Dieu ou le réchauffement climatique? La Louisiane hésite encore

Louisiane ouragan

Daniel Schexnayder dans son jardin inondé le 10 octobre 2020 en Louisiane. © AFP CHANDAN KHANNA

Lake Charles (Etats-Unis) (AFP) – Daniel Schexnayder a de l’eau jusqu’aux chevilles dans son jardin, les dégâts provoqués par l’ouragan Laura fin août l’empêchent toujours de vivre dans sa maison et il vient de connaître un second ouragan en six semaines. Mais il ne croit toujours pas au réchauffement climatique.

« Je suis de l’autre côté. Je suis avec Trump ». Samedi, au lendemain du passage de l’ouragan Delta, le message de ce charpentier de 58 ans de la petite ville d’Iowa, à quelques kilomètres de Lake Charles, en Louisiane, est clair.

Pourtant, le réchauffement climatique, c’est prouvé, est causé par les activités humaines et rend les cyclones plus puissants et leurs vents plus violents.

Et les régions côtières des Etats-Unis, comme la Louisiane, sont donc plus à même d’être frappées par des ouragans de catégorie 4 – c’était le cas de Laura – avec des conséquences humaines, sanitaires, écologiques et économiques désastreuses.

« Il y a des bons scientifiques et des mauvais scientifiques », balaie Daniel Schexnayder en descendant de son pick-up avec de l’essence pour nourrir le générateur de la maison de sa mère.

« J’accepte ces ouragans parce que l’on ne peut rien faire d’autre que prendre tout ça comme ça vient. On n’a pas de pouvoir dessus, seul le bon Dieu l’a ».

Partout dans les rues de Lake Charles, des messages implorant la clémence divine ont fleuri avant le passage de Delta. Dans la bouche des habitants, le même vocabulaire religieux.

La Louisiane, État très religieux et conservateur qui a voté pour Donald Trump en 2016, fait en majorité partie de la « Bible Belt » du Sud des Etats-Unis.

Selon une étude publiée en 2020 par un programme de l’université de Yale, de tous les États américains régulièrement touchés par des ouragans, la Louisiane est celui où l’on croit le moins à ce phénomène (55%).

Mais la plupart des Louisianais interrogés par l’AFP ne sont pas aussi catégoriques que Daniel Schexnayder.

Quand on les interroge sur la responsabilité du réchauffement de la planète dans ces catastrophes naturelles, beaucoup expliquent ne pas savoir, ou que ce n’est pas vraiment un sujet dont on parle par ici.

« Ça pourrait bien être le cas, mais ça pourrait juste être aussi l’œuvre de Dieu », résume Tracy Fontenot. Dans tous les cas, que ce soit divin ou humain, « je ne sais pas comment on pourrait y échapper », ajoute cet instituteur de 55 ans.

Pétrole et montée des eaux

Vendredi matin, la pluie battante qui annonçait l’arrivée imminente de Delta ne laissait aucun doute dans l’esprit de Kristy Olmster, 41 ans, qui travaille pour un fournisseur d’électricité.

« Le réchauffement climatique est bel et bien réel », maugréait-elle en finissant d’apposer du contreplaqué sur ses fenêtres et sa porte.

A quelques rues de là, Arthur Durham, un restaurateur de 56 ans originaire du Texas, était du même avis.

« Je pense que ceux qui nient la réalité du changement climatique sont assez idiots. C’est assez clair. J’ai vécu près du golfe du Mexique la majeure partie de ma vie et tout cela est inédit. Sans l’être humain, on n’aurait pas tout cela ».

En tant qu’électeur de Joe Biden, il confie être un peu seul dans cette paroisse (équivalent local du comté) de Calcasieu très conservatrice.

Peut-être, reconnaît-il, que les facteurs économiques et culturels influent sur l’intérêt que portent les gens à l’environnement.

Par exemple, si son fils à lui évacue avant Delta, c’est pour pouvoir avoir une meilleure connexion internet pour son stage chez le constructeur de voitures électriques Tesla, alors que de nombreux habitants dans les quartiers plus défavorisés de Lake Charles évacuent pour sauver le peu qu’ils ont.

Mais surtout il pointe du doigt l’influence de l’industrie pétrolière dans la région.

Ces raffineries implantées sur les bords de la rivière Calcasieu et que l’on voit ou entend à des kilomètres, quand la région n’est pas balayée par un ouragan. La Louisiane représente à elle seule 20% des capacités de raffinage du pays.

Ici, « il y a des gens qui travaillent pour des entreprises qui ne souscrivent pas forcément au changement climatique, parce que cela aurait un impact sur leur fonctionnement », détaille-t-il.

Des entreprises pétrolières qui sont de plus en plus inquiètes pour leur chiffre d’affaires à cause de la montée des eaux ou des ravages comme ceux causés par l’ouragan Harvey au Texas en 2017.

©AFP

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