A New York, la voiture redevient reine, au risque d’un « Carmageddon »

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Un vendeur de voitures d'occasion dans le quartier de Brooklyn, le 29 septembre 2020 à New York. © AFP/Archives Thomas URBAIN

New York (AFP) – Pour échapper aux transports publics et à la pandémie, de plus en plus de New-yorkais s’achètent une voiture, faisant flamber le marché de l’occasion et sapant les espoirs de décongestion de la première métropole américaine.

A 35 ans, citadin dans l’âme, Julien Genestoux n’avait jamais possédé de voiture, que ce soit à Lyon, Rome, San Francisco ou New York, où il vit depuis 5 ans.

« En tant qu’utilisateur, c’est un cauchemar, la voiture en ville », reconnaît-il. « C’est les bouchons, tourner des heures pour se garer. Pour moi, ce n’était pas pratique du tout. Mais là, ça devient malheureusement nécessaire. »

Il y a quelques semaines, il a donc franchi le pas et acheté, via un site de vente de véhicules d’occasion, une voiture familiale.

« On a trois enfants », dit-il. « Vivre à New York quand on ne peut rien faire dans la ville puisque tout est fermé… il faut sortir. »

Cet entrepreneur d’internet a troqué les week-ends à Central Park pour des virées aux Rockaways, une des plages de New York.

Julien n’est pas le seul à avoir eu cette idée. Il était même le dernier de sa bande d’amis, dont aucun n’avait jamais non plus acheté de voiture avant la pandémie.

L’indice Manheim des véhicules d’occasion, qui mesure l’évolution des prix aux Etats-Unis, a atteint 163,7 en août, son record absolu, contre 141,3 il y a un an.

Début juin, Chris Stylianou, vendeur d’occasions à Brooklyn, a été à deux doigts de vider complètement son stock, du jamais vu en 30 ans de carrière.

« Une voiture que je payais 5.000 dollars il y a deux ans », dit le propriétaire de la succursale Major Auto Show, « je la paie 5.500 aujourd’hui. Même voiture, même modèle, même état. »

« Transitoire »

« Les gens achetaient juste pour ne pas avoir à prendre les transports en commun », se souvient Chris Stylianou. « Tout ce qui était en état d’être vendu est parti. »

Chez A Class Auto Sales, un vendeur d’occasion du centre de Brooklyn, Rudy Blocker voit aussi dans ce coup de chaud l’effet du plan de soutien à l’économie et les 600 dollars qu’ont reçus, chaque semaine, beaucoup d’Américains au chômage, jusque fin juillet.

« Les gens avaient un peu d’argent et ça leur brûlait les poches », s’amuse-t-il.

Tandis que l’occasion s’arrachait, le neuf n’a pas du tout bénéficié du même effet. Même si les ventes se sont redressées depuis juin, elles restent sensiblement en retrait de 2019, pour tous les grands constructeurs.

« En leasing, il faut s’engager pour trois ans. Nous ne voulions pas faire ça », explique Magdalena Cerda, épidémiologiste, qui a acheté une berline BMW pour 35.000 dollars. « Et quand vous achetez une voiture neuve, vous perdez tellement d’argent… »

Cette mère d’une fille de sept ans a résolument choisi le temporaire, car elle veut croire au retour du New York qu’elle a connu et assure qu’elle serait ravie de reprendre le métro.

« Tout le monde espère que ce soit transitoire », abonde Julien Genestoux. « Pour nous, si la situation redevenait normale, (…) je pense qu’on se débarrasserait de la voiture. Je n’ai pas l’impression que ce soit quelque chose de définitif. »

« Carmageddon »

Ni Julien, ni Magdalena ne se servent de leur nouveau véhicule en semaine, à la différence des dizaines de milliers de New-yorkais qui prennent désormais la route chaque jour.

« Ce sont des gens différents d’avant » la pandémie, affirme Fernando Bajana, gérant du parking GGMC Seven Eleven, situé Midtown, à Manhattan, dans un quartier de bureaux. « Avant, ils venaient au travail en transport en commun, mais maintenant, ils ont peur. »

« Alors que la plupart des New-yorkais travaillent encore de chez eux, le niveau de circulation n’est en baisse que de 9% par rapport à l’an dernier », a alerté, en septembre, l’association Transportation Alternatives.

La suite? « Carmageddon », selon l’association, c’est-à-dire la congestion ultime, avec un trafic automobile plus élevé qu’avant la pandémie et une armée de nouveaux cyclistes.

« Si aujourd’hui », dit Julien Genestoux, « les gens s’achètent des bagnoles, je pense qu’il y aussi une part d’échec des politiques publiques de transports dans une ville. »

Autoproclamé champion de la lutte anti-pollution, chantant les louanges du vélo et des transports en commun, le maire de New York Bill de Blasio a refusé jusqu’ici toute mesure majeure pour empêcher la congestion née de la pandémie.

Prévu pour janvier 2021, le projet de péage urbain dans le centre de Manhattan, à même de réduire la circulation, a finalement été repoussé à fin 2021, au moins.

©AFP

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