Avons-nous tous un écolo qui sommeille en nous ? Sommes-nous condamnés à regarder la planète brûler sans aucune solution ? À travers la série estivale L’Odyssée bas carbone, GoodPlanet Mag’ questionne les contradictions, les choix et les solutions apportées à la crise écologique. Des nouvelles manières de voyager, du sport à la mode en passant par ceux qui tentent de changer le monde du travail de l’intérieur sans oublier ceux qui sont écolos jusque dans la mort, L’Odyssée bas carbone explore les comment, individuellement ou collectivement, des personnes aux profils variés tentent de répondre à leur manière aux enjeux de l’époque.
En 2024, 1,4 milliard de personnes se sont rendues à l’étranger selon l’ONU Tourisme. Aujourd’hui, voyager semble normal, voire banal. Partir en voyage ou en vacances est une marque de réussite économique et sociale. Le tourisme représente désormais 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais si de plus en plus souvent, grâce à l’avion, le voyage s’imagine bref, le temps d’une semaine, et toujours plus loin, selon la dernière mode, d’autres manières d’envisager les vacances existent. Face à l’urgence climatique, avez-vous déjà pensé à voyager autrement ?

« La première chose qu’on vous demande quand vous prenez des congés, c’est ”où est-ce que vous allez ?” Et la première chose qu’on vous demande quand vous rentrez de congé, c’est ”où est-ce que vous êtes parti ?” ». Pour Rodolphe Christin, auteur de Peut-on voyager encore ?, le voyage est devenu conformiste. Le sociologue décrit une certaine valorisation du voyage, poussant certains à mettre en avant leurs derniers voyages sur leur CV. Le voyage devient alors « une logique d’inclusion parfaite ».
Mais de quel voyage est-il question ? Selon le Baromètre du tourisme mondial publié en mai 2025 par ONU Tourisme, plus de 300 millions de personnes sont parties à l’étranger de janvier à mars soit 5 % de plus qu’en 2024 sur la même période. Les Français et les Françaises connaissent aussi cet engouement pour les voyages. En 2022, ils étaient 82 % à partir en voyage au moins une nuit pour des motifs personnels selon le dernier baromètre de l’INSEE. Mais cette part des Français voyageurs change selon l’âge, la situation socioprofessionnelle ou encore les revenus. Toujours selon l’INSEE, les personnes voyagent moins à partir de 50 ans ou si leurs revenus sont modestes.
D’autres critères de départ en vacances selon le Baromètre annuel des vacances, réalisé par Ipsos sont : les risques liés à la situation géopolitique comme un conflit armé dans la région visitée (57 %), le coût de la vie sur place (33 %) ou encore le contexte politique (37 %). La question de l’impact environnemental du voyage arrive en dernier dans le classement des préoccupations principales prises en compte dans le choix de destination (18 %).
Le tourisme représentera 5,3 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030
Cette augmentation du voyage peut s’expliquer, en partie, par une offre très variée et une mise en avant de cette dernière, selon Rodolphe Christin. Le sociologue parle d’un « système touristique » accompagné par « une ingénierie appliquée aux territoires qui les rend de plus en plus attractifs et qui contribue d’une certaine manière à standardiser les lieux et qui les artificialise. Du coup, on a un peu ce sentiment de déjà vu qui se répartit sur la planète d’une part et les lieux sont à proprement parler altérés par ces phénomènes de mise en ordre touristique ». Face à cette artificialisation des lieux touristiques, Rodolphe Christin alerte sur une massification du tourisme.

Cette croissance du tourisme international, notamment depuis la crise du Covid 19, a un véritable impact sur l’environnement. L’activité touristique engendre une surconsommation des ressources naturelles, augmente la part de déchets et de pollution des eaux et des sols, détruit les écosystèmes ou encore accélère la disparition de la biodiversité. La plus célèbre plage thaïlandaise, Maya Bay, a dû fermer pour permettre aux récifs coralliens de se reformer.

Enfin, en 2024, le tourisme était responsable de 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon le ministère de la transition écologique. Il a été prouvé que la crise climatique affecte aussi en retour le tourisme, ce dernier devant s’adapter aux canicules et autres catastrophes naturelles. À l’inverse, quel rôle peuvent jouer les voyageurs sur la crise climatique ?
La solution du voyage bas carbone
La part des Français prévoyant de prendre l’avion est en augmentation passant de 25 % en 2024 à 34 % en 2025, un recul des préoccupations écologiques s’observe depuis deux ans selon le Baromètre des vacances d’été 2025 d’Europ Assistance et l’Ipsos. Dans le même temps, 84 % des Français affirment vouloir adopter un comportement responsable pendant leur voyage. Sur les réseaux sociaux, on observe de plus en plus d’influenceurs prônant le voyage bas carbone sans avion comme La bretonne en stop, Mathilde Odile ou encore le jeune engagé. Mais voyager sans avion nécessite de prendre son temps ou de ne pas partir loin.
« Il est extrêmement difficile aujourd’hui de faire un tour du monde sans avion. »
L’association On The Green Road, qui promeut le voyage bas carbone, ne milite toutefois pas pour l’arrêt total des vols commerciaux. Siméon Baldit de Barral, son président et cofondateur, explique ce choix par l’idée qu’il est « extrêmement difficile aujourd’hui de faire un tour du monde sans avion. C’est pourquoi on ne prône pas forcément le sans avion total, mais l’idée que l’avion doit être réservé pour quelques occasions dans sa vie. »

