Sur les pavés romains, le vélo fait sa révolution tranquille


Des cyclistes le long du Tibre, le 7 avril 2021 à Rome, en Italie © AFP Tiziana FABI

Rome (AFP) – Avec ses sept collines, sa circulation chaotique, ses pavés et ses routes notoirement cahoteuses, Rome n’a jamais été une ville idéale pour les cyclistes, mais avec la pandémie, le vélo se fait peu à peu une place.

Comme dans toutes les grandes villes du monde, les rues vidées par les restrictions dues à la pandémie de Covid-19 ont donné une bouffée d’air aux cyclistes romains. Un nouveau réseau de pistes cyclables et des aides publiques à l’achat de vélos ont également accéléré la tendance.

Valeria Picchi, une Romaine de 36 ans, a vendu son scooter l’an dernier au profit d’un vélo électrique assorti d’une petite remorque pour emmener ses deux enfants à l’école avant de filer au travail.

« Je me sens comme un oiseau rare », explique-t-elle à l’AFP. « Les gens nous regardent, mes enfants adorent ça (…). Je suis en train de devenir une célébrité dans le quartier ».

Beaucoup de citadins rechignent pourtant toujours à l’idée de se lancer sur un vélo au milieu des Vespa vrombissants, des vieilles Fiat et autres créatures de la jungle routière romaine.

L’essentiel du trajet domicile-école-boulot emprunté par Valeria Picchi se fait sur une piste cyclable à l’écart de la circulation automobile. Sans cela, elle aurait continué à circuler en voiture ou à scooter.

Elle a aussi franchi le pas grâce à la subvention – jusqu’à 500 euros – offerte par le gouvernement à tous les Italiens souhaitant s’acheter un vélo neuf ou d’occasion (ou un scooter électrique). Le programme a reçu 119.000 demandes en 2020.

« Une révolution est en marche et j’en suis! », se réjouit la trentenaire, qui donne des coups de pédale autour du parc de la Villa Leopardi dans le quartier du Nomentano par un frais matin de printemps.

« Nous ne sommes pas le Danemark, nous avons aussi besoin d’une révolution dans les esprits, mais nous y allons +piano, piano+ », observe-t-elle.

Pavés peints en noir

Pour certains, ces progrès sont trop lents. « Il y a cinq ans, on ne voyait quasiment pas de vélos à Rome. Personne n’en faisait, sauf pour un tour au parc le dimanche », rappelle Roberto Scacchi, responsable régional de l’association de défense de l’environnement Legambiente.

« Je ne vois pourtant pas de révolution à l’œuvre (…). On est toujours à un vélo pour 100 voitures », constate-t-il près de la gare centrale de Termini devant une piste cyclable flambant neuve.

D’après la Fédération européenne des cyclistes, seuls 0,6% des Romains font régulièrement du vélo, contre 49% des habitants de Copenhague.

Hormis le trafic, les cyclistes de la Ville éternelle doivent affronter des rues et routes en si mauvais état que les fabricants de scooters en font leurs circuits de test pour éprouver les suspensions de leurs nouveaux modèles.

L’an dernier, la maire de Rome Virginia Raggi a annoncé 150 kilomètres de nouvelles pistes, censés s’ajouter aux 250 km existants et approcher la capitale italienne de son objectif de 500 km.

Mais l’association Legambiente estime que 15 km seulement de pistes ont été réalisées, et la plupart d’entre elles sont « temporaires », délimitées uniquement par un trait de peinture, sans séparer en toute sécurité cyclistes et automobilistes.

Une grande piste dans le nord de la ville débouche brusquement sur une langue rugueuse de pavés, plutôt que sur de l’asphalte: ils ont simplement été peints en noir!

Périphérique cyclable

Giulio Maselli, propriétaire d’un magasin de cycles dans le centre, a vu ses ventes exploser « d’au moins 50% » l’an dernier. Il reste cependant prudent et rêve d’un puissant coup de pédales pour moderniser les infrastructures.

« Sinon cette bulle est condamnée à dégonfler », prévient-il.

Les édiles locaux jurent leurs grands dieux romains qu’ils sont à pied d’oeuvre.

Stefano Brinchi, responsable de la régie municipale des transports Mobilità, assure que la ville entend promouvoir une transition « irréversible » en faveur de la mobilité verte.

« Nous devons faire mentir le mythe selon lequel Rome n’est pas une ville faite pour le vélo », dit-il, mettant en avant le projet de périphérique cyclable de 45 km autour de la ville.

Cette grande ceinture relierait le Colisée, le Vatican et le quartier touristique du Trastevere à d’autres arrondissements moins connus de Rome comme Tor Pignattara, et de grands parcs du nord, comme la réserve naturelle d’Aniene.

La piste pourrait ouvrir fin 2022: « Ce sera la plus belle piste cyclable du monde », mais pour l’instant « un monde virtuel », ironise Roberto Scacchi.

© AFP

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