Dans les vergers desséchés de Californie, un sourcier à la recherche de l’or bleu

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Le sol craquelé près d'un champ de maïs dans une ferme à Fresno, Californie, le 24 juillet 2021 © AFP Robyn Beck

Fresno (États-Unis) (AFP) – Une branche en forme de « V » entre les mains, David Sagouspe inspecte le sol craquelé d’une ferme de Californie. Sous un soleil de plomb, il prend une inspiration et s’élance, retournant mécaniquement le bâton cinq fois vers le ciel, cinq fois vers le sol. Il s’arrête, marque l’emplacement d’un drapeau rose et hoche la tête. « Les gens paieraient beaucoup d’argent pour cette eau souterraine. »

Depuis plus de 40 ans, David Sagouspe opère en tant que sourcier et propose aux plus gros agriculteurs du centre de la Californie de leur trouver de l’eau sous terre. Fiers d’être le verger de l’Amérique, mais désespérés face à des sécheresses toujours plus extrêmes, les exploitants sont de plus en plus friands de ses services.

Pour trouver de l’eau dans une région qui en manque cruellement, pas question pour David d’utiliser n’importe quel morceau de bois. « Le saule réagit trop vite pour moi », lance-t-il, comme si c’était une évidence. Son outil de prédilection, c’est cette branche d’olivier aux bouts entourés de scotch noir qu’il garde sur le tableau de bord de son pick-up blanc.

« Le bâton est presque devenu une partie de moi-même », insiste-t-il. « Il commence à fourmiller dans mes mains quand je sais qu’il va y avoir de l’eau. »

C’est pas sorcier

Dans sa quête, David Sagouspe jure ne jamais utiliser d’autres outils, cartes ou d’études géologiques. « Je suis un rebelle », déclare le septuagénaire, volontiers taquin.

Il peut en revanche se baser sur une connaissance très précise de la région et de la chaîne de montagne voisine qui irrigue la vallée en eau – quand il y en a. Son père, qui lui a transmis cette « énergie », opérait déjà dans le coin en tant que « sorcier d’eau », le terme consacré aux États-Unis.

« Je peux vous communiquer cette énergie », propose-t-il aussi à l’AFP. Sans grand succès.

Pour chaque supposée source d’eau qu’il marque d’un petit drapeau rose, David Sagouspe réclame 1.000 dollars.

Avec la terrible sécheresse de 2014, « j’ai payé le mariage de ma fille tellement je croulais sous les appels », affirme-t-il sans détour. 2021 et ses vergers desséchés, animaux déshydratés, agriculteurs paniqués, devraient aussi lui offrir des rentrées record.

Les exploitants agricoles à qui le sourcier envoie la facture n’ont aucune garantie de trouver réellement de l’eau à ces emplacements. Ils déboursent ensuite des dizaines — voire des centaines — de milliers de dollars pour construire des puits et extraire de l’eau (ou rentrer bredouille).

Pourquoi prendre ce risque?

Les entreprises spécialisées coûtent plus cher sans nécessairement être plus précises, assure Bikram Hundal, exploitant agricole qui a par le passé creusé un coûteux puits de près de 300 mètres sans que la moindre goutte d’eau n’en ressorte.

« Des âneries »

Lors de sa première rencontre avec le sourcier, l’agriculteur aux manettes d’une entreprise qui conditionne 9.000 tonnes d’amandes par an, avoue ne pas l’avoir pris très au sérieux.

« David est arrivé avec sa branche d’olivier », se remémore-t-il au milieu de son champ d’amandiers. « Je lui ai demandé: +est-ce qu’on va utiliser une sonde? Un satellite? », détaille l’exploitant à la formation d’ingénieur.

« Il m’a répondu que non, qu’il ressentait les courants électromagnétiques de l’eau ». « Je me suis dit que c’était des âneries. »

Et pourtant.

« J’ai fait appel à ses services cinq fois, et ça a marché les cinq fois », tranche l’agriculteur.

« Appelez-moi »

Ces démonstrations font hérisser les experts qui arguent qu’en creusant assez profond, on peut trouver une certaine quantité d’eau presque partout. Celle-ci n’est pas forcément de qualité, et peut mettre en danger des nappes phréatiques déjà fragiles.

« Le sourcier laisse croire que l’endroit indiqué par son bâton est le seul où l’on peut trouver de l’eau, mais ce n’est pas nécessairement vrai », alerte l’Institut américain de géophysique (USGS).

« Le bâton ne ment jamais », balaie le sourcier. « Bien sûr, vous aurez toujours des sceptiques », dit-il en haussant les épaules. « Jusqu’au moment où votre ranch sera complètement à sec », sourit-il. « A ce moment, appelez-moi ».

©AFP

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