Davos, « scène de crime » du réchauffement climatique, attend des « actions » (responsable Greenpeace)

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Des militants de l'ONG environnementale Greenpeace sont évacués après avoir accroché une banderole sur la façade du bâtiment du Conseil européen lors d'une action de protestation, à Bruxelles, le 12 décembre 2019, à la veille du sommet européen. Kenzo TRIBOUILLARD / AFP

Le 50e Forum économique mondial (WEF), une « scène de crime » climatique? C’est l’avis de Jennifer Morgan, directrice exécutive de Greenpeace International, pour qui les actions des entreprises –en particulier du secteur financier– ne reflètent pas leurs promesses de verdissement.

Q. L’urgence climatique domine cette année à Davos, est-ce un signal encourageant?

Jennifer Morgan: « C’est essentiel de concentrer l’attention sur le climat (…) mais je ne pense pas que les actes sont pour l’heure à la hauteur des discours prononcés. On entend beaucoup de gens parler du climat, les jeunes (militants) sont invités dans les panels, mais on ne voit toujours pas les engagements qu’il faudrait, par exemple que les banques excluent effectivement les énergies fossiles de leurs financements et que les autres groupes agissent pour décarboner rapidement leurs chaînes de production.

(Quant au discours du président américain Donald Trump mardi, vantant ses performances économiques sans mentionner le climat), il est évident qu’il n’est pas conscient ou qu’il n’accepte pas les connaissances scientifiques, parce que le monde qu’il décrit n’existe pas, et on ne fait pas d’argent sur une planète morte. »

Q. Le gestionnaire d’actifs BlackRock a annoncé cesser d’investir dans les sociétés tirant 25% de leurs revenus du charbon. N’y a-t-il pas une mobilisation accrue du secteur financier?

« Je prendrais ça avec des pincettes. Greenpeace a justement publié (mardi) un rapport sur le secteur financier, montrant que depuis l’accord de Paris (sur le climat en 2015), 24 des grandes banques venues depuis à Davos ont au total investi 1.400 milliards de dollars dans les carburants fossiles. Elles disent respecter l’accord de Paris mais continuent de déverser leur argent dans la mauvaise direction. Une fois encore, beaucoup de discours, mais on attend encore les propositions pour réguler le secteur financier. (…) Tant que je ne verrai pas la teneur des engagements (de ces banques), je ne les prendrai pas au sérieux.

« Cela vaut même pour BlackRock: ils annoncent qu’ils vont cesser leurs financements pour le charbon thermique. Mais ils ne disent pas quand (l’exclusion sera totale), et ils n’ont pas exclu les autres énergies fossiles. Certes, ce sont des petits pas — mais la prochaine décennie sera absolument cruciale et ces banques doivent contribuer à la solution. Car pour l’heure, ils sont aussi responsables (du réchauffement climatique) que le secteur des industries fossiles.

Q- N’est-ce pas une contradiction que de voir le WEF évoquer l' »apocalypse climatique » tout en occasionnant des ballets de jets privés? Quel est l’intérêt pour les ONG telles que Greenpeace de venir à Davos?

« C’est certainement contradictoire quand les gens s’y rendent en jet privé, c’est clairement un énorme problème. Mais le Forum a de bien plus sérieux soucis de crédibilité que les émissions de CO2 qu’il génère: soit le WEF s’efforce de promouvoir de réels changements (…) en s’attaquant sérieusement au climat, soit il survit comme une relique du passé. Ses tentatives pour vanter +un capitalisme des parties prenantes+ (en associant entreprises et société civile, NDLR), par exemple, me semblent une sorte de distraction.

« Avec Greenpeace International, nous avons décider de venir à Davos, et dans chaque conversation que j’ai ici, je m’efforce de faire éclater les vérités (sur le climat) devant les puissants, de confronter aux faits des gens qui n’y sont pas habitués au quotidien. C’est inconfortable: c’est comme une zone de guerre environnementale, ou une scène de crime où vous auriez tous les criminels devant vous. Mais ce sont justement les cibles, les gens qui doivent changer. La majorité (des militants) doivent maintenir la pression de l’extérieur, mais confronter les gens face à face peut faire la différence. Quant à savoir si je quitterai Davos à la fin de la semaine plus déprimée encore, ou au contraire rassérénée, cela reste à voir ».

© AFP

Un commentaire

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    • Bousquet

    Bonjour, Davos ….. Une petite réunion entre-soi ! Où l’on va tenter de se donner une conscience sur des enjeux climatiques. Mais, est-ce si important face aux espèces sonnantes et trébuchantes qui alimentent les comptes bien réels, quant à eux de ces (nos, pour les participants) sociétés et autres grands groupes.
    1 / – A l’heure des échanges futurs (qui se voudront dématérialisés ) par voie informatisée, les déplacement dans ce petit paradis alpin, ne seront – ou, ne devraient plus être nécessaires.
    2/ – Notamment ceux, qui le sont déjà : Je parle des transactions bancaires. Celles-ci s’abritent derrière une fulgurance intraçable. En un point tel ? Que même ces doctes institutions ….. ne s’y retrouvent pas. Et qu’elles ne savent même pas la nature de leurs avoirs colossaux.
    3/ – Vous avez, peut-être le souvenir de ces Panama’s-papers qui faisaient la une des journaux, suite à leur mise à jour par une émission T.V . La conclusion était que personne ne savait qui détenait quoi .
    4/ – Il y a plus longtemps, une enquête avait montré que la majeure partie de l’argent papier était faussée par la propre valeur des billets. Un sur trois – sur toute la planète – était issu du produit de la drogue; que les trafiquants mettaient sur les marchés pour les blanchir. Ce qui a eu pour effet immédiat de faire perdre la valeur fiduciaire des deux autres billets. Qui, ces derniers, étaient issus de l’économie réelle. Et tentaient de réguler une économie plus propre.
    De fait, les échanges se passant de cette économie des petits peuples partout sur la planète, se passait de ces monnaies qui alimentaient les bouches de 7 milliards de personnes. (Les 1% les plus riches n’étant , là-aussi ….. pas concernés.
    Et je ne parle pas des crypto-monnaies qui viennent rajouter à ce marasme ambiant.