« Comment vous pensez que je vais partir » à Isabela Nueva, « m’enterrer là-bas? Ce n’est ni Isabela, ni Sagua, c’est un pâturage qu’il y a là-bas », dit-il d’un air renfrogné.

« Moi je ne pars pas d’ici, c’est ma maison » et « si je me noie, je me noie ici », assure-t-il au côté de son épouse Lazara, qui approuve d’un hochement de tête.

La moitié de la population a déjà abandonné ce recoin idyllique de la côte cubaine, dans la province de Villa Clara et face à une série d’îlots qui le rend encore plus proche de la Floride. Beaucoup d’entre eux sont partis dans des embarcations de fortune.

Depuis des décennies, des habitants d’autres provinces viennent d’ailleurs là pour se jeter à la mer et tenter de rejoindre l’eldorado américain.

Elias et Lazara en ont vu beaucoup non loin de leur maison. « Il y a cinq jours, ils en ont intercepté 16 à côté d’ici », raconte Elias.

© AFP

Egalement sur GoodPlanet Mag’ :

Jamestown, berceau historique des Etats-Unis menacé par la montée des eaux

Menacée par la montée des eaux, New York se protège derrière un mur

Insolite : les fourmis d’Amazonie s’assemblent en radeau vivant pour fuir la montée des eaux

Un commentaire

Ecrire un commentaire

    • Claude Courty

    L’eau c’est la vie, mais qui déborde ? L’eau ou la vie ?
    L’être humain s’obstine en tout cas à proliférer, dans l’obscurantisme de croyances et idéologies les plus archaïques, qui lui font refuser de voir pour ce qu’elle est, la réalité de sa condition. C’est ainsi qu’il est devenu le pire ennemi de lui-même et de son habitat.
    Comme chaque représentant du vivant, « avant toute autre considération, l’être humain est un consommateur » Gaston Bouthoul (1896-1980). Parce qu’il doit impérativement ne serait-ce que se nourrir, se vêtir, se loger et se soigner, il l’est depuis sa conception jusqu’après sa mort – les marchés du prénatal et du funéraire en attesteraient s’il en était besoin – et il se double d’un producteur dès qu’il est en âge de travailler. Il est ainsi un agent économique au service de la société, aux dépens de son environnement. Et plus le nombre de ces agents augmente, plus leurs besoins s’accroissent – outre ceux qu’ils s’inventent toujours plus nombreux – ; plus ils produisent, consomment, échangent et s’enrichissent, avec l’aide du progrès scientifique et technique, quelles que soient les conditions du partage de leurs richesses.

    Qu’il s’agisse de gestion de ressources non renouvelables comme de déchets, ou de pollution, les atteintes à l’environnement augmentent d’autant et s’ajoutent aux effets des caprices d’une nature jamais avare de catastrophes inopinées ou cycliques.

Brésil : des milliers d'indigènes réclament la délimitation de leurs terres ancestrales

Lire l'article