Les pays de l’Arctique réunis face à la montée des températures et des frictions


Les chefs de la diplomatie américaine Antony Blinken et russe Sergueï Lavrov à Reykjavik, le 19 mai 2021 en Islande © POOL/AFP SAUL LOEB

Reykjavik (AFP) – Les huit pays riverains de l’Arctique se réunissent jeudi en Islande pour un Conseil aux voeux affichés de coopération pacifique malgré les points de tensions entre puissances, Etats-Unis et Russie en tête.

Réchauffement climatique de plus en plus rapide dans la région, conditions de développement du transport maritime et de l’exploitation des ressources facilitées par le recul des glaces, avenir des populations locales sont à l’agenda des chefs de la diplomatie rassemblés à Reykjavik pour cette réunion qui a lieu tous les deux ans.

Avec la fin de la présidence de Donald Trump – qui avait agité la région en proposant de racheter le Groenland en 2019 et en multipliant les déclarations visant les ambitions russes et chinoises -, la nouvelle ligne donnée par son successeur Joe Biden est suivie de près. Et constitue un test pour ses relations avec Moscou.

Autre grande puissance arctique, la Russie remplace jeudi l’Islande à la présidence tournante de ce forum censé favoriser le dialogue alors que l’Arctique est devenu une zone de tensions géopolitiques croissantes, avec des manoeuvres militaires à un niveau jamais vu depuis la fin de la Guerre froide.

Mercredi soir, le nouveau chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a rencontré pour la première fois son homologue russe, le vétéran Sergueï Lavrov, dans un prélude à un possible sommet envisagé prochainement entre Joe Biden et Vladimir Poutine.

« Si les dirigeants de la Russie et des Etats-Unis peuvent travailler en coopérant » face aux défis communs, « le monde sera plus sûr », a lancé le ministre américain, tout en prévenant que Washington répondrait en cas de comportement « agressif » de Moscou.

« Nous sommes prêts à discuter de toutes les questions, sans exception, à condition que la discussion soit honnête », a répondu son homologue russe.

« L’administration Biden et l’administration Trump partagent une perspective: celle de dire que les Etats-Unis sont de retour en Arctique et sont leaders de la coopération arctique », analyse Mikaa Mered, spécialiste de l’Arctique à Sciences Po.

« L’administration Trump le faisait surtout sur les enjeux liés à l’énergie et à la sécurité, l’administration Biden va se poser sur d’autres sujets comme le climat. Mais dans les deux cas la dynamique est la même: les Etats-Unis sont de retour », souligne l’expert.

Lors de la précédente réunion en 2019 en Finlande, le climato-scepticisme de l’administration Trump avait pour la première fois empêché une déclaration commune du Conseil, les Etats-Unis refusant d’y voir figurer le changement climatique.

Blinken au Groenland

Centré sur la coopération entre pays et conçu pour éviter les sujets qui fâchent depuis sa création il y a 25 ans après la guerre froide, le Conseil de l’Arctique est pourtant généralement un forum consensuel, et l’adoption d’une déclaration commune est cette fois acquise.

Principal forum régional, il rassemble également le Canada, le Danemark – dont le Groenland est un territoire autonome – la Suède, la Finlande, la Norvège et l’Islande. Ainsi que six organisations représentant les peuples autochtones de l’Arctique et treize pays observateurs – dont la Chine, lancée depuis 2018 dans une statégie d’Etat « quasi Arctique ».

Son mandat exclut explicitement la sécurité militaire et l’instance n’a pas de pouvoir juridique.

Le tour de chauffe du Conseil avait donné lieu à quelques passes d’armes: Sergueï Lavrov a martelé lundi que l’Arctique était une zone d’influence légitime de Moscou et dénoncé « l’offensive » occidentale dans la région, tandis qu’Antony Blinken l’a appelé à éviter ce genre de déclarations et critiqué les règles maritimes russes.

Le secrétaire d’Etat américain, qui a pris le temps de s’entretenir en aparté avec chacun de ses homologues des sept autres pays membres, a affiché son souhait de « maintenir l’Arctique comme un espace de coopération pacifique » et affirmé que Washington voulait éviter sa « militarisation ».

La Russie n’a cessé d’accroître son dispositif militaire dans l’Arctique ces dernières années, y rouvrant et modernisant plusieurs bases et aérodromes abandonnés depuis la fin de l’époque soviétique.

Mais M. Lavrov a également prôné la relance de rencontres régulières entre les chefs des états-majors de la zone afin de « faire baisser les risques sur le plan militaire ». Des rencontres suspendues depuis 2014 et l’annexion de la Crimée par Moscou.

« Il y a un lobbying très fort en cours à Washington pour dire qu’il faut retrouver un forum de discussion militaire », souligne M. Mered.

Signe de l’intérêt confirmé de Washington même si la question d’un achat a été remise aux oubliettes, Antony Blinken se rendra après la réunion au Groenland pour boucler sa tournée entamée dimanche au Danemark.

© AFP

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