Du charbon à la biomasse, la transition controversée d’une centrale électrique

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Du charbon à la biomasse, la transition controversée d'une centrale électrique

Londres (AFP) – La centrale électrique de Drax, au Royaume-Uni, est passée en quelques années de l’une des usines les plus polluantes du continent à l’une des plus ambitieuses en matière de réduction des émissions de CO2. Mais sa méthode, remplacer le charbon par de la biomasse, est controversée.

La plus grosse centrale à charbon du pays, située dans le Yorkshire, dans le nord de l’Angleterre, a amorcé sa conversion vers la biomasse il y a dix ans. Elle entend se passer complètement du charbon en 2021.

Le Royaume-Uni a décidé l’arrêt définitif du charbon pour produire de l’électricité à horizon 2025, et les centrales utilisant cette ressource s’y comptent désormais sur les doigts d’une main.

Celle d’Aberthaw (groupe RWE), a notamment fermé en mars, sans projet de reconversion. L’expérience menée par Drax en est d’autant plus scrutée.

Dans un entretien à l’AFP, Will Gardiner, le directeur général de Drax, met en avant un approvisionnement en bois « responsable ». Le CO2 émis par le bois brûlé est capturé par les arbres nouvellement plantés, faisant de la biomasse une énergie propre et renouvelable, assure-t-il.

En 2020, quatre des six réacteurs utilisent des granules de bois, et un système de capture du carbone a été installé, pour réduire les émissions. Le ministre des Finances britannique, Rishi Sunak, a dit vendredi espérer que le Royaume-Uni puisse devenir « un leader mondial » de la capture et du stockage de CO2.

« Je ne pense pas qu’il y aura encore du charbon ou du gaz naturel dans notre système en 2050 », l’année où le Royaume-Uni vise la neutralité carbone. « On aura autre chose », par exemple de l’éolien, « et de la biomasse », poursuit le patron de Drax.

Lors de la COP 25 à Madrid, en décembre, le groupe a été jusqu’à déclarer vouloir devenir « négatif en carbone », en retirant plus de CO2 de l’atmosphère qu’il n’en émet, d’ici 2030.

Mais au-delà de sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique, la biomasse « a permis à la centrale de poursuivre son activité et de maintenir » environ 900 postes, insiste Will Gardiner.

Mais l’utilisation de la biomasse, deuxième énergie renouvelable au Royaume-Uni derrière l’éolien, fait polémique.

Début 2018, 800 scientifiques écrivent au Parlement européen pour l’enjoindre de restreindre la biomasse aux résidus et déchets pour limiter la déforestation.

Selon Michael Norton, directeur du programme environnement du Conseil scientifique des académies des sciences européennes (Easac), le problème de la biomasse est qu' »il faut entre plusieurs décennies et plusieurs siècles » pour que les nouveaux arbres puissent recapturer tout le carbone libéré lors de la combustion.

Et entre-temps, le bois ayant une intensité énergétique plus faible que le charbon, la somme de gaz à effet de serre relâchée est donc plus importante. D’autant plus s’il faut ajouter les émissions liées au transport, Drax important d’Amérique du Nord 80% des 7,5 millions de tonnes de bois qu’elle brûle chaque année.

L’ONG écologiste Greenpeace qualifie pour sa part le plan de Drax de « pari sur le dos de l’humanité ».

Will Gardiner rétorque que Drax a recours majoritairement aux résidus laissés par d’autres industries, « des cimes et branches qui, autrement, retourneraient dans les domaines et pourriraient en émettant du CO2 », alors que leur valorisation des résidus incite les exploitants à replanter.

Quant aux 20% de matières premières provenant d’arbres effectivement abattus pour ce motif, il rappelle que les forêts correctement entretenues sont aérées en coupant régulièrement les membres plus chétifs.

M. Gardiner reconnaît néanmoins que l’énergie produite à partir de la biomasse n’est qu’une partie de la solution et que le Royaume-Uni devra atteindre 80% d’énergie provenant de l’éolien.

« Mais vous aurez toujours besoin d’autre chose en plus » pour quand il n’y a pas de vent.

Concernant le délai nécessaire pour capturer le CO2 libéré dans l’atmosphère, M. Gardiner renvoie aux conclusions de l’organisation IEA Bioenergy.

Celle-ci affirmait en novembre que la publication de l’Easac « inclut plusieurs erreurs », soutenant que la combustion de biomasse n’engendre pas de surplus de carbone dans l’atmosphère du fait « des dynamiques de systèmes forestiers ».

