Air pur et surplus d’énergie: l’Irak veut traiter le gaz issu du torchage

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Un pêcheur devant les installations pétrolières de Bassora, dans le sud de l'Irak, le 11 février 2022 © AFP Hussein FALEH

Bassora (Irak) (AFP) – Dans le sud de l’Irak, les flammes s’échappant des cheminées des champs pétrolifères font partie du paysage depuis des décennies. Mais si les autorités veulent désormais en finir avec le torchage du gaz, la route est encore longue.

Aussi vieille que l’industrie pétrolière, cette pratique extrêmement polluante consiste à brûler le gaz s’échappant lors de l’extraction de brut et reste moins coûteuse que de traiter le gaz associé pour le commercialiser.

Possédant d’immenses réserves d’hydrocarbures, l’Irak est selon la Banque mondiale le deuxième pays du monde à recourir autant à ce procédé, juste derrière la Russie.

« Capturé et traité, le gaz torché pourrait fournir de l’électricité à trois millions de foyers », assure Yesar Al-Maleki, analyste au Middle East Economic Survey (MEES), déplorant des « milliards de dollars de pertes » pour un pays confronté à une crise énergétique.

L’Irak traite chaque jour seulement la moitié de la quantité totale de gaz s’échappant de ses infrastructures pétrolières, soit 1,5 milliard de pieds cubes de gaz.

 « Argent brûlé dans les airs »

En décembre, le ministre du Pétrole Ihsan Ismail a promis de réduire de 90% le torchage du gaz d’ici 2024.

Malgré des contrats avec plusieurs entreprises étrangères, dont le géant français Total (NDLR de GoodPlanet Mag’ bailleur d’un projet d’amélioration de l’accès à l’énergie porté par le programme Action Carbone Solidaire de la fondation GoodPlanet), ces ambitions pourraient se heurter à la bureaucratie freinant généralement toute réforme, dans un pays tirant 90% de ses recettes de l’or noir.

De fait, ces deux dernières années, les autorités ont seulement réduit de 5% la quantité de gaz brûlé.

Le torchage, « c’est de l’argent brûlé dans les airs et encore plus de pertes financières avec les importations de gaz des pays voisins », regrette M. Maleki.

Le paradoxe est d’autant plus frappant que l’Irak importe 750 millions de pieds cubes de gaz par jour de l’Iran voisin pour alimenter ses centrales électriques, Téhéran fournissant à Bagdad un tiers de ses besoins.

Cette dépendance se ressent au quotidien: l’Iran coupe ou réduit parfois son approvisionnement et l’Irak peine à répondre à la demande électrique. Dans les foyers, les délestages électriques sont courants.

Bassora abrite les cinq plus grands champs pétroliers d’Irak, selon la Banque mondiale. La Basra gas company récupère un milliard de pieds cubes du gaz émis, soit les deux tiers du gaz traité quotidiennement.

Le consortium veut « accroître la capacité de traitement à 1,4 milliard de pieds cubes », indique à l’AFP Malcolm Mayes le directeur général du groupe (détenu à 51% par la South Gas Company (SCG) du ministère irakien du Pétrole, 44% Shell et 5% Mitsubishi).

Pour cela, deux nouvelles stations de traitement entreront en service, « en 2023, la première en mai et la deuxième en novembre », ajoute-t-il.

« Électricité plus propre »

L’Irak a aussi signé un méga-contrat avec TotalEnergies, prévoyant notamment la construction d’une « unité de traitement du gaz issu du torchage sur trois champs pétroliers », indique le groupe français à l’AFP.

« Le lancement de l’usine est prévu en 2026 », a précisé le groupe.

Outre une « réduction des émissions de CO2 », le gaz collecté alimentera les centrales de la région pour « une électricité plus propre », selon TotalEnergies.

Selon Bagdad, 300 millions de pieds cubes seront d’abord collectés par jour, puis le double dans un deuxième temps.

Les équipes de Total sont déjà sur le terrain pour des études préliminaires.

Evoquant ce contrat, les autorités irakiennes assuraient mi-février que certaines clauses « nécessitaient du temps et ne pouvaient être exécutées ou réglées dans des délais courts », notamment la répartition des investissements – 40% pour l’Irak et 60% pour Total.

Pour un employé du secteur, la coopération avec des entreprises étrangères « permet de développer nos compétences, essoufflées par des années de guerre, de négligence et l’émigration des spécialistes irakiens ».

Parmi les initiatives similaires, un projet confié à des entreprises chinoises pour 300 millions de pieds cubes est à moitié achevé dans la province de Missane (sud-est).

En attendant, les habitants doivent vivre avec les conséquences environnementales du torchage, source de pollution et d’émissions de gaz à effet de serre.

« Tout est pollué à cause de ces feux, l’eau, les animaux, tout meurt », confie Salem, berger de 18 ans, dans son village de Nahr Ben Omar, au pied d’un champ pétrolier de Bassora, d’où s’échappent une épaisse fumée noire.

© AFP

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    • Claude Courty

    « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. »
    Mais les besoins de l’humanité ne cessent de croître, avec la prolifération de ses représentant, alors que les ressources de son habitat se dégradent chaque jour un peu plus au détriment des grands équilibres de la biosphère.

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