Extraits du 4e rapport du GIEC, partie portant sur l’Arctique et l’Antarctique

Dans les deux régions polaires arctique et antarctique, il y a de solides preuves concernant les impacts continus du changement climatique sur les espèces terrestres et d’eau douce, les communautés et les écosystèmes (risque très important). De récentes études prévoient que ces changements continueront (risque fort), et auront des répercussions sur les ressources biologiques et sur les changements climatiques à l’échelle de la planète (risque moyen). […]

Les régions polaires sont de plus en plus considérées comme étant :

• géopolitiquement et économiquement importantes,

• extrêmement vulnérables au changement climatique actuel et futur,

• les régions qui présentent le plus fort risque de bouleverser le climat mondial et par la suite, les populations humaines et la biodiversité.

Voici les principales prévisions régionales mises en avant dans le Troisième Rapport d’Évaluation (Third Assessment Report, Anisimov et al., 2001) :

? On prévoit une fonte accrue des glaciers arctiques et de la couche de glace du Groenland mais un épaississement de la couche de glace de l’Antarctique à cause de précipitations plus importantes.

? On prévoit une perte importante de glace composée d’eau de mer à chaque pôle.

? On s’attend à ce que la réduction du pergélisol et l’épaississement sur une grande surface de la couche active de l’Arctique modifient les paysages et endommagent les infrastructures.

? On prévoit que le changement climatique combiné à d’autres pressions affecte les communautés humaines de l’Arctique, en ayant des impacts particulièrement perturbateurs sur les peuples indigènes qui suivent un mode de vie traditionnel de subsistance.

? On s’attend à ce que les coûts et bénéfices varient en fonction des régions et des communautés.

? On prévoit que les modifications de l’albédo en raison de la diminution de la mer de glace et des étendues de neige renforcent le réchauffement de la surface et causent une réduction accrue de la couverture de glace et de neige.

Depuis plusieurs décennies, les températures de l’air à la surface de l’Arctique ont augmenté environ deux fois plus vite que la moyenne mondiale (McBean et al., 2005). Le réchauffement moyen par région au nord du 60°N a été de 1 à 2 °C avec un minimum de température dans les années 1960 et 1970. En Arctique, le record de température pour le XXe siècle est marqué par de fortes variations de faible fréquence et qui concernent plusieurs décennies (Polyakov et al., 2002). […]

Le réchauffement le plus récent, de 1980 à nos jours, de la plupart du territoire Arctique est plus fort (environ 1 °C tous les 10 ans) en hiver et au printemps et plus faible en automne ; il est plus fort à l’intérieur des terres du nord de l’Asie et du nord-ouest de l’Amérique du nord (McBean et al., 2005). Ces dernières, de même que la péninsule antarctique, ont été les zones du globe qui se sont le plus réchauffées au cours des dernières décennies (Turner et al., 2007). Les mers sub-polaires de l’Atlantique nord se sont peu réchauffées au cours de la même période, probablement à cause de leur forte connexion avec les eaux profondes et froides. Les températures de la couche supérieure de la troposphère et de la stratosphère de l’Arctique se sont refroidies au cours des dernières décennies, à cause de l’augmentation des gaz à effet de serre et de la diminution de l’ozone stratosphérique depuis 1979 (Weatherhead et al., 2005).

Les précipitations en Arctique ont augmenté au cours du siècle précédent bien que cette tendance soit limitée (environ 1% tous les dix ans), fortement variable dans l’espace et très incertaine à cause de défaillances du réseau de mesures pluviométriques (McBean et al., 2005) et de la difficulté d’obtenir des mesures exactes en matière de précipitations sous forme de pluie et de neige dans des régions polaires venteuses. Il n’y a aucune preuve d’une augmentation systématique du nombre de tempêtes violentes en Arctique (Atkinson, 2005) bien que la vulnérabilité des côtes face aux tempêtes s’amplifie avec le retrait de la glace.

[…] Des changements de végétation ont été rapportés, tout particulièrement la transition d’une végétation composée d’herbes à une végétation composée d’arbustes dans la partie nord-américaine de l’Arctique (Sturmet al., 2001) et ailleurs (Tape et al., 2006). L’imagerie satellite a indiqué une augmentation de l’Indice différentiel de végétation normalisé (NDVI, une mesure de la biomasse avec une activité photosynthétique) sur la majorité de la zone Arctique (Slayback et al., 2003). Phénomène en cohérence avec une période de pousse plus longue et des changements avérés de la variation saisonnière des concentrations en CO2 atmosphérique, comme le montre le Troisième Rapport d’Évaluation.

L’Arctique compte aujourd’hui environ 4 millions d’habitants (Bogoyavlenskiy et Siggner, 2004). La migration vers l’Arctique au cours du XXe siècle a provoqué un tel changement démographique que les peuples indigènes ne représentent désormais que 10% de la population totale. Cet afflux a apporté diverses formes de changements sociaux, culturels et économiques (Huntington, 1992; Nuttall, 2000b). Pour la plupart des pays arctiques, seulement une petite proportion de la population totale vit en Arctique et les colonies restent généralement dispersées (Bogoyavlenskiy et Siggner, 2004), mais les populations nomades restent importantes dans certains pays. En moyenne, cependant, deux tiers de la population Arctique vit dans des colonies de plus de 5.000 habitants. Dans la plupart des régions, les résidents indigènes ont été encouragés à devenir des résidents permanents à des endroits fixes, ce qui a eu un effet majoritairement négatif sur les activités de subsistance et sur certains aspects pour la santé de la communauté. Parallèlement, les résidents de l’Arctique ont connu une amélioration de leur accès à l’eau potable, aux carburants, aux équipements de santé publique et aux services et à de meilleures infrastructures de transport qui ont accru leur accès à de nombreuses articles tels que les denrées alimentaires issus des marchés extérieurs (Hild et Stordhal, 2004). En règle générale, l’Arctique a une population jeune et qui croît rapidement avec des taux de natalité plus élevés que les moyennes nationales et une espérance de vie en augmentation bien qu’inférieure à la moyenne nationale. Cela est particulièrement vrai pour les populations indigènes, bien que certaines exceptions existent, comme dans le nord de la Russie où la population et l’espérance de vie ont diminué depuis 1990 (Einarsson et al., 2004).

