Soutenue par les Amis de la Terre, Greenpeace ou encore le WWF, la première écocertification, nommée Forest Stewardship Council (FSC) ou Conseil de Bonne Gestion Forestière, a vu le jour en 1993. Via différentes organisations non gouvernementales (ONG), l’environnement et le social sont représentés dans ce Conseil de façon équilibrée à côté des acteurs économiques que sont les forestiers et les revendeurs de produits bois (1).
La force de la certification FSC est de garantir le droit des peuples autochtones, même là où ils ne sont pas reconnus. Car elle respecte la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui reconnaît aux peuples indigènes les droits de propriété et de possession sur les terres qu’ils occupent traditionnellement. Or cette convention, ratifiée par de nombreux pays d’Amérique latine (même si elle n’est pas toujours respectée), a été rejetée par les pays d’Afrique centrale où les autochtones possédaient les terres de façon traditionnelle, souvent avant la création des États et d’un droit moderne: il y a donc conflit entre les droits coutumiers non écrits et le droit actuel.
Bien que l’écocertification concernait à l’origine les forêts tropicales, actuellement, la plupart des forêts certifiées FSC sont situées en Europe et en Amérique du nord. L’offre de bois tropical FSC est encore réduite, mais les surfaces forestières certifiées augmentent régulièrement, ainsi que le nombre de négociants en bois.
Au Brésil par exemple, entre 2003 et 2004, le nombre d’exploitations certifiées FSC a doublé grâce à la labellisation de plusieurs forêts communautaires qui ont pour particularité d’être gérées directement par les populations qui en dépendent. En France, de grandes entreprises comme Lapeyre ou Castorama commercialisent des gammes entières de produits FSC.
Ce label n’est pas sans défaut, mais il présente l’avantage d’être ouvert aux arguments de ses partenaires écologiques et sociaux. Ainsi, la certification de vastes monocultures d’eucalyptus (ou d’autres arbres à croissance rapide) destinées à l’industrie du papier en Amérique du Sud et en Afrique du Sud a provoqué l’extension de ces monocultures, au détriment d’écosystèmes plus adaptés aux besoins des populations locales. Sous la pression des Amis de la Terre et des organisations régionales, la FSC a accepté de réviser ses critères de labellisation des plantations…
La faiblesse des certificats de légalité
La corruption est régulièrement pointée du doigt dans les principaux pays producteurs de bois tropicaux (2) qui figurent parmi les 20 pays les plus corrompus au monde (3). Le commerce illégal de bois est très répandu et peut représenter jusqu’à 90% de la production d’un pays, comme c’est le cas en Indonésie. Les industriels du bois ont donc créé des certificats pour garantir aux consommateurs que le bois ne vient pas d’une coupe illégale.
Mais ces certificats de légalité ne correspondent à aucune norme internationale définissant des standards minimaux établis entre les différentes parties prenantes. Et contrairement au label FSC, un certificat de légalité ne permet pas de garantir le droit des peuples autochtones là où ils ne sont pas reconnus.
Le danger des certifications de complaisance
Pour contourner les exigences du label FSC et continuer de vendre leur bois sur les marchés européens, de nombreux industriels ont créé leur propre label. Les écocertifications ont alors proliféré, qui n’observent pas souvent les critères essentiels au respect des peuples autochtones et à la protection de la biodiversité.
Citons par exemple le Malaysian Timber Council certification (MTCC) qui labellise une entreprise entretenant un conflit ouvert avec les Penans, peuple des forêts de Bornéo, au Sarawak (Malaisie). Ou le CERFLOR (4) créé sous l’impulsion de grands groupes papetiers du Brésil qui autorise l’utilisation d’arbres génétiquement modifiés. […]
Europe : le Pan European Forest certification (PEFC)
En 1998, les fédérations européennes de propriétaires forestiers ont voulu valoriser leur bonne gestion forestière sur les marchés en créant le Pan European Forest certification (PEFC), car la certification FSC était jugée trop contraignante et mal adaptée aux petites propriétés forestières.
De ce fait, l’écocertification conçue pour pallier l’absence de bonne gouvernance forestière dans les pays tropicaux n’est qu’un outil complémentaire aux lois forestières quand elle concerne les forêts françaises ou européennes.
La certification PEFC est basée sur le principe de l’amélioration continue et de l’engagement volontaire: un propriétaire privé adhère à une charte régionale de bonne gestion et s’engage à la mettre en œuvre. Cette adhésion ne comporte, contrairement à la charte FSC, ni audit initial, ni audit annuel régulier, et seuls des audits aléatoires annuels sont effectués sur un échantillon de propriétaires.
L’avantage du PEFC est cependant de faire naître un processus de concertation sur la gestion durable parmi les acteurs de la filière bois. Mais autant l’intérêt du FSC est de distinguer ceux qui s’orientent vers une démarche d’excellence environnementale de ceux qui ne font qu’appliquer la loi, autant la certification PEFC ne permet pas de distinguer celui qui gère sa forêt en « bon père de famille » de celui qui essaie, en plus, de conserver des mares, des arbres morts ou des espèces d’arbres locales.
L’autre inconvénient du label PEFC n’est pas moindre: en 2003, le Pan European Forest certification est devenu Program for the Endorsment of Forest certification schemes, c’est-à-dire Programme de Reconnaissance des Certifications Forestières. Si le sigle n’a pas changé, sa signification n’est plus la même. Cette certification, créée à l’origine pour les forêts européennes, peut concerner désormais des forêts tropicales. MTCC, CERFLOR et PAFC Gabon (cités plus haut) ont rejoint le Conseil du PEFC et sont donc candidates à la reconnaissance de leur schéma! Il est regrettable qu’une certification conçue pour soutenir la filière bois européenne serve finalement de « certification parapluie » à de nombreuses autres, peu soucieuses des forêts tropicales et de leurs peuples. Cela ouvre la porte des marchés européens à des bois exploités dans des conditions écologiques et sociales très critiquables.
NOTES :
1 – Comme Ikea, Kingfisher, B & Q, etc.
2 – Myanmar (Birmanie), Indonésie, Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo ou Cameroun.
3 – Classement Transparency International, 20044 – Ou Conseil Malaisien de certification du Bois. Pour en savoir plus, vous pouvez visiter le site de la Fondation Bruno Manser.
4 – CERFLOR ou Certificacao Florestal.
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