Municipales à Lille : l’Eglise de la Très Sainte Consommation prêche le rire et la provocation

Un collectif d’artistes et de proches de la décroissance présente à Lille une liste originale à l’humour provocateur : on peut rire aussi des élections municipales. Elle propose de rétablir la croissance en rasant des quartiers entiers pour y installer un aéroport, des golfs et des centres commerciaux. Son nom résume son ambition : l’Eglise de la Très Sainte Consommation.  Cette liste de  trublions interroge les citoyens sur leurs choix et leurs modes de vie. Rencontre avec Maxime Höm de Profy Junior, de son vrai nom Maxime Pourbaix, le jeune directeur de campagne de cette joyeuse équipe dynamique.

Qu’est-ce que l’Eglise de la Très Sainte Consommation ?

Lorsqu’il réalise un acte d’achat, chacun de nous adhère sans le savoir à l’Eglise de la Très Sainte Consommation. Elle regroupe donc près de 7 milliards de personnes dans le monde qui se prosternent chaque jour devant le dieu argent et qui espèrent trouver le bonheur dans la consommation.

Quel est votre programme ?

Nous voulons raser le quartier de Lille Sud afin d’y bâtir un aéroport, le second de Lille. Et remplacer le quartier de Fives par un golf 18 trous destinés aux riches. Nous déclarerons notre indépendance pour transformer Lille en une shoppingauté pour pouvoir dépenser librement son argent tout en abrogeant le code du travail et permettre à tous de travailler de 7 à 77 ans. Nous cherchons à créer un million d’emplois grâce au retour de la croissance par une ambitieuse politique de grands travaux. La croissance est la seule source de bonheur car elle crée de l’emploi et des revenus.

Mais derrière ce programme, quels messages souhaitez-vous faire passer ?

Nous voulons susciter la réflexion sur la propagande médiatique : les Français attendent le retour de la croissance mais sans savoir ni ce que c’est, ni ce que cela signifie. Cela entraîne une soumission au pouvoir de l’argent, et une démimssion par rapport aux conséquences pour l’environnement de choix de société comme le nucléaire, la construction de grands projets. Nous cherchons à mettre en lumière l’absurdité du discours politique dominant. Il ne laisse pas la place à l’imagination, il prôné l’obéissance, le travail et la consommation.

Pourquoi choisir de faire rire ?

Nous espérons créer une brèche grâce à l’humour. Le rire est une première étape pour se distancier de notre système et des choix qu’il propose enfin plutôt qu’il impose. L’humour met en lumière l’absurdité des propositions politiques actuelles et sert à activer l’esprit critique des citoyens. Notre but est de fournir une clef pour ouvrir une discussion et aller chercher des alternatives. Et nous pensons qu’une partie de la solution peut se trouver dans la décroissance.

D’où vient l’Eglise de la très sainte consommation ?

Difficile de retracer l’origine du concept, il vient, en France, des milieux proches de la décroissance, en particulier des casseurs de pub. A Lille, nous nous sommes inspirés de ce qui se faisait à Paris. Nous agissons depuis  7 ans dans le Nord.  Nous réalisons souvent des performances près des centres commerciaux comme Euralille. L’équipe est ensuite intervenue au festival d’Avignon, de Cannes ou encore d’Aurillac pour se produire dans du théâtre de rue. Nous sommes des artivistes, nous lions l’art au militantisme. [NDLR: ce mouvement trouve son origine dans le monde anglosaxon avec une figure du mouvement alternatif new-yorkais : Reverend Billy and the Church of Stop shopping]

Pourquoi présenter une liste aux municipales à Lille ?

Tout d’abord car nous sommes basés à Lille ! Nous avons déjà présenté un candidat qui avait obtenu 1,4 % des suffrages aux dernières législatives. Nous voulions prendre part à la farce électorale : après tout, les élections sont le théâtre le plus couru qui soit. Nous souhaitons apporter joie, imagination et fantaisie  à cette campagne. Et le faire de façon différente, car notre message politique est lié à la forme artistique.

Et plus sérieusement, à Lille, que pourrait-on faire aujourd’hui pour la ville ?

A l’heure actuelle, autour de Lille, deux friches industrielles doivent être réhabilitées. Et les seuls projets proposés sont des centres commerciaux. Par exemple celui du centre commercial millénium : 56 000m2 dédié au shopping dans un quartier défavorisé.  De quoi apporter de la frustration à ceux qui sont exclus de ce système. Plutôt que d’envisager de tels projets, pourquoi ne pas reconvertir ces friches en espaces verts, en potagers,  ou encore en des lieux à inventer pour recréer du lien entre habitants ?

Le clip de la liste Eglise de la Très Sainte Consommation

Propos recueillis par Julien Leprovost

4 commentaires

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    • RIVA Irène

    J’ai vu un commentaire effrayant sur les excès de consommation. Des fruits mangeables, des poissons à peu près frais, des légumes mangeables, tout cela est jeté à Rungis avec défense formelle d’y toucher. Même les SDF ! C’est une honte. La Commission Européenne qui a exigé le calibrage, la forme, la longueur etc des fruits et légumes ! C’est une honte, car tout ce qui n’y correspond pas est jeté honteusement.

    En Belgique, pareil, surtout de la part des Grandes Surfaces comme Carrefour qui s’incruste à tous nos carrefours….. je n’y mets plus les pieds car là, le poisson vendu n’est pas frais mais est vendu à des gens naïfs qui n’y connaissent rien…..

    Où en arrive-t-on ? Sans compter les déchets de plastique jetés dans la mer, partout et rendent inconsommables les poissons. Il y a un quota de pêche et donc, on rejette les poissons à la mer….

    Il y a de quoi avoir honte d’être un « être humain »…..

    • Estelle

    Excellentissime !! Plus vrai que nature, mais ils l’ont volé à qui cette campagne ??? C’est le produit pur de ce qu’on nous sert, l’emballage marketing en moins ! Résignez-vous ou REVEILLEZ-VOUS !!!

    • El Duderino

    Fantastique! A voir également absolument, le documentaire Growthbusters qui vous ouvrira les yeux, même si vous n’êtes pas particulièrement sensible aux thèses sur la décroissance.

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