Energie: à Prague, l’UE cherche à sortir du piège de la désunion

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Infrastructures gazières à Lubmin, dans le nord-est de l'Allemagne, le 30 août 2022 © AFP/Archives Odd ANDERSEN

Prague (AFP) – Les dirigeants de l’Union européenne vont tenter de surmonter leurs divisions vendredi à Prague pour esquisser une réponse commune à la flambée des prix de l’énergie provoquée par la guerre en Ukraine.

Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept, qui se réuniront au château de la capitale tchèque, discuteront de nouvelles mesures proposées par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

La stratégie énergétique divise le couple franco-allemand et de vifs débats sont attendus au lendemain d’une journée plus consensuelle consacrée au lancement de la Communauté politique européenne.

L’économie du Vieux continent dépend totalement de ses importations d’hydrocarbures et souffre comme nulle autre des coupures de livraisons imposées par la Russie.

Mais elle peine à trouver une parade commune, tant les intérêts divergent entre les pays qui misent sur le nucléaire comme la France, ceux qui comptent sur le charbon comme l’Allemagne, ou ceux qui sont historiquement liés aux hydrocarbures russes en Europe centrale.

Tentation du cavalier seul

Frustrés par la lenteur européenne, les dirigeants des pays membres de l’UE risquent de céder à la tentation du cavalier seul.

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L’Allemagne a suscité un tollé en annonçant la semaine dernière un plan à 200 milliards d’euros pour protéger son économie. La France avait également réduit unilatéralement les prix des carburants à la pompe.

« Certains pays pensent qu’ils peuvent agir seuls, avec leur propre budget. Vous pouvez le faire pendant quelques mois. Ensuite, c’est une course à celui qui aura les poches les plus profondes. Mais, à un moment donné, même les poches les plus profondes ont leurs limites », a averti jeudi le chef du gouvernement belge Alexander De Croo.

Dans une lettre aux Vingt-Sept mercredi, Mme von der Leyen a accepté de « considérer un plafonnement des prix du gaz » payés aux pays exportateurs. Quinze Etats membres, dont la France, la réclament.

L’Allemagne traîne cependant les pieds sur ce mécanisme encore flou, estimant qu’il pourrait aggraver les difficultés d’approvisionnement. Il comporte des « risques significatifs », a estimé récemment l’Institut Bruegel, jugeant qu’il « pourrait faire monter la demande de gaz tout en minant la capacité de l’Europe à attirer les livraisons dont elle a tant besoin ».

Autre sujet d’affrontement: la réforme du marché européen de l’électricité qui pénalise les consommateurs avec des tarifs élevés, indexés sur ceux du gaz.

Mme von der Leyen a proposé mercredi de discuter d’un plafonnement temporaire des prix de gros du gaz utilisés pour produire l’électricité, une mesure qui serait un premier pas avant des mesures structurelles réclamées notamment par Paris.

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« Il faut que la discussion aboutisse à un message d’unité », a-t-on souligné à l’Elysée. Mais les résultats concrets devraient attendre quelques semaines.

 Camouflet de l’Opep

Les Européens doivent aussi composer avec les réticences de leurs fournisseurs.

Vingt-trois pays producteurs de pétrole, Arabie Saoudite en tête, ont annoncé mercredi une réduction drastique de leur production pour soutenir les prix, une aubaine pour Moscou et un camouflet aux Occidentaux.

L’affaire souligne la difficulté des acheteurs à imposer leurs prix aux fournisseurs, fussent-ils « amis ». Le ministre allemand de l’Economie Robert Habeck a d’ailleurs déploré mercredi les tarifs « astronomiques » réclamés pour leur gaz par des pays comme la Norvège ou les Etats-Unis.

L’UE, qui a décidé de cesser ses achats de pétrole russe par voie maritime à partir du 5 décembre, devrait aussi avoir les plus grandes difficultés à faire accepter aux pays tiers le plafonnement des prix du pétrole russe décidé avec le G7 pour sanctionner Moscou.

Mme von der Leyen propose par ailleurs de développer les achats communs de gaz, mais aussi d’aller au-delà des 20 milliards d’euros de subventions européennes déjà adoptées pour les infrastructures visant à s’affranchir de Moscou.

Il y a urgence. Depuis l’invasion de l’Ukraine en février, les prix de gros du gaz et de l’électricité ont été multipliés par 15 dans l’UE, selon Bruegel. Le patronat européen a averti fin septembre d’un risque « imminent » pour la survie de milliers d’entreprises.

Jusqu’ici, les Vingt-Sept se sont accordés pour prélever une partie des « superprofits » des producteurs d’énergie afin d’aider les consommateurs, ainsi que pour réduire ensemble leur consommation d’électricité et de gaz.

Les dirigeants européens doivent aussi réaffirmer vendredi la poursuite du soutien à l’Ukraine.

Le président français Emmanuel Macron a indiqué jeudi soir qu’il pourrait annoncer de nouvelles livraisons d’armes, en particulier de canons Caesar.

© AFP

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