Sortir des investissements dans le charbon pour générer de l’électricité


Laurence Pessez, Directrice RSE de BNP Paribas © BNP Paribas

Les investissements, ainsi que les subventions, dans les énergies fossiles sont remis en cause par les organisations internationales, les scientifiques et les écologistes. Fin novembre 2019, le groupe BNP Paribas (par ailleurs mécène historique de la Fondation GoodPlanet) s’est engagé sur un calendrier de sortie du charbon. Laurence Pessez, Directrice RSE de BNP Paribas depuis 2010, revient sur cet engagement de ne plus investir dans le charbon d’ici à 2030 dans l’Union européenne et 2040 dans le reste du monde.

Pourquoi avoir attendu 2019 pour annoncer un calendrier de sortie du charbon ?

Il s’agit de la dernière étape de notre engagement pris en 2011 de financer la transition énergétique. Dès cette année-là, nous avons pris des mesures restrictives dans le financement de l’extraction du charbon et de la production d’électricité à base de charbon. En 2015, avant la COP21, nous avons renforcé cet engagement en nous fixant l’objectif de doubler nos financements dans les énergies renouvelables à horizon 2020. Depuis 2017, nous ne finançons plus de nouveaux projets de centrales à charbon. En 2019, nous annonçons publiquement nos dates de sortie du charbon, qui sont 2030 en Europe et 2040 dans le monde.

Les dates retenues semblent éloignées, pourquoi des horizons aussi lointains ?

Cet engagement est en ligne avec les conclusions de l’Accord de Paris et en est une traduction opérationnelle. C’est également conforme au scénario de l’Agence Internationale de l’Énergie qui précise qu’une sortie du charbon en 2030 en Europe et en 2040 au niveau mondial est nécessaire pour rester en-dessous des deux degrés Celsius.

Comment cela va se passer ?

Jusqu’à présent, nous demandions à nos clients de diversifier leurs sources de production d’électricité. A partir de maintenant, nous engageons avec eux un dialogue pour qu’ils établissent un plan de sortie du charbon à une date fixe.

Quels clients sont concernés ?

Nos annonces portent uniquement sur le secteur de la production d’électricité à base de charbon. En parallèle, nous continuons de travailler avec une coalition de banques afin d’aligner l’intégralité de notre portefeuille de crédits avec l’Accord de Paris.

Est-ce que cela représente pour vous un risque de perte de clients ou de partenaires ?

Ce n’est pas un risque car la démarche repose sur le dialogue avec nos clients. L’objectif est de les inciter à évoluer dans la bonne direction. L’arrêt de la relation avec le client arrive en dernier recours, quand le dialogue n’aboutit pas et que le client ne s’engage pas dans une stratégie de transition sérieuse. Cela a été le cas début 2019 avec les producteurs polonais d’électricité, avec qui nous dialoguions depuis 2017. Après deux ans d’échanges, lorsque nous avons constaté que la Pologne n’allait pas s’orienter vers une transition, nous avons décidé d’arrêter nos relations avec eux.

Qu’est-ce que ce calendrier de sortie du charbon signifie concrètement ?

Lorsque nous prenons la décision de cesser de travailler avec un client, nous honorons nos engagements mais ne lui accordons plus de nouveaux produits et services, comme de nouveaux crédits ou des émissions obligataires.

En quoi la mise en œuvre de cette décision s’avère difficile ?

Toutes les décisions qui nécessitent d’obtenir des engagements de clients sont impliquantes, surtout si cela peut aboutir à cesser une relation. Le dialogue avec nos clients autour de cette stratégie de diminution des gaz à effet de serre est engagé de longue date. Nous avons d’ores et déjà arrêté de travailler avec 90 % de l’industrie minière australienne et avec des entreprises qui ne se diversifient pas, comme en Pologne. Fin 2017, nous avons aussi pris des engagements sur le pétrole et les gaz non-conventionnels qui nous ont conduits à cesser de travailler avec une soixantaine de clients. Ce n’est pas simple à mener, mais c’est indispensable pour traduire de manière opérationnelle nos engagements.

Certaines ONG, notamment Oxfam et les Amis de la Terre, estiment que ces investissements de BNP dans le charbon représentent 12,8 milliards d’euros, avez-vous un chiffrage du montant de vos investissements actuels dans cette source d’énergie ?

Les ONG sont naturellement dans leur rôle en faisant pression pour que les banques poursuivent leur effort. Toutefois nous ne commentons pas les montants calculés par les ONG, leurs analyses étant fondées sur une méthodologie à laquelle n’avons pas toujours accès, comme c’est le cas ici. Nous avons des indicateurs de progrès et nous cherchons à mesurer l’évolution du pourcentage d’énergie de chaque source dans ce que nous finançons. Aujourd’hui, la part du charbon dans nos investissements est à moins de 20 % et celle des renouvelables est de 27 %. Tandis que, au niveau mondial, le charbon sert à produire 38 % de l’électricité.

Est-ce que la société civile a joué un rôle dans cette décision ?

Nous échangeons avec toutes les parties prenantes externes. Nous ne discutons pas uniquement avec les ONG et les investisseurs ISR (Investissement Socialement Responsable). Nous dialoguons par exemple aussi avec nos clients ou encore avec les étudiants du Manifeste pour un réveil écologique. C’est aussi ce que nous demande le grand public.

Vous avez fait l’objet de critiques de la part d’ONG, Oxfam et les Amis de la Terre pour ne citer qu’elles, sur la part importante de vos investissements dans les fossiles, que leur répondez-vous ?

Il est normal que les ONG nous demandent d’aller plus vite et plus loin. En tant qu’acteur économique, nous sommes confrontés à un principe de réalité qui fait que nous ne pouvons pas arrêter de financer tout un secteur du jour au lendemain. D’une part, si nous cessons de le faire, nous serons immédiatement remplacés par une banque concurrente qui imposera des critères moins exigeants vis-à-vis de ce secteur. D’autre part, parce que nous estimons que ce n’est pas le mode de fonctionnement le plus efficace. Il faut admettre que dans certaines régions du monde, notamment en Asie du Sud-Est, la transition énergétique pendra plus de temps et que nous nous devons de l’accompagner.

Propos recueillis par Julien Leprovost

Un commentaire

Ecrire un commentaire

    • Claude

    Scenario IAE rester en dessous de 2 degrés Celsius.
    D’après les spécialistes c’est 1,5 degrés et non deux qu’il faut viser. Au-delà le processus catastrophique n’a pratiquement aucune chance d’être maîtrisé.
    Bonne année