Réchauffement climatique : double peine pour le Moyen-Orient

Un enfant regarde la terre craquelée de sa ferme à Saadiya, près de Bagdad, le 24 juin 2021 © AFP/Archives AHMAD AL-RUBAYE
Enfant dans sa ferme à Saadiya

Paphos (Chypre) (AFP) – Le Moyen-Orient sera particulièrement affecté par le réchauffement climatique dans un futur proche, avec des températures extrêmes et le déclin d’une économie fondée sur le pétrole à l’heure où le monde s’intéresse aux énergies renouvelables, estiment des experts.

« Notre région est classée comme zone à risque du changement climatique » par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et l’Organisation météorologique mondiale, agence des Nations unies, a rappelé mi-octobre le président chypriote Nicos Anastasiades lors de la Conférence internationale sur le changement climatique en Méditerranée orientale et au Moyen-Orient.

Déficitaires en eau, la région, où vivent plus de 500 millions d’habitants, voit leurs températures augmenter deux fois plus vite que la moyenne mondiale, soit 0,45 degrés Celsius par décennie depuis les années 1980, selon les scientifiques.

Les terres se désertifient et les tempêtes de sable s’intensifient, tandis que la neige présente dans les montagnes se raréfie et avec elle l’eau des réseaux fluviaux dont dépendent des millions de personnes.

Et les émissions à effets de serre de la région sont désormais supérieures à celles de l’Union européenne, selon des conclusions présentées à la conférence.

Cet été, d’immenses incendies ont dévasté Chypre, la Grèce, Israël, le Liban ou encore la Turquie et les températures ont dépassé les 50 degrés Celsius au Koweït, à Oman, aux Emirats arabes unis, en Arabie saoudite, en Irak et en Iran.

Pétrole « anachronique »

« Ces évènements tragiques ne sont pas tirés d’un film catastrophe, il s’agit de la réalité et du présent », a rappelé lors de la conférence Laurent Fabius, président de la COP21, sommet de l’ONU sur le climat ayant abouti à la signature de l’accord de Paris en 2015.

Ce pacte climatique historique avait vu la quasi-totalité de la planète s’engager à contenir le réchauffement « nettement » au-dessous de +2°C et si possible +1,5°C.

Le Moyen-Orient présente de « graves problèmes » concernant le réchauffement climatique, résume Jeffrey Sachs, à la tête du Réseau des solutions pour un développement durable (UNSDSN) des Nations unies.

« Premièrement, il s’agit du centre mondial des hydrocarbures, dont dépendent de nombreuses économies de la région, des énergies devenues anachroniques et que nous devons cesser d’utiliser », explique M. Sachs, professeur à l’Université Columbia de New York.

« Deuxièmement, c’est une région déjà sèche qui va s’assécher, donc il y aura de l’insécurité liée à l’eau et le déplacement de populations », prévient-il, appelant à « un changement massif dans la région », malgré les divisions.

« Il faut juste qu’ils regardent le ciel. Les rayons du soleil nous donnent les bases pour une nouvelle économie verte », assure-t-il, évoquant l’énergie solaire.

60 degrés

D’ici la fin du siècle, si rien n’était fait pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, les températures pourraient augmenter jusqu’à six degrés Celsius et plus encore lors des vagues de chaleur extrême, avertit le chercheur néerlandais en chimie atmosphérique Jos Lelieveld.

D’après lui, les températures pourraient dépasser les 60 degrés Celsius dans les villes, transformées en îlots de chaleur en raison de leur densité, de l’asphalte et de la moindre végétation.

« Lors des vagues de chaleur, des gens meurent d’insolation ou d’arrêts cardiaques. Les personnes vulnérables vont souffrir », explique à l’AFP M. Lelieveld.

Cette hausse des températures pourrait devenir « les racines de conflits futurs », s’est inquiété M. Fabius, prédisant une hausse des tensions en raison de la raréfaction de l’eau.

Les relations sont déjà tendues dans plusieurs pays de la région, autour notamment de la gestion des ressources hydriques des fleuves du Nil, du Jourdain, de l’Euphrate ou encore du Tigre.

M. Sachs a affirmé pour sa part que « les bouleversements dus aux importantes sécheresses ont partiellement déclenché et exacerbé la violence de masse » observée lors du conflit syrien.

Selon une théorie controversée, l’arrivée de millions de paysans dans les villes syriennes en raison de sécheresses record entre 2006 et 2009 a aggravé les tensions sociales et créé un terreau fertile pour les manifestations antirégime en 2011, réprimés dans le sang par Damas.

© AFP

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