En Irak, la sécheresse tue cultures et animaux, remplacés par des immeubles

irak terres asséchées

Photo prise le 20 juin 2021 montrant des terres asséchées (en haut de la photo) dans les marais de Chibaiych, dans le sud de l'Irak © AFP Asaad NIAZI

Bassora (Irak) (AFP) – Forcés de se déplacer voire de vendre leurs terres, agriculteurs et éleveurs d’Irak, pays parmi les plus menacés au monde par le changement climatique, entament un nouvel été de sécheresse qui voit mourir les bêtes et pousser les immeubles au lieu des champs.

Dans un pays déjà pour moitié désertique, les marais mésopotamiens — le jardin d’Eden de la Bible — étaient un havre où les buffles pouvaient échapper aux plus de 50 degrés de l’été. Plus au sud, le Chatt al-Arab, seule ouverture de l’Irak sur la mer, faisait les délices des navigateurs en goguette au milieu des palmeraies.

Aujourd’hui, avec des fleuves asséchés, en amont par les barrages turcs et iraniens et en aval par les déchets et autres eaux usées d’Irak, l’eau salée remonte dangereusement dans les terres.

« Tout ce qu’on plante meurt, les palmiers, la luzerne, qui normalement supporte l’eau salée, meurent aussi », se lamente Rafiq Taoufiq, agriculteur à Bassora (sud).

Si, ces dernières années, l’eau salée a déjà rendu stériles des milliers d’hectares et envoyé 100.000 Irakiens à l’hôpital à l’été 2018, cette saison est différente.

« Pour la première fois, dès avril et le début de la saison agricole, de l’eau salée est remontée », explique Alaa al-Badran, ingénieur agronome dans cette province pétrolière.

« Deux degrés de plus »

Cette précocité couplée à des températures élevées a représenté un coup dur pour le secteur agricole, qui représente 5% du PIB et 20% des emplois en Irak mais n’assure que la moitié des besoins alimentaires du pays noyé sous les importations bien meilleur marché.

En tout, selon le président Barham Saleh, « sept millions d’Irakiens » — sur 40 millions — « ont déjà été affectés par la sécheresse et les risques de déplacement qu’elle entraîne ».

A Chibaiych, dans les marais d’Irak à la luxuriance légendaire depuis l’Antiquité, Ali Jasseb ne cesse de parcourir d’immenses distances pour que ses buffles continuent de produire du lait, l’unique revenu de sa famille.

« Tous les deux ou trois mois, on doit se déplacer pour trouver de l’eau », raconte-t-il à l’AFP. « Car si les buffles boivent de l’eau salée, ils s’empoisonnent, cessent de produire du lait et même meurent ».

L’assèchement des marais et autres fleuves, visible à vue d’œil, est de plus en plus rapide dans un pays ravagé par les guerres et qui n’a pas les infrastructures pour contrebalancer un climat de plus en plus rude. Selon l’ONU, seules 3,5% des terres agricoles sont équipées d’un système d’irrigation.

Raad Hmeid, lui aussi éleveur de buffles, s’inquiète.

« Il y a dix jours encore, ici, c’était de la boue, il y avait de l’eau et même de la verdure », raconte-t-il à l’AFP les pieds posés sur une terre désormais craquelée, noire et brûlée par le soleil.

Et ce n’est que le début, prévenait le président Saleh dans un récent cri d’alarme: « les projections climatiques pour l’Irak prévoient une hausse d’environ deux degrés et une baisse de la pluviométrie de 9% en 2050 ».

Exode rural

Dans l’est du pays, Abderrazzaq Qader, 45 ans, n’a plus vu de pluie « depuis quatre ans » sur ses 38 hectares de céréales à Khanaqin, près de la frontière iranienne. Au fil des sécheresses, il a vu les exploitants des alentours abandonner l’agriculture pour devenir maçon ou autre manutentionnaire.

Au total, « 69% des terres agricoles sont menacées de désertification, c’est-à-dire d’être rendues impropres à la culture », assure à l’AFP Sarmad Kamel, en charge du Plan à la direction des forêts et de la lutte contre la désertification.

Les promoteurs, eux, misent sur un autre chiffre: selon les projections, la population de l’Irak devrait avoir doublé en 2050, à 80 millions d’habitants.

L’agriculture se retrouve prise en étau, explique à l’AFP l’économiste Ahmed Saddam: « d’un côté, il y a de plus en plus de demande pour des logements, de l’autre cultiver des terres ne rapporte plus rien ».

Plutôt que de continuer à exercer une profession exténuante sans grand revenu, beaucoup ont vendu leurs terres à Bassora, où un terrain peut représenter « entre 25.000 et 70.000 euros », assure-t-il.

A ce rythme-là, « tous les ans, 10% des terres agricoles disparaissent pour devenir des quartiers d’habitation ». De quoi accélérer un peu plus un exode rural qui a déjà grandement perturbé les équilibres économiques, sociaux et environnementaux du pays.

©AFP

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2 commentaires

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    • michel CERF

    Alors on préfère le béton , les immeubles et une nouvelle population sera à la recherche d’eau …

    • Méryl Pinque

    Pauvre humanité, qui bétonne au lieu de penser et d’agir…