A Lyon, un urbanisme vert par petites touches

lyon changements travaux urbanisme

Vue de la tour et du quartier de La Part Dieu, le 15 octobre 2020 à Lyon © AFP JEFF PACHOUD

Lyon (AFP) – À la maison du projet, qui présente le visage futur du quartier d’affaires lyonnais de La Part Dieu, la maquette a été changée début juin: les tours qui donnaient un « skyline » digne d’une métropole européenne ont disparu.

« Tout ce qui est au-dessus de 50 mètres » – définition administrative d’un immeuble de grande hauteur – « a été enlevé », décrypte-t-on à la société publique chargée d’aménager le site, la SPL Part Dieu. 100.000 mètres carrés de constructions sont passés à la trappe, presque exclusivement des bureaux.

Végétalisé et « apaisé », le premier quartier d’affaires de France hors Paris doit devenir un endroit « à vivre », au service de ses habitants, ambitionnent les écologistes qui présentaient là leur premier grand chantier depuis leur arrivée à la tête de Lyon il y a un an.

« On ne veut plus d’hyper-spécialisation. Le mot clef, c’est rééquilibrage des usages », souligne-t-on à la SPL.

Deux voies de circulation ont été réservées aux « modes doux » de déplacement. Et les rares espaces verts prévus seront un peu plus généreux.

Michel Le Faou, qui pilota la politique d’urbanisme de la précédente équipe, s’attendait à « beaucoup plus percutant »: pour lui, les écologistes « se sont contentés de greenwasher le projet existant ».

 Vertueux

Car la transformation de ce quartier symbolique des errements des années 70, avec son architecture brutaliste et la priorité donnée à la voiture, était déjà bien engagée, selon des orientations dont nombre étaient « écolo-compatibles » .

D’autres chantiers, moins écologiquement vertueux, étaient trop avancés pour être remis en cause. Les nouveaux élus ont dû avaler la construction d’un spectaculaire gratte-ciel jouxtant la gare, dont les premiers étages commencent à sortir de terre.

Le président de la métropole, Bruno Bernard, écologiste lui aussi, et le maire de la ville, Grégory Doucet, se sont aussi retrouvés à couper le ruban après l’achèvement des travaux du centre commercial de La Part-Dieu – le plus vaste d’Europe en centre-ville.

Un complexe certes désormais coiffé d’agréables terrasses végétalisées remplaçant un ancien parking mais symbole pour nombre d’écologistes d’une frénésie de consommation honnie.

Quid de la suite ? Piétonisation devant les écoles, plantations de mini-vergers, réduction des places de parking au profit du vélo: de multiples annonces depuis un an esquissent par petites touches la ville verte de demain.

Mais l’opposition reproche aux écologistes un manque d’ambition, attesté par l’absence de ces grands projets qui ont marqué les mandatures précédentes, comme la réhabilitation des berges du Rhône et de la Saône.

« Ce qui a porté la visibilité de Lyon depuis 40 ans était sa capacité à se projeter vers l’avant grâce à des projets emblématiques », estime M. Le Faou. « On en voit peu sortir et ceux en cours sont soumis à réinterrogation ou mis en +stand-by+ ».

Ce choix de prendre son temps avant de fixer les grandes orientations de la ville pour des décennies, les Verts l’assument pleinement.

« Je ne veux pas signer les permis de construire de bâtiments qu’il faudra détruire dans moins de quarante ans », affirme l’adjoint à l’urbanisme de la ville, Raphaël Michaud qui dénonce le lancement d’opérations trop « expérimentales » dans le passé.

Bling-bling

« Un projet qui part à la poubelle… Un autre… Encore un autre », confirme le promoteur local Didier Caudard-Breille, réputé pour ses sièges sociaux à l’architecture innovante, en égrainant les projets bloqués depuis l’arrivée des Verts. Il dit avoir appris l’abandon d’un projet de tour « par la presse ».

Il est certes parvenu à sauver son projet de rénovation/extension d’un vieil immeuble de La Part Dieu, mais en acceptant d’en sacrifier la partie « la plus novatrice »: piscine, salle de sport et spa ouverts aux résidents – fortunés – de l’immeuble.

« On a mis à la place du logement social », se félicite M. Michaud. Le jeune élu reconnaît « des négociations parfois très dures avec les promoteurs » mais, dit-il, c’est une des conditions pour que Lyon survive au dérèglement climatique ». Les futurs projets, assure-t-il, seront tous examinés sous le prisme de leur contribution à la transition écologique de Lyon.

Même le nouveau quartier branché de la Confluence, où se multiplient les initiatives écologiques, ne trouve pas grâce à ses yeux. Trop « bling-bling », avec ses architectes stars (Kengo Kuma, Jean Nouvel, Rudy Ricciotti, Odile Decq…).

« On y a beaucoup tenté mais, en matière d’écologie, c’était de la communication qui s’est faite dans des conditions financières exorbitantes, alors que dans le même temps on a abandonné d’autres quartiers », dénonce-t-il. Avec le projet Hikari, qui ambitionnait de devenir le premier îlot urbain à énergie positive d’Europe, « on s’est ridiculisé ».

En matière de planification urbaine, les Vert ne partent pas d’une page blanche à Lyon. Sans être la « ville du quart d’heure » appelée de leur vœux, l’agglomération est déjà largement multipolaire, surtout avec l’émergence des nouveaux quartiers de Gerland, de La Soie et bientôt de La Saulaie, où cohabitent assez harmonieusement bureaux et logements.

Mais l’attractivité de la troisième ville de France a propulsé les prix de l’immobilier à des niveaux jamais atteints en province.

« La priorité du mandat, c’est le logement abordable, pas le logement tout court », insiste M. Michaud. Des outils ont été mis en place ou renforcés, comme les baux fonciers solidaires et l’augmentation du budget consacré au logement social.

Mais s’il veut tenir ses ambitieux objectifs, l’exécutif devra trouver où construire, puisqu’il s’est engagé à ne pas bétonniser des surfaces encore intactes et à rebasculer en zones agricoles nombre de terrains jusqu’alors promis à l’urbanisation.

©AFP

 

3 commentaires

Ecrire un commentaire

    • Lumimi

    Double injure.Le président de la métropole est cité dans votre article et vous presentez Lyon comme étant la troisième ville de France alors qu’elle est la deuxième agglomération de France. Puis que vient faire ici le mot insultant de « province « ,alors que Lyon est une métropole au rayonnement largement européen.?Le terme « région « serait de loin plus indiqué. Maintenant, il est à craindre que Lyon ait à pâtir des aspirations des Verts, si ainsi il ne devait plus y avoir de nouvelles tours,alors que dans l’aire parisienne beaucoup sont en projet, à Marseille et Lille aussi.

    • Méryl Pinque

    Pourquoi « par petites touches » et non par grosses ? Juge-t-on que l’urgence n’est encore pas suffisante ?
    Chaque ville devrait ériger une petite forêt en son centre, ainsi qu’un parc type Central Park.

    • Bp

    Ils sont fantastiques ces verts. Ils ne veulent pas de betonnisation des terres agricoles ni d étalement urbain – ce sur quoi je suis entièrement d’accord, mais ils refusent en même temps le développement en hauteur des constructions et favorisent l implantation des éoliennes.
    Il va pourtant falloir choisir