La COP30, présentée comme la « COP de la vérité », s’est terminée samedi 22 novembre, sur un consensus modeste sur l’action climatique. Marta Torre-Schaub, directrice de recherche au CNRS, fait le point sur les principaux sujets abordés (ou pas) lors de cette COP pour en comprendre la déception suscitée par ces négociations. Dans un entretien avec GoodPlanet Mag’, Marta Torre-Schaub, qui est spécialiste en droit de l’environnement et changement climatique, revient sur l’état de la gouvernance climatique internationale et la déclaration finale de la COP30.
Que retenez-vous de cette COP30 ?
J’en retiens une forte mobilisation, notamment des populations autochtones et de la société civile en général, très présentes et actives. Le secteur de l’innovation technologique était aussi très représenté.
Mais, il y a eu des difficultés dès le départ. La première semaine, les négociateurs, surtout du côté européen et de certains pays engagés dans la réduction des émissions, ont vite compris qu’il y aurait peu d’avancées dans la décision finale. Les discussions sur la feuille de route pour sortir des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz), décidée lors des COP précédentes, ont été écartées faute de consensus. Cela a rendu la COP compliquée dès le début.
« Les discussions sur la feuille de route pour sortir des énergies fossiles, décidée lors des COP précédentes, ont été écartées faute de consensus. »
Un autre grand point était le financement. Les pays en développement ont exercé une forte pression pour rendre ce sujet prioritaire. Cette insistance a cependant rendu les négociations déséquilibrées, car il fallait aussi avancer sur d’autres points.
Cette COP au Brésil, présentée comme « la COP de la vérité », est jugée par de nombreux observateurs décevante. Partagez-vous ce constat ?
Oui, beaucoup considèrent que c’est décevant. On attendait une feuille de route claire pour la sortie des fossiles, comme cela avait été acté dans les COP précédentes. Or, ce sujet n’a pratiquement pas été discuté. La présidence a proposé un projet de décision en fin de COP, avec des mentions sur la transition, incluant des aspects sociaux tels que les droits humains… mais sans référence explicite à la sortie des fossiles. C’est un point essentiel qui a été laissé de côté, d’où cette impression de déception.
« On attendait une feuille de route claire pour la sortie des fossiles »
Est-ce que cette COP30 témoigne d’une rupture dans la gouvernance climatique internationale ?
Non, pas du tout. Elle s’inscrit dans le cadre habituel de la Convention-cadre des Nations Unies de 1992 et dans les mécanismes de l’Accord de Paris. Le multilatéralisme était bien présent, toutes les parties étaient là – sauf les États-Unis qui ont quitté l’accord. Certains pays ont présenté leurs contributions nationales déterminées, parfois elles se montrent ambitieuses, d’autres le sont moins, enfin certains États, comme l’Inde, ne l’ont pas fait.
« Ça avance lentement, nous ne sommes aujourd’hui pas là où nous devrions être, mais ce n’est pas une rupture ou un échec de gouvernance. »
Il y a des blocages et donc ça avance lentement, nous ne sommes aujourd’hui pas là où nous devrions être, mais ce n’est pas une rupture ou un échec de gouvernance. Certaines COP sont plus ambitieuses que d’autres. Or, en dépit des ambitions qu’elle affichait, la COP de Belém s’est révélée délicate car la situation géopolitique actuelle est particulièrement difficile.
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Dix ans après, l’Accord de Paris a-t-il encore un sens ? Et quelles en sont les limites ?
Oui, il conserve un sens. Maintenant, ses limites sont d’ailleurs établies : la difficulté de réunir autant de parties autour de décisions, qui parfois devraient être plus ambitieuses, et la réticence d’un certain nombre d’États.
Il subsiste dans les discussions deux points de blocage principaux. Le premier porte sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La question des ambitions de réduction avec des contributions nationales déterminées, que certains pays veulent garder volontaires et non obligatoires. Ce qui se répercute sur la feuille de route pour sortir des énergies fossiles, acter la fin du charbon, du pétrole et du gaz fait partie de ce blocage Afin de préserver leurs intérêts, certains pays refusent de s’engager dans ce domaine sur un calendrier précis.
