L’exposition Migrations et climat combine une approche artistique et scientifique pour revenir sur l’histoire longue de ces deux phénomènes étroitement liés. Cette exposition trouve un équilibre entre les sculptures, les tableaux, les reportages, les installations grandeur nature ou encore les œuvres interactives. Ouverte jusqu’au 6 avril 2026, Migrations et climat se tient au Palais de la Porte Dorée. Cet espace culturel, habitué des expositions au cœur des questionnements contemporains, réunit à la fois le Musée national de l’histoire de l’immigration et un Aquarium tropical.
L’exposition se donne pour objectif de mettre en lumière les migrations climatiques, un phénomène encore trop peu connu du grand public. Aujourd’hui, les commissaires déplorent une méconnaissance générale du lien entre climat et migrations, malgré les rapports scientifiques sur le sujet. Alors, cette exposition a pour volonté d’utiliser l’art pour faire bouger les lignes collectivement.
Liés par un destin collectif

En arrivant, la visite commence avec une sculpture inuite, représentant une barque où humains, animaux et esprits voyagent ensemble. Nommée Shared Migration (migration partagée), l’œuvre incarnant le dieu scandinave Odin, donne le ton de l’exposition. Ici, la migration ne concerne pas que les autres, mais nous tous. Les déplacements de population ne commencent pas demain, elles existent déjà depuis des millénaires. Enfin, les visages de la sculpture rappellent que partir n’est pas toujours un choix.
Dans cette première partie intitulée Rien de nouveau sous le soleil, notre œil est également attiré par des toiles plus anciennes. Celles-ci présentent des mythes universels comme le déluge et l’arche de Noé. Ces peintures détonnent des autres œuvres plus récentes. L’art n’a pas attendu la crise climatique pour évoquer les catastrophes naturelles. L’exposition le rappelle par une sélection d’œuvres présentées aux visiteurs.
Un grand rouleau riche en couleurs fait face au visiteur qui entre dans la seconde salle. Long de plusieurs mètres et réalisé par une peintre bengalie, ce type de rouleau est utilisé par des conteurs, allant de village en village pour raconter des histoires. Il s’agit cette fois d’un événement contemporain, où l’on observe en dessin le séisme de 2004, suivi d’un tsunami qui a ravagé l’Indonésie.
Nature, vivant et migrations
Pour faire face aux différentes intempéries, certaines cultures ont tenté par tous les moyens d’écarter le mauvais sort. De nombreuses amulettes, portant parfois des incantations ou des symboles, sont exposées. En tentant de communiquer avec la nature, certaines sociétés cherchaient à chasser les tempêtes, quand d’autres appelaient la pluie.
L’exposition s’arrête aussi un temps pour rappeler que les humains ne sont pas les seuls à se déplacer/que la migration n’est pas le propre de l’humain : certaines espèces aussi embrassent les phénomènes migratoires chaque année. « Il est important de replacer l’humain parmi le vivant, et de rappeler que comme les animaux et les végétaux, l’humain est aussi sensible aux variations du climat », explique François Gemenne, conseiller scientifique de l’exposition et co-auteur du GIEC.
Ce nouveau regard, au plus près du vivant, nous est offert par des photographies aux paysages magnifiques et habitées par les animaux. C’est le cas de La migration des Caribous, capturée en Arctique. Ces photos montrent que lorsque le climat change, la plupart des animaux partent en quête de zones plus hospitalières.

En continuant l’avancée, un récif corallien en crochet occupe toute la pièce. Cette œuvre participative supervisée par une artiste australienne capte instantanément notre attention. Les coraux, eux, ne peuvent pas migrer, seules leurs larves peuvent partir à la recherche d’eaux moins chaudes. Montrer la beauté du corail sous forme textile permet d’alerter sur sa disparition.

