La Montagne Pelée sous surveillance, 120 ans après son éruption meurtrière


La ville de Saint-Pierre et la Montagne Pelée, en décembre 2021, à la Martinique © AFP Christophe ARCHAMBAULT

Fort-de-France (AFP) – Saint-Pierre, Martinique, 8 mai 1902, vers 8H00: en quelques minutes, près de 28.000 personnes sont tuées par une extraordinaire explosion suivie d’une nuée ardente. 120 ans après cette éruption volcanique, des habitants vivent encore au pied de la Montagne Pelée.

Face à la baie donnant sur la mer des Caraïbes, Saint-Pierre porte toujours les stigmates de cette journée de 1902. Les Pierrotins sont plus de 4.000 à vivre dans des logements construits entre les ruines des habitations soufflées alors par le volcan.

Née à Saint-Pierre il y a 64 ans, Lucette Ettenat n’irait pour rien au monde ailleurs : « J’aime Saint-Pierre, il y fait bon vivre, dit cette « assistante familiale » toujours active. « La Montagne est là, je suis née avec, et continue de vivre avec. Quand on était petits, on montait avec joie sur la Montagne, on marchait, on cultivait. On était seuls au monde. Ça ressource, c’est extraordinaire ».

La peur du réveil du volcan a bien ressurgi depuis le 4 décembre 2020, quand la Montagne Pelée a été placée en vigilance jaune par la préfecture de la Martinique et l’Observatoire volcanologique et sismologique de la Martinique (OVSM).

Mais Lucette balaie le souvenir de la catastrophe : « en 1902, on n’avait pas tous les instruments de mesures. Aujourd’hui, on a l’observatoire, on est trop à la pointe du progrès. Alors s’il faut partir (en cas d’alerte), je partirai ».

« C’est un volcan qui est actif », rappelle le directeur de l’OVSM, Fabrice Fontaine.

« Le nombre de séismes enregistrés entre 1999 à 2019 était de l’ordre de deux à trois par mois, indique ce chercheur à l’AFP, mais entre le 1er décembre 2020 et le 1er mai 2021, on en a compté 53 de magnitude supérieure à 0,1 chaque mois ».

Dès lors, le passage en vigilance jaune a permis aux scientifiques d’accentuer leurs recherches, afin de mieux surveiller les évolutions du volcan. Onze stations sismiques ont été installées autour.

Il n’y a toutefois pas de quoi s’alarmer, selon le scientifique, car l’énergie des séismes reste faible, et aucune variation de température ou de pH n’a été enregistrée. Si le volcan peut encore un jour entrer en éruption, aucun signe ne va dans le sens d’une explosion imminente, indique l’observatoire.

En 1902, de nombreux phénomènes avaient pu être observés plusieurs mois avant l’éruption peléenne, tels que des explosions phréatiques, des colonnes de cendres ou une intensification des fumerolles, visibles dès le mois de décembre 1901. « Aujourd’hui, il n’y a pas d’observation des fumerolles », relève Fabrice Fontaine.

Plan Orsec en cas d’évacuation

Alors que la campagne pour les élections législatives du 11 mai 1902 battait son plein, le danger avait été minimisé par les autorités locales.

Une « commission scientifique » chargée d’étudier le volcan concluait même, sur une affiche : « la sécurité de Saint-Pierre reste entière ».

Peu de temps après, une violente détonation ébranlait terre et mer : « Saint-Pierre s’embrase comme les bateaux encore à flot », puis « il n’y a plus trace d’êtres vivants », relate le Mémorial de la catastrophe de 1902 sur son site internet.

Si le chiffre approximatif de 28.000 décès « semble aujourd’hui surestimé », lit-on dans cet exposé, « il n’en reste pas moins considérable à l’échelle de la Martinique ».

120 ans plus tard, la surveillance scientifique renforcée s’accompagne d’un Plan Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile) de la préfecture.

Il concerne les 12 communes qui couronnent le volcan, y compris celles situées en périphérie. Chacune est jumelée avec une autre commune du sud de l’île, afin d’accueillir les habitants en cas d’évacuation.

Depuis le placement en vigilance jaune, nombre de riverains du Mont Pelée ont songé à une solution de repli, en cas de départ précipité.

« Dès qu’il y a eu des alertes, il y a des gens, depuis l’Hexagone, qui ont appelé leur famille pour leur proposer un billet d’avion sur-le-champ », indique le maire de Saint-Pierre, Christian Rapha. Mais « il y a des gens qui sont dépourvus de solutions (en cas d’évacuation) et il a fallu leur trouver des hébergements avec des villes jumelées. Nous, c’est Ducos par exemple ».

L’édile estime que des améliorations sont à prévoir en cas d’activation du volcan. Si des bus ont été prévus pour permettre aux habitants de partir dans le calme, Christian Rapha craint des réactions spontanées, avec des embouteillages ou des retardataires.

« Les familles n’en parlent pas »

Très présente chez les Pierrotins, la peur d’un réveil du volcan reste encore un sujet tabou dans bien des familles.

Alain Cadore, habitant de Fort-de-France de 82 ans, n’a découvert son lien avec le séisme meurtrier qu’en lisant le nom de son arrière-grand-mère au Mémorial, il y a quelques années.

« Mon grand-père était parti quelques mois à peine avant l’éruption de la Montagne Pelée, mais on ne me l’avait jamais dit, rapporte-t-il. C’est un traumatisme, les familles n’en parlent pas ».

A Saint-Pierre, le Mémorial a lancé un appel à témoin pour son exposition inédite, jusqu’à la fin de l’année: des podcasts de témoignages seront répartis dans les ruines, accessibles par QR Code.

Pour Florent Passe, chargé du patrimoine à la Fondation Clément, ce seront autant de « capsules qui laissent les gens parler ».

© AFP

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