Pierre René, amoureux des glaciers pyrénéens et son monde perdu

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Pierre René (d) effectue des mesures sur le glacier d'Ossoue au pic du Vignemale au sud-ouest de Toulouse dans les Pyrénées le 5 septembre 2021 © AFP Matthieu RONDEL

Cathervielle (France) (AFP) – Regard perçant et démarche féline, le glaciologue Pierre René parcourt inlassablement le massif pyrénéen au chevet des glaciers qu’il scrute et mesure, témoin de leur déclin accéléré sous les coups de butoir du changement climatique.

« Ils me sont apparus comme des êtres vivants grandioses ». Le quadragénaire, accompagnateur en montagne au quotidien, se souvient comment il est littéralement tombé amoureux de ces mastodontes. C’était « lors d’une sortie sur le terrain dans le massif de la Vanoise » alors qu’il était étudiant en géologie à Chambéry dans les années 2000.

La montagne, c’est un peu sa maison. Pierre René a passé son enfance à Fenouillet, un village des Pyrénées orientales au pied du massif. Pyrénéiste dans l’âme, il fait « naturellement » son mémoire de fin d’étude sur ces glaciers parmi « les plus méridionaux d’Europe ».

« Je me suis rendu compte que les données étaient anciennes. Elles avaient été recueillies par des glaciologues des Alpes dans les années 1975/85 et depuis ce travail était à l’abandon », explique-t-il.

« Je lisais qu’il restait 40 km2 de glacier dans le massif, alors qu’il ne subsistait plus que 5 km2 (2,3 km2 actuellement, Ndlr) », complète le montagnard depuis son salon dont les larges fenêtres offrent une vue plongeante sur la majestueuse vallée d’Oô.

Ses études achevées, il revient s’établir dans les environs de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne), non loin du glacier d’Ossoue, une langue de glace qui enlace le Vignemale, point culminant des Pyrénées françaises à près de 3.300 m.

« Depuis 20 ans que je fais des relevés (sur ce glacier, ndlr) on a perdu 30 mètres d’épaisseur », dit-il.

C’est aujourd’hui le seul « grand glacier » des Pyrénées côté français, les trois autres se trouvent en Espagne.

En 2001, convaincu que son travail est déterminant mais suscite peu d’intérêt auprès des institutions, il crée l’association Moraine « pour étudier les glaciers des Pyrénées françaises et coopérer avec les glaciologues espagnols », qui eux se montraient alors plus soucieux de ce patrimoine naturel.

Témoin climatique

« Le glacier c’est un peu l’ours blanc ou la banquise, on en a besoin pour voir ce qui se passe, pour prendre conscience du changement climatique », souligne le climatologue Jean-Michel Soubeyroux, de Météo-France, compagnon de Pierre René lors de ces campagnes sur la vingtaine de glaciers, majoritairement de petites tailles, disséminés entre l’Espagne et la France.

La disparition des glaciers pyrénéens va entrainer « le bouleversements des écosystèmes biologiques mais aussi humains », ajoute le scientifique. Leur étude est fondamentale et permettra d’anticiper ce qui va se passer « pour les glaciers des Alpes dans la seconde moitié du XXIe siècle », dit-il.

En ce début du mois de septembre, Pierre René prépare avec une petite équipe de passionnés l’une de ses expéditions saisonnières sur le glacier d’Ossoue.

« Avec une foreuse, on installe des pieux de bois de 10/12 mètres. Ces balises nous permettront de mesurer la diminution de l’épaisseur durant l’été », indique le glaciologue.

Pas moins d’une quinzaine d’adhérents de l’association Moraine participe à cette sortie pour transporter le matériel de forage et les balises.

« Pierre, c’est un véritable passionné de montagne et un scientifique rigoureux, qui a un don pour mobiliser des partenaires, le Parc naturel national, les départements, les régions », dit l’un d’eux, Laurent Lespine, ingénieur forestier à l’ONF dans le civil.

« Le glacier d’Ossoue, mes petits-enfants ne le verront jamais et avec mes enfants il faut que je fasse vite », regrette ce montagnard.

Si à l’horizon 2050 la vingtaine de glaciers pyrénéens aura disparu, Pierre René ose une prédiction entre ironie et optimisme : « Ils reviendront… mais dans quelques milliers d’années ».

©AFP

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