Avant de créer l’association On The Green Road, Siméon Baldit de Barral part faire le tour du monde à vélo avec son cousin. S’ils veulent à l’origine éviter de prendre l’avion, ils finissent par s’y résigner. « il y a certains océans ou certains pays qui ne peuvent pas être traversés sans avion ». Cette décision les a poussés à réfléchir à l’impact environnemental de leur voyage. « On est une génération qui n’est pas fière de prendre l’avion et qui se pose des questions lorsque ça arrive », continue le militant.
« Ne pas prendre l’avion pousse à nous re-questionner sur nos envies vraiment profondes »
Toujours sur la route, Juliette Hamon espère finir son tour du monde sans avoir recours aux oiseaux de métal, et ce peu importe le temps que ça prendra. Pour elle, choisir de ne pas prendre l’avion « pousse à nous re-questionner sur nos envies vraiment profondes et à refaire des voyages sur mesure qui nous correspondent plus. Jusqu’à présent, on ne se pose pas la question et on choisit la facilité. »
Ne pas prendre l’avion, c’est aussi le choix de Juliette Hamon qui s’est lancée dans un tour du monde en solitaire et en stop depuis 2023. La voyageuse de 26 ans connue sous le pseudonyme @labretonneenstop justifie sa décision par sa passion du voyage et son engagement écologique. « J’avais pendant longtemps une grosse dissonance cognitive sur le fait de ne plus prendre l’avion entre mon travail, mon mode de vie et ma volonté de voyager. Je me disais que si je faisais le choix de ne plus le prendre, ça voudrait dire que je ne peux plus voyager. »
Un voyage à impact positif
Prendre le temps de voyager de manière responsable, c’est aussi et surtout se reconnecter avec soi-même affirme Juliette Hamon. « J’ai l’impression que depuis que j’ai tout quitté pour faire ce tour du monde à pied et en stop, c’est comme si je m’étais réalignée avec mes valeurs ». Son approche rejoint celle de l’association On The Green Road qui milite pour un voyage à impact positif. Il repose, selon l’association, sur trois axes. Le premier est un impact personnel. En voyageant de manière éco-responsable « on découvre des capacités qu’on ne pensait pas avoir », soutient Siméon Baldit de Barral.

[À lire aussi Idée voyage : la Via Allier pour découvrir l’Auvergne à vélo ]
Cette volonté du voyage bas carbone s’accompagne du désir de conférer du sens au voyage, comme pour d’une part tenter d’y retrouver une signification initiale, telle une quête, d’autre part, de cesser de donner aux vacances un aspect de temps libre gratuit parfois égoïste. Peut-être une manière supplémentaire de se déculpabiliser ? Donner de l’importance à l’écologie dans son voyage permet d’être plus conscient du monde qui nous entoure. De la journaliste Marie Albert à Juliette Hamon en passant par Siméon Baldit de Barral, tous placent les rencontres au centre de leur expérience.

C’est cette envie de rencontres qui pousse Siméon Baldit de Barral et son cousin à choisir le vélo. « Moi, c’est ça que je voulais chercher, parce que j’aime bien cette intensité dans la rencontre ». Cette intensité dans la rencontre est le deuxième impact positif du voyage pour l’association On The Green Road. « Quand on arrive dans d’autres pays, en tant qu’occidentaux, on est un petit peu comme le colon qui ne s’en rend pas trop compte des autres cultures et qui met les pieds dans le plat. Quand on a un rapport plus équilibré, à travers plus de rencontres, c’est génial. En fait, ça crée un vrai rapport simple entre les gens », continue le président de l’association.
Réapprendre à voyager proche de chez soi
Mais pour voyager bas carbone, faire des rencontres marquantes et se retrouver soi-même, il n’est pas nécessaire de partir loin et longtemps. C’est ce qu’explique la journaliste Marie Albert qui, depuis cinq ans, fait par étapes de tour de la France par les frontières en randonnée.
« En France j’ai l’impression de faire des voyages de fous »
Après avoir choisi d’arrêter de prendre l’avion en 2016 et effectué un tour du monde en cargo, Marie Albert ne part plus qu’en France : « parce que je me suis rendu compte que si je veux aller loin, ça prend beaucoup de temps et d’argent. En France j’ai l’impression de faire des voyages de fous. Juste d’aller bivouaquer à côté de chez moi dans la forêt en Normandie, c’est beaucoup plus aventureux que d’aller à Shanghai, une semaine en avion. »

