ExxonMobil, accusé de tromperie sur le climat, gagne une première manche

ExxonMobil

Photo d'un logo ExxonMobil prise le 2 juin 2015 à Paris © AFP/Archives ERIC PIERMONT

Un juge a débouté mardi l’Etat de New York qui accusait le géant pétrolier ExxonMobil d’avoir trompé les investisseurs sur l’impact financier du changement climatique, une déception pour les organisations environnementales qui voyaient dans ce dossier un test avant d’autres actions en justice.

Après trois semaines de procès en octobre et novembre, le juge new-yorkais Barry Ostrager a estimé que la procureure de l’Etat de New York, qui avait présenté cette affaire comme une illustration des efforts de dissimulation dont seraient coupables les compagnies pétrolières sur le changement climatique, n’avait pas réussi lors du procès à présenter « des preuves prépondérantes » qu’ExxonMobil ait « fait des déclarations ou des omissions sur ses pratiques et procédures ayant trompé des investisseurs responsables ».

L’Etat de New York, un bastion démocrate qui se veut en pointe dans la bataille pour le climat, n’a « cité aucun témoin affirmant avoir été induit en erreur », a souligné le juge dans sa décision de 55 pages. Et tous les témoins cités, par l’accusation comme par la défense, se sont exprimés « de façon uniformément favorable à ExxonMobil », a-t-il ajouté.

Parmi ces témoins, l’ex-secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson, ancien PDG de l’entreprise, avait témoigné plusieurs heures durant pour expliquer la façon dont l’entreprise avait comptabilisé le risque climatique dans ses comptes, réfutant les allégations du procureur.

La décision est un camouflet pour la procureure de New York Letitia James, dont la plainte contre ExxonMobil avait suivi quelque trois ans d’enquête.

Dans un bref communiqué mardi, elle s’est néanmoins félicitée d’avoir « obligé ExxonMobil à répondre publiquement de décisions internes qui ont trompé les investisseurs », et a promis de « continuer à se battre pour mettre fin au changement climatique. »

ExxonMobil a fustigé pour sa part un dossier qui a entraîné « le gâchis de millions de dollars des contribuables, sans faire avancer les efforts pour réduire le risque de changement climatique ».

L’entreprise « continuera à investir dans la recherche de technologies innovantes de réduction des émissions, tout en répondant à la demande croissante d’énergie de la société », a-t-elle ajouté.

Multiplication des plaintes

Si beaucoup de militants pour l’environnement avaient vu dans cette affaire une preuve du mépris des compagnies pétrolières pour leur impact sur le climat, le dossier était très technique: les audiences ont tourné autour d’outils sophistiqués utilisés par l’entreprise pour évaluer la rentabilité d’investissements potentiels ou établir des projections à très long terme sur son activité.

L’accusation faisait valoir que l’entreprise utilisait des évaluations de son « coût carbone » – les coûts liés à ses émissions de gaz à effet de serre – différentes selon qu’il s’agissait de ses présentations aux investisseurs ou de calculs internes sur la rentabilité de projets futurs.

Pour le procureur, cette présentation « trompeuse » se serait traduite par une surévaluation des actions du groupe, avec des dommages pour les actionnaires se chiffrant potentiellement à 1,6 milliard de dollars.

L’entreprise, et notamment M. Tillerson, avait reconnu avoir utilisé deux estimations différentes du coût carbone mais avait expliqué que cela correspondait à des niveaux de projection très différents, l’un « stratégique », l’autre plus « micro-économique », sans conséquences sur ses comptes ni sur les investisseurs.

M. Tillerson, patron d’ExxonMobil de 2007 à 2016, avait même longuement témoigné pour expliquer l’importance croissante que l’entreprise, sous sa direction, avait accordé au risque climatique.

Ce jugement promet cependant d’être suivi d’autres actions en justice liées au changement climatique contre ExxonMobil et d’autres compagnies pétrolières.

Le juge new-yorkais a d’ailleurs souligné qu’il n’entendait pas « absoudre ExxonMobil », mais qu’il avait eu à trancher « un dossier de fraude boursière, pas un dossier de changement climatique ».

« Nous sommes à un tournant, la plainte de New York a ouvert la voie aux procureurs des Etats pour qu’ils réclament des comptes aux pollueurs aux hydrocarbures comme ExxonMobil », a affirmé Greenpeace USA après la décision. « Comme les cigarettiers et l’industrie pharmaceutique, les grands du pétrole doivent affronter les conséquences de décennies de distorsions scientifiques et de marketing trompeur ».

Des villes, des comtés et d’autres Etats américains, ont déjà porté plainte en justice pour réclamer le paiement des dégâts ou des travaux rendus nécessaires par le réchauffement climatique.

L’Etat du Massachusetts a notamment porté plainte contre ExxonMobil fin octobre, accusant l’entreprise d’avoir trompé les investisseurs mais aussi les consommateurs sur l’impact climatique de ses produits.

© AFP

Ecrire un commentaire