Il y a 50 ans, le Haut barrage d’Assouan domptait les eaux du Nil

barrage Assouan Egypte

Le barrage d'Assouan, en Egypte, le 3 janvier 2021. © AFP Khaled DESOUKI

Paris (AFP) – Le 15 janvier 1971, le Haut barrage d’Assouan sur le Nil, projet pharaonique de l’Egypte nassérienne construit avec le concours des Soviétiques, était inauguré, permettant d’accroître ses ressources énergétiques et d’étendre ses zones irriguées.

Mais l’ouvrage a suscité de vifs débats. Ses détracteurs lui reprochent notamment d’avoir diminué en aval le limon fertilisant et réduit la surface du delta du Nil rongé par la Méditerranée.

Et il a surtout provoqué un important transfert de la population nubienne, dont les terres ont été en grande partie submergées par les eaux du lac Nasser, en amont du barrage.

Un rêve nassérien

Depuis qu’il a pris les rênes du pouvoir en 1954, Gamal Abdel Nasser rêve d’ériger un barrage sur le Nil pour augmenter de 30% la superficie des terres cultivables.

L’Egypte disposait déjà à Assouan d’un barrage construit par les Anglais, inauguré en 1902. Mais dans les années 1950, devant l’accroissement de la population, les autorités cherchent à augmenter les ressources énergétiques et à étendre les zones irriguées, en évitant crues et sécheresses.

Un premier projet d’accord est signé avec les Etats-Unis fin 1955. Le Royaume-Uni promet d’être partie prenante.

Mais l’hostilité de Nasser au « pacte de Bagdad », une alliance régionale impulsée par Washington et Londres qui vise à endiguer l’influence de Moscou dans la région, conduit notamment les Etats-Unis à se retirer du projet en juillet 1956.

Quelques jours plus tard, Nasser, héraut du panarabisme et du mouvement des non-alignés, riposte en annonçant la nationalisation du canal de Suez.

Celle-ci conduira trois mois plus tard à l’attaque anglo-franco-israélienne contre l’Egypte, qui tournera au fiasco.

« Symbole de l’amitié » avec l’URSS 

Entre-temps, la Russie a offert de financer le barrage et le 9 janvier 1960 Nasser lance le début des travaux de construction.

Le 14 mai 1964, le « raïs » et le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev assistent à la mise en eau du Haut barrage.

Nasser rend hommage à l’URSS, à ses ingénieurs et ouvriers qui ont collaboré à l’édification du barrage « symbole durable de l’amitié » entre les deux pays.

Transfert des Nubiens 

Le projet menace cependant les trésors de l’ancienne Nubie, partageant son territoire entre l’Egypte et le Soudan actuels, et dont les frontières s’étendaient le long du Nil.

Vingt-quatre temples et chapelles pharaoniques et gréco-romains risquent d’être engloutis puisque la mise en oeuvre du projet doit entraîner la formation d’un immense lac artificiel, le lac Nasser.

L’Unesco coordonne alors le plus grand sauvetage archéologique de l’histoire. Une vingtaine de monuments gigantesques sont démontés et réédifiés à l’abri des eaux, dont les célèbres temples d’Abou Simbel.

Les terres de l’ancienne Nubie sont toutefois en grande partie submergées par les eaux et une part importante de la population est contrainte de quitter les rives fertiles du Nil pour les campagnes arides du Sud ou les grandes villes.

« Dompter les eaux du Nil » 

Le 15 janvier 1971, trois mois après la mort de Nasser, son successeur Anouar al-Sadate, accompagné du président du Soviet suprême Nikolaï Podgorny, inaugurent l’ouvrage et visitent la gigantesque centrale hydroélectrique.

Le président soviétique cite le « raïs », pour lequel cette construction était « la réalisation des rêves du peuple égyptien en vue de dompter les eaux du Nil ».

Sadate rend un vibrant hommage à l’URSS pour son soutien politique et économique.

Le Haut barrage peut retenir plus de 160 milliards de m3 d’eau par an dans le lac Nasser. Les douze turbines installées sur le barrage produisent dix milliards de kilowatts d’électricité.

Pendant onze ans, 36.000 ouvriers égyptiens et plus de 2.000 experts soviétiques se sont relayés sur les chantiers. L’URSS en aura financé 40% alors que le reste a été payé par l’Egypte en coton, sous forme de troc.

©AFP

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Un commentaire

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    • Jean Grossmann

    On ne peut que féliciter la Russie pour les actions qu’elle a mené dans le cadre du barrage d’ASSOUAN. Ce pays s’est apparemment mieux comporté que l’Europe et les USA vis-à-vis de l’Égypte.

    On peut dire toutefois que le barrage d’Assouan est l’exception qui confirme la règle, à savoir le fait que les barrages sur les rivières sont plutôt nuisibles pour notre environnement. Il faut dire que le Nil est un fleuve vraiment particulier. Ceci dans la mesure ou les hauteurs de précipitation dans la partie amont peu peuplée de ce fleuve près du lac Victoria sont 3 fois plus élevées que celles du Caire à l’embouchure du Nil là où le besoin est important en raison de la densité de population

    Merci en tout cas à Goodplanet pour ce rappel historique que je souhaiterais grâce à un lien incorporer à mon fichier sur la cartographie

    https://www.dropbox.com/s/8mrwll467hctq6i/7cartographie.pdf?dl=0