Montrer qu’il n’est pas nécessaire de partir loin pour vivre l’aventure est une des missions de l’association On The Green Road. Siméon Baldit de Barral explique qu’à travers ses activités l’association montre qu’ « en ayant une journée devant soi, on ne va pas partir à l’autre bout du monde, mais on peut quand même découvrir de nouvelles choses. »
« Bien souvent, on devrait se poser la question de savoir ce qu’on pourrait trouver ici plutôt que d’aller le chercher ailleurs.»
Cette idée de voyager proche de chez soi, Rodolphe Christin l’exprime dans son dernier livre Peut-on voyager encore ?. « Je pense que ce sont nos territoires de vie quotidienne qui, aujourd’hui, devraient être l’objet d’une attention renouvelée. L’amour des lieux qu’on va parfois chercher au loin devrait plutôt être intensifié dans nos vies ici. Je pense que c’est ça l’enjeu aujourd’hui, ce n’est plus s’éloigner, c’est au contraire se rapprocher des écosystèmes humains et non-humains, se rapprocher de nos semblables et de la nature. Bien souvent, on devrait se poser la question de savoir ce qu’on pourrait trouver ici plutôt que d’aller le chercher ailleurs», conclut le sociologue.
Si tout voyage, même bas carbone, crée un effet négatif sur l’environnement, le fait de ne pas prendre l’avion, de respecter les ressources naturelles et de ne pas faire des activités polluantes, amoindrissent les effets du voyage. Ces contraintes vers un impact positif valent le coup d’être vécues selon Siméon Baldit de Barral : « Il y a quelques contraintes, mais on gagne en liberté et en capacité de faire. J’aimerais bien qu’il y ait plus de gens qui ressentent tout ça. Parce qu’il y a beaucoup de personnes qui reviennent de voyages et qui disent, “c’est incroyable tout ce que j’ai vécu en trois jours à vélo, c’était mieux qu’un séjour à Rome, dans les circuits touristiques” ».
Vous venez de lire le premier épisode de la série L’Odyssée bas carbone.
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Pour aller plus loin
Oser partir seule ! Le guide pour les aventurières qui voyagent en solitaire par Juliette Hamon aux éditions Larousse.
Le guide de la rando solo par Marie Albert aux éditions Voyages Gallimard. À noter aussi chez la même autrice : La Puissance.
Les Facéties du stop par Siméon Baldit de Barral aux éditions Transboréal.
L’association On the Green Road promeut le voyage bas carbone à travers son école engagée Vaya Campus qui propose des cours du soir et/ou le week-end pour toute personne voulant apprendre à voyager autrement tout en créant un média (documentaire, podcast, écrit). Le site de l’association On The green Road qui propose également des voyages locaux.
mise à jour le 30/06/2025
2 commentaires
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André Krier
Je viens de finir l’article. Sur la forme il faudrait faire une relecture : on a l’impression que l’autrice a enregistré le texte sans relire ce que lui a proposé son smartphone.
Sur le fond, car c’est le plus important, je voudrais dire des choses sûrement un peu contradictoires. J’ai beaucoup voyagé en 67 ans d’existence. En résumé je peux dire que j’ai eu la chance d’avoir vu les 5 continents et en exagérant à peine que les voyages m’ont à un moment donné sauvé la vie. A tout le moins je ne serais pas le même sans les voyages.Depuis l’an 2000 je compense tous mes vols ( notamment avec Good Planet). Je ne prends pas l’avion en Europe. Et je ne fais qu’un vol par dessus les mers par an. Est-ce suffisant ? Sûrement pas.
Mais dois-je renoncer à rencontrer d’ autres belles cultures et beaux paysages quand d’autres font du sur tourisme, font du tourisme dans l’espace, n’ont pas d’état d’âme à consommer du voyage en jet privé ? Et vous dites quoi à tous ceux qui auront perdu leur emploi et tout ce que ça entraîne si on arrête l’avion , comme ça d’un seul coup ? Comment et où les jeunes du monde vont se rencontrer ?
Bien cordialement
André
André Krier
André Krier, comment faisait on avant l’avion ? C’est ça la question qu’il faut se poser. Il y avait pourtant des voyages et qui étaient de véritables aventures, pas des « circuits touristiques ». Lorsque l’on vit dans une époque où l’INSEE a évalué le revenu du français moyen à 800 €/mois (en incluant dans la moyenne les petits salariés, les non-salariés, les petites retraites à 600 €, les vrais agriculteurs à qui ils ne reste plus que 300 € une fois les frais payés, les intermittents du spectacle…ect…), on comprends que voyager ne serait-ce qu’une fois dans sa vie dans un pays étranger est déjà un privilège en soi. Ma mère est plus âgée que vous et elle n’a jamais pu voyager de toute sa vie en dehors de la France. Juste dites vous, que la grande majorité des gens traversent toute leur vie sans jamais quitter leur patelin.
Le premier avion à hydrogène a été inventé il y a peu et il est fonctionnel. Les Volocopters étaient une solution de voyage bas carbone et une très bonne alternative à l’avion. Malheureusement les lobbies s’en sont emparé très rapidement et en faisant exploser le prix de la course ils ont fait s’effondrer toute l’industrie (sans parler d’une campagne de dénigrement orchestrée par les intérêts pétroliers). Si les volocopters étaient restés accessibles aux clients modestes, aujourd’hui nous n’aurions plus besoin de l’avion.