Les régimes politiques et administratifs dans les régions arctiques varient d’un pays à l’autre. Les groupes indigènes ont surtout différents niveaux d’autodétermination et d’autonomie. Certaines régions, comme le nord du Canada et le Groenland, ont aujourd’hui officialisé des colonies qui avaient des revendications sur leur territoire alors qu’en Eurasie, les revendications des indigènes n’ont que récemment commencé à être prises en compte (Freeman, 2000). Les régimes de gestion de la nature et le rôle des indigènes et des non-indigènes dans la gestion des ressources varient également en fonction des régions. De nos jours, les initiatives d’extraction des ressources à grande échelle et/ou les formes de soutien social jouent des rôles importants dans les économies de nombreuses communautés. Malgré ces changements, les aspects liés aux moyens de subsistance et d’existence pastoral demeurent essentiels.

Hormis sa population peu nombreuse et dispersée, l’Arctique est devenue de plus en plus importante dans la politique et l’économie mondiales. Par exemple, l’effet préjudiciable sur la santé des résidents arctiques de polluants produits dans d’autres parties du globe a conduit à l’élaboration d’accords internationaux tels que la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (Downey et Fenge, 2003). De plus, d’importantes ressources en pétrole, gaz et minéraux comme le diamant restent à exploiter dans les régions du cercle polaire, ce qui renforcera davantage encore l’importance de cette région du monde (cf. U.S. Geological Survey World Energy Assessment Team, 2000; Laherre, 2001).

Dans les écosystèmes arctiques, la capacité d’adaptation varie en fonction des groupes d’espèces, des plantes qui se reproduisent par clonage qui ont un potentiel d’adaptation relativement faible, à certains insectes (cf. Strathdee et al., 1993) qui peuvent adapter leur cycle de vie, en passant par les micro-organismes qui ont un fort potentiel d’adaptation grâce à un roulement rapide et à une dispersion à travers le monde entier. La capacité d’adaptation des actuels écosystèmes arctiques est faible parce qu’il est probable que leur étendue soit réduite de façon substantielle à cause de la compression par les grandes expansions de forêts vers le nord, la côte actuelle et les inondations à plus long terme des zones humides côtières du nord alors que le niveau de la mer monte et que l’habitat diminue à cause de la pression foncière. Tout comme par le passé, il est possible que la vulnérabilité générale au réchauffement et un manque de capacité d’adaptation de la part des espèces et des écosystèmes arctiques mènent à une migration plutôt qu’à une rapide adaptation aux nouveaux climats.

[…] Un changement de conditions de l’Arctique vers les zones sub-arctiques se prépare avec un mouvement vers le nord d’écosystèmes de haute mer qui étaient confinés auparavant dans le sud-est de la mer de Béring. Ainsi ces communautés composées d’organismes comme les oiseaux et les mammifères marins ont été remplacées par ces communautés dominées par des poissons pélagiques. Des modifications dans la composition de la glace composée d’eau de mer ont aussi affecté les récoltes vivrières et commerciales (Grebmeier et al., 2006).

Beaucoup de mers arctiques et subarctiques, comme certaines zones des mers de Béring et de Barents, figurent parmi les plus productives du monde (Sakshaug, 2003), elles produisent environ 7 millions de tonnes de poissons par an, engendrent environ 15 milliards de dollars de recettes (Vilhjálmsson et al., 2005), et emploient de 600.000 à un million de personnes (Agnarsson et Arnason, 2003).

De plus, les écosystèmes marins arctiques sont cruciaux pour les peuples indigènes et les communautés rurales qui ont des modes de vie traditionnels et de subsistance (Vilhjálmsson et al., 2005).

De récentes études montrent que le réchauffement de la surface de la mer dans le nord-est de l’Atlantique s’accompagne d’une augmentation du nombre de phytoplanctons les plus gros dans les régions plus froides et leur déclin dans les régions plus chaudes (Richardson et Schoeman, 2004). En outre, les cycles saisonniers des micro-organismes et des invertébrés marins et les différences dans la façon dont les membres des communautés pélagiques réagissent face au changement conduisent à des situations où espèces chassées et espèces prédatrices ne se côtoient plus. Par conséquent, il est possible que le réchauffement continu ait un impact sur la composition de cette communauté et sur le nombre de producteurs primaires et secondaires, en créant des tensions importantes sur les niveaux trophiques supérieurs. Cela aura des conséquences sur les espèces au poids économiques importants, d’abord les poissons, puis les prédateurs qui en dépendent comme les mammifères et les oiseaux marins (Edwards et Richardson, 2004).

GIEC – 2007

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