Lorsque l’humain ne peut pas s’adapter, migrer devient alors une solution. C’est ce que les tableaux de Julie Polidoro, à la fois magnifiques, tragiques, et inspirés d’images réelles, souhaitent montrer.
Climat, facteur de migration direct ou indirect dans le monde

« Le changement climatique ne génère pas à lui seul des migrations, mais ses impacts ont des influences sur les facteurs politiques, culturels, économiques, démographiques, des migrations », insiste François Gemenne, entouré d’œuvres datant des siècles derniers. Au fond de la salle, un extrait du film Les Raisins de la colère, met en image la vie de ceux confrontés aux tempêtes de sable. D’autres événements historiques sont mis en lumière. En Irlande, dans les années 1840, le mildiou ravageant les cultures de pommes de terre avait poussé 1,5 millions de personnes sur le chemin de l’exil. Quant au portrait de Migrant Mother, datant de 1936, il s’intéresse aux Etats-Unis. D’impitoyables sécheresses s’étaient abattues sur le pays et ses terres agricoles, obligeant des milliers de familles à fuir.
Dans une grande pièce compartimentée, des exemples concrets de migrations actuelles des quatre coins du monde sont disposés. Le visiteur est invité à travers reportages, photos, maquettes, ou chants, à imaginer la vie des habitants, qui se posent ponctuellement la question fatidique : rester ou partir ? Les études de cas, en France, en Louisiane, au Soudan du Sud, au Mékong et en Arctique, mettent de côté notre imaginaire d’une migration du Sud vers le Nord. En effet, la majorité des migrations se font au sein du même pays.
Imaginer des solutions

En 2007, les artistes Lucy et Jorge Orta avait installé en Antarctique 50 tentes, parées de drapeaux et de vêtements du monde. La constitution de ce village fictif représente un modèle de coopération entre les nations, sur un continent à la gouvernance unique. En effet, ce désert de glace est dédié à la recherche et à la préservation de l’environnement, il s’agit également d’une région démilitarisée. Ce village incarne le monde utopique de ses créateurs, où celles et ceux contraints aux migrations climatiques seraient accueillis. Parmi ces tentes, 4 ont voyagé jusqu’au musée pour partager cet idéal.

L’étage se conclut par un bureau des passeports fictifs, sur pilotis. Ce choix s’explique par une moyenne de la montée des eaux en 2050, qui atteindrait 35 centimètres. Pour obtenir ce passeport mondial, les visiteurs sont invités à signer une charte reposant sur des valeurs environnementales et humaines. Un article sur le droit à la libre circulation figure à l’intérieur de ce document.

François Gemenne explique que, aujourd’hui, la France et l’Europe ne sont pas prêtes à intégrer plus de justice climatique dans leurs politiques migratoires. Il revient ainsi sur le rôle de l’exposition : « le sujet des migrations devient une sorte de marqueur idéologique et symbolique. Cette exposition essaye de préciser que ces migrations sont déjà une réalité, une stratégie d’adaptation, qui peut être organisée. C’est loin d’être un chaos migratoire. C’est une réalité protéiforme, qu’il est possible de faire évoluer, notamment à travers le débat public sur ces questions ».
Sous les océans

En descendant vers l’aquarium, le visiteur est plongé au cœur de l’océan au sens propre, avec des œuvres dédiées à l’espace maritime. Mais avant de continuer, une projection contemplative inspirée du mouvement des vagues nous hypnotise.
Nos modes de vie sont en interdépendance avec le vivant. Lorsque les poissons migrent et que la pêche industrielle ne laisse plus rien aux villages côtiers, ceux qui vivaient des ressources naturelles de la mer doivent migrer.

Deux photos, prises sous l’eau, nous questionnent. Des habitants des Îles du Pacifique sont en apnée, et regardent au loin. Le naufrage est-il inévitable pour certains ? Les petites îles, à quelques mètres seulement au-dessus du niveau de la mer, sont vulnérables à la montée des eaux.

L’exposition se termine par une projection immersive sur les migrations marines. Mais avant ça, un message d’espoir. Sur cette photo de l’artiste David Buckland, connu pour projeter des mots pour des créations éphémères, on peut lire : « Another world is possible » (Un autre monde est possible). Alors que l’Arctique est un des endroits les plus touchés par le dérèglement climatique, la photo évoque à la fois la fragilité des glaciers et un combat à mener pour les préserver.
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Infos pratiques :
Exposition Migrations et Climat (site Internet de l’expo), du 17 octobre 2025 au 5 avril 2026, au Palais de la Porte Dorée
Pour aller plus loin :
Dossier pédagogique de l’exposition
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