La publication de l’Easac « a fait l’objet d’un examen par des pairs dans une revue internationale », a répliqué M. Norton, très critique vis-à-vis de l’EIA Bioenergy.

© AFP

3 commentaires

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    • Serge Rochain

    La biomasse reste un des moyens parmi les meilleurs pour assurer les approvisionnement en électricité, quand les sources variables sont insuffisantes, quoi qu’en disent ses détracteurs généralement des partisans du nucléaire qui commencent sérieusement à manquer d’arguments devant l’écroulement de ceux qu’ils avaient alignés au début, comme le prix, le facteur de charge, le rendement….. tous se sont trouvés invalidés les uns après les autres. Aujourd’hui nous pouvons démontrer qu’avec une optimisation des investissements entre sources variables et sources renouvelables à production constante comme les énergies marées, motrices, hydrauliques de barrage, au fil de l’eau, de la houle, la méthanisation, et le stockage des surplus éoliens par divers moyens (chaleur, électrochimie….) nous pouvons nous passer du nucléaire et de ses nuisances. Nous démontrons au passage que le nucléaire futur que l’on nous propose a un prix du watt entre 4 et 5 fois supérieur à celui des variables aujourd’hui :
    Les données du problème :
    Nucléaire :
    Cout EPR : 12,4 G€ Délai de réalisation 2007 à 2021 : 14 ans
    Puissance de production théorique 1,6 GW Facteur de charge 75% (mais même à 100% sans maintenance ni rechargement d’uranium ni incidents…. Ça ne fera pas le poids. Noter que le facteur de charge du parc existant n’a été en 2019 que de 68%) Puissance réelle : 1,2 GW
    Production annuelle : 10,5 TWh

    Parc éolien :
    Coût d’une éolienne de 2 MW : 1 M€ Facteur de charge moyen France de l’éolien : 25%
    On peut donc construire plus de 10 000 éoliennes avec ce que coûte (a déjà couté sans produire) l’EPR de Flamanville. Puissance théorique 20 GW, puissance réelle 5 GW
    Production annuelle : 43,8 TWh soit 4 fois plus que le nucléaire de l’EPR
    Ajoutez à cela que le parc peut produire au bout de 2 ans seulement, car moins de deux ans suffisent pour construire une éolienne et la raccorder. Aujourd’hui l’étape la plus longue de la construction d’une éolienne est représentée par les délais imposés par les recours juridiques systématiques.

    Le coût du MWh solaire ayant rejoint celui de l’éolien depuis 2018 le résultat est le même pour le solaire

    Il faut estimer le coût du stockage si tant est qu’il faille stocker car dans les ENR le biogaz est dans un état stocké dès sa production et son potentiel, peu développé en France (1,8 % du mixe électrique) qui l’est 5 fois plus en Allemagne, permettrait d’alimenter exclusivement par ce moyen le pays par temps calme et couvert anticyclonique durant 3 mois au moins chaque année. Actuellement l’Allemagne dont le biogaz représente déjà 8,4% du mix électrique peut assurer son besoin électrique à 100% par cette source 1 mois par an.
    Serge Rochain

    • Michel CERF

    Et la déforestation , l’exploitation des sols , la préservation des paysages et de la biodiversité , cela ne compte pas ?

    • Pierrick A

    @Serge Rochain :
    d’où sortez vous le prix d’1M€ pour 1 éolienne de 2MW?
    Une recherche rapide (qui peut toujours se tromper) donne de 2.5 à 3M€ :
    https://www.ifrap.org/agriculture-et-energie/vrai-faux-quel-est-le-cout-de-lelectricite-eolienne
    https://www.pole-medee.com/2014/08/combien-coute-une-eolienne/

    Par ailleurs votre comparaison avec le nucléaire ne tient pas la route dans la mesure où :
    – le cycle de vie d’une éolienne est de 20 ans, pour 40 à 80 ans pour une centrale
    – vous comparez une source intermittente à une source pilotable
    – l’éolien est bien plus gourmand en matériaux que l’éolien ou le PV à production équivalente (avant même de tenir compte du surcoût de l’intermittence)

    A part ça, sur le fond de l’article, je trouve la démarche des anglais assez pragmatique. Reste effectivement à vérifier que leur consommation est « soutenable » mais une fois n’est pas coutume le discours de leur porte parole est relativement cohérent techniquement, ils ne sont pas trop trop bisounours…

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