Face aux obstacles, la motivation inébranlable des travailleuses saoudiennes

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Une Saoudienne vend des bijoux dans un magasin de Ryad, le 19 février 2020 © AFP FAYEZ NURELDINE

Ryad (AFP) – Conservatisme social, confinement face à la pandémie de Covid-19: en dépit des obstacles, Fatima al-Dakhil n’a pas perdu sa motivation et tient à s’affirmer sur le marché du travail où les femmes saoudiennes ont récemment fait leur entrée.

Jeune diplômée, Fatima al-Dakhil a été recrutée en janvier comme responsable des achats pour la filiale d’une entreprise française à Al-Khobar, dans l’est de l’Arabie saoudite.

Le royaume ultraconservateur a longtemps tenu à l’écart du marché de l’emploi les Saoudiennes, notamment en vertu d’un système de « tutelle » donnant à des « gardiens » le droit de s’opposer à leurs aspirations professionnelles. Les rares femmes ayant alors des emplois étaient cantonnées aux secteurs de la santé et de l’éducation.

Mais en 2016, le jeune prince héritier Mohammed ben Salmane présente le plan « Vision 2030 », qui vise à diversifier l’économie du royaume et à mettre fin à sa dépendance au pétrole.

Il ouvre alors les portes du marché de l’emploi à des millions de femmes. Quelques mois seulement après le lancement du plan, de premières Saoudiennes accédaient à des postes à responsabilité, ou travaillaient dans le secteur des services.

Aujourd’hui, certaines dirigent des banques, sont cheffes d’entreprises, garde-frontières, policières ou encore serveuses.

Sarah Al-Dosari, 23 ans, a cherché du travail pendant six ans en vain avant de trouver un poste de vendeuse dans un magasin de vêtements à Ryad tenu par trois femmes.

« Les gens ne nous respectaient pas mais, maintenant, les clients disent qu’ils sont fiers de nous », se réjouit-elle.

Après avoir brisé les tabous et le conservatisme ambiant, les Saoudiennes doivent désormais affronter les conséquences liées à la pandémie du nouveau coronavirus.

L’Arabie saoudite, pays du Golfe le plus touché avec près de 19.000 infections et 144 décès officiellement enregistrés, a imposé le confinement de sa population et la grande majorité des employés doivent désormais travailler depuis chez eux.

« Au début de la crise, j’étais frustrée en tant que nouvelle employée et j’avais peur de perdre mon emploi mais je fais en sorte d’être aussi impliquée à la maison que si j’étais au bureau », confie Fatima, dont « presque toutes (les) amies ont rejoint le marché du travail ».

« La crise du coronavirus va passer », espère la jeune femme de 25 ans.

Sa collègue, Malika Abdelhamid, a pris la direction des ressources humaines quatre jours seulement avant que les autorités ne bouclent Qatif (est) où elle habite.

Elle doit désormais effectuer ses premiers pas dans ce nouveau poste en multipliant les entretiens sur l’application Zoom.

Au troisième trimestre 2019, les Saoudiennes étaient plus d’un million à travailler, représentant au total 35% de la population active.

Elles sont aussi majoritaires (84%) parmi les demandeurs d’emploi dans le pays, qui connaît un taux de chômage important.

Pourtant, la présence d’employées est un atout, assure Rodina Maamoun, chargée depuis trois ans par le propriétaire de cinq magasins d’accessoires pour femmes de « féminiser » son personnel.

« Les clients, surtout les femmes, se sentent plus à l’aise avec des assistantes féminines. Les ventes et les bénéfices ont augmenté », assure-t-elle.

Elle a recruté au total 19 femmes pour remplacer une main-d’oeuvre autrefois exclusivement masculine.

Outre l’accès au marché du travail, les Saoudiennes peuvent désormais aussi conduire et obtenir un passeport sans l’autorisation d’un parent masculin.

Malgré ces pas en avant, le prince héritier fait l’objet de vives critiques de la part des ONG, en raison notamment d’une répression accrue des voix discordantes, comme celles de militantes ayant lutté pour obtenir le droit de conduire et qui auraient été détenues puis torturées selon leurs proches.

Les changements ont toutefois encouragé certaines Saoudiennes, parties vivre à l’étranger, à revenir chercher du travail dans leur pays.

C’est le cas de Rania Nashar, PDG du groupe financier Samba et première femme saoudienne à occuper un poste aussi élevé. A ses yeux, ses concitoyennes « sont ambitieuses et enthousiastes à l’idée de jouer un rôle dans la construction de l’avenir de leur pays ».

© AFP

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