Constituante au Chili : les Indiens Mapuche, entre espoirs et scepticisme

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© AFP Des indigènes mapuches manifestent dans le centre-ville de Santiago, le 10 octobre 2021 © AFP MARTIN BERNETTI

Temuco (Chili) (AFP) – Cent jours après le début des travaux de l’Assemblée constituante chilienne, présidée par une universitaire mapuche, les membres de ce peuple amérindien, le plus important du pays, expriment quelques espoirs, mais aussi du scepticisme sur les avancées possibles en faveur de leur communauté.

La linguiste Elisa Loncon, une Mapuche de 58 ans, a été élue début juin à la tête de l’Assemblée constituante chilienne chargée de rédiger une nouvelle Constitution pour remplacer l’actuelle, héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990).

Parmi les 155 membres qui composent cette assemblée, 17 sont des représentants des peuples amérindiens chiliens, dont sept mapuches. Une première dans la vie politique chilienne.

Mais malgré ce symbole fort, certains Mapuches ne cachent pas leur scepticisme sur les possibilités que la nouvelle Loi fondamentale du pays réponde à leurs revendications historiques en matière de terres et d’autodétermination.

« La Constituante et la nouvelle Constitution qui va être rédigée ne va pas nous représenter », lâche Juan Pichun, 46 ans, à la tête de la Coordination Arauco Malleco (CAM), une organisation mapuche radicale.

« Le pouvoir économique est plus puissant qu’une Constitution », dit-il à l’AFP dans une forêt appartenant à une entreprise forestière dans la région de l’Araucanie (sud), à 600 km de Santiago. Le CAM a mené dans cette forêt une action militante en abattant à la tronçonneuse des dizaines d’arbres appartenant à des forestiers.

Les Mapuches, soit 1,7 million de personnes sur 19 millions de Chiliens, surtout présents dans le sud du pays, réclament de longue date la restitution de leur terres ancestrales aux mains de propriétaires terriens ou d’entreprises forestières qui assurent 8% des exportations du pays.

« Nous voulons que les entreprises forestières partent parce qu’elles ont causé beaucoup de dommages écologiques, environnementaux, culturels, philosophiques tout en dépossédant notre peuple », explique Juan Pichun.

Le CAM les accuse de planter, dans un but uniquement commercial, des pins et des eucalyptus au détriment des essences indigènes, ce qui provoque une consommation excessive d’eau et réduit l’approvisionnement des communautés autochtones.

Face à l’impasse, le conflit autour de la restitution des terres a d’ailleurs entraîné ces dix dernières années une escalade de la violence avec des vagues d’incendies criminels sur des propriétés privées par des groupes militants.

Dimanche, des affrontements ont éclaté à Santiago entre manifestants et forces de l’ordre lors d’une « Marche pour la résistance mapuche et l’autonomie des peuples », faisant un mort et 17 blessés.

Pour Juan Pichun, l’Assemblée constituante n’est rien d’autre qu' »une nouvelle forme de colonialisme à l’égard du peuple mapuche ».

Richard Caifal, le directeur du centre de la politique indigène Rakizuam à Temuco, la capitale de l’Araucanie, estime toutefois que « la violence n’est pas un chemin pouvant conduire à un scénario de dialogue et de respect mutuel ».

Jessica Huentemil, 39 ans, « machi » (guérisseuse) dans le village de Fermin Manquilef, à 25 km au sud de Temuco, se félicite, elle, que « pour la première fois, on nous considère comme cela aurait toujours dû être le cas ».

« Au milieu de tous les préjugés, c’est un tournant dans l’histoire », dit à l’AFP cette femme qui vit avec ses trois enfants sur un terrain où elle a construit une « ruca », une habitation traditionnelle en bois et paille dans laquelle elle prépare ses décoctions pour soigner les malades.

Adolfo Millabur est un des sept membres mapuche de la Constituante. Il souligne qu’outre la restitution des terres les questions liées à « l’autodétermination » sont primordiales.

Il souhaiterait « que l’Etat chilien reconnaisse les Mapuches comme un peuple pour réparer notre histoire marquée depuis l’arrivée des Espagnols par le génocide, l’invasion et la soumission ».

A l’image de la Bolivie voisine, il voudrait que le Chili devienne un pays plurinational « où pourraient s’établir les bases d’une cohabitation entre les peuples et que nous soyons inclus dans la répartition du pouvoir ».

Pour Luz Maria Huincaleo, une habitante de Fermin Manquilef en Araucanie, cela passe aussi par l’enseignement de la langue mapuche – le mapudungun – dans les écoles, comme le Paraguay l’a fait, par exemple, pour la langue guarani.

« Le mapudungun ne peut plus être exclu des programmes scolaires », réclame-t-elle.

© AFP

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