« Beaucoup de pays vulnérables, qui subissent déjà les effets du réchauffement climatiques, insistent davantage sur le financement de l’adaptation que sur la réduction des émissions »
Le second point de blocage concerne l’adaptation. Car, beaucoup de pays vulnérables, qui subissent déjà les effets du réchauffement climatique, insistent davantage sur le financement de l’adaptation que sur la réduction des émissions.
Ces blocages ne sont pas contradictoires ou incompatibles. La feuille de route pour une sortie des énergies fossiles et le financement pour l’adaptation au changement climatique devraient tous deux être à l’ordre du jour.
Avez-vous relevé des progrès en matière de justice climatique ?
Il y a eu des tentatives. Par exemple, certains participants ont rappelé l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice en juillet, qui affirme que les obligations de l’Accord de Paris sont contraignantes : elles sont imposées aux États. En mettant la lumière sur cet avis, l’enjeu était de faire comprendre que les contributions nationales déterminées sont obligatoires. Toutefois, beaucoup d’États continuent de les considérer comme volontaires. Ce point spécifique aurait pu marquer un vrai progrès vis-à-vis de la justice climatique, malheureusement sa prise en compte n’a pas avancé comme espéré.
« L’enjeu était de faire comprendre que les contributions nationales déterminées sont obligatoires »
En revanche, la mobilisation des peuples autochtones et de la société civile a été forte. Ils ont mis la pression pour que la justice climatique et sociale, ainsi que la protection des terres et des forêts, soient prises en compte. La résolution finale mentionne la « transition juste » et fait référence aux peuples autochtones, même si cela reste limité.
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Justement, quels rôles ont joué les mobilisations des peuples autochtones au moment des négociations à Belém ?
Leur présence était importante, surtout parce que la COP se tenait en Amazonie. Ils ont rappelé l’urgence de protéger la forêt et leurs territoires. Leur mobilisation a été efficace dans l’espace public et médiatique.
« Leur mobilisation a été efficace dans l’espace public et médiatique. »
L’accès aux salles de négociation reste pourtant limité : seuls les représentants des États négocient, avec un mandat précis. Les peuples autochtones et la société civile peuvent se faire entendre, mais ils n’ont pas de rôle direct dans les discussions officielles.
Parmi les États, est-il possible de distinguer de bons et de mauvais élèves ?
Évidemment, il y a des bons et des mauvais élèves. L’objectif du rendez-vous de cette COP était de présenter de manière transparente les contributions nationales déterminées en amont. Certains pays l’ont fait sérieusement et dans les temps, d’autres pas du tout.
Où se situe l’Europe ?
L’Europe est globalement un bon élève. Elle prend au sérieux ses engagements, avec un Pacte vert et la loi climat, alignés sur l’Accord de Paris. Bien sûr, tous les pays européens ne sont pas au même niveau, une partie d’entre eux demeurent encore assez dépendants des énergies fossiles. Certes, les avancées pourraient être meilleures, mais comparée aux nations qui ne font rien, l’Europe est en avance.
« Certes, les avancées pourraient être encore meilleures, mais comparée à ceux qui ne font rien, l’Europe est en avance »
Quelles leçons faut-il retenir de Belém pour les prochaines COP ?
Il faudrait éviter que les COP deviennent des « coups de théâtre » où tout se joue à la dernière minute. Les négociations devraient être plus fluides, mieux préparées en amont par des groupes de pays, pour arriver avec des accords déjà clairs. Cela éviterait de prolonger les discussions et de finir avec des résolutions minimales et décevantes.
Avez-vous un dernier mot ?
J’espère que les États continueront à discuter sérieusement de la feuille de route pour sortir des énergies fossiles. Et aussi que les financements pour l’adaptation des pays vulnérables avanceront. En effet, il ne faudrait pas réduire les COP uniquement à une question de finances : les obligations de l’Accord de Paris doivent rester au cœur des discussions.
Propos recueillis par Violette Cadrieu
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