Le coût du projet d’enfouissement des déchets radioactifs Cigéo revu en hausse, jusqu’à 37,5 milliards d’euros

Le laboratoire de recherche souterrain du site d'enfouissement de déchets nucléaires Cigéo à Bure dans la Meuse le 8 août 2024 © AFP/Archives Jean-Christophe VERHAEGEN

Le laboratoire de recherche souterrain du site d'enfouissement de déchets nucléaires Cigéo à Bure dans la Meuse le 8 août 2024 © AFP/Archives Jean-Christophe VERHAEGEN

Paris (AFP) – Le projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires les plus radioactifs à Bure (Meuse) pourrait coûter au total entre 26,1 et 37,5 milliards au lieu des 25 milliards jusqu’ici envisagés, selon la nouvelle évaluation de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) qui doit désormais être arbitrée par le gouvernement.

Lancé en 1991, le projet Cigéo, contesté par des écologistes et des associations locales, doit accueillir à 500 mètres sous terre des déchets des centrales nucléaires devant rester hautement radioactifs pendant plusieurs centaines de milliers d’années. Au total, 83.000 m3 sont attendus, dont la moitié ont déjà été produits.

La mise à jour de l’évaluation représente, selon les hypothèses, une hausse de 4,4% à 50% par rapport au coût arrêté en 2016 par la ministre de l’Ecologie et de l’Energie d’alors Ségolène Royal, soit 25 milliards d’euros aux conditions économiques de fin 2011.

[À lire aussi A 500 mètres sous terre pour préparer l’éventuel enfouissement des déchets radioactifs dans l’est de la France ]

« Il s’agit d’un coût globalement maîtrisé, très proche » du précédent chiffrage de l’Andra en 2014 soit 33,8 milliards, a assuré auprès de l’AFP, Gaëlle Saquet, directrice générale par intérim de l’établissement public qui pilote le projet.

En ajoutant l’inflation, la facture grimperait entre 32,8 et 45,3 milliards d’euros (+21% pour l’estimation maximale et +26% pour l’estimation minimale).

Le dernier mot reviendra au ministre de l’Energie qui devra fixer par arrêté d' »ici fin 2025″ le nouveau coût faisant référence jusqu’à réévaluation, après avoir recueilli l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) et les observations des principaux producteurs de déchets. En l’occurrence, EDF, Orano et le CEA qui financent le projet à travers des provisions selon le principe du « pollueur-payeur ».

L’Andra vise une décision d’autorisation vers fin 2027/début 2028 pour lancer le chantier.

Plusieurs inconnues

La descente progressive des « colis » de matières radioactives, dans près d’un millier d’alvéoles, est elle annoncée à partir de 2050, au lieu de l’échéance 2035-2040 initialement prévue.

Ce nouveau chiffrage couvre l’ensemble des coûts sur « une période de plus de 150 ans », de la construction (7,9 à 9,6 milliards d’euros) à la fermeture du stockage « à l’horizon 2170 », en passant par la maintenance, la sécurité, les assurances et les impôts et taxes.

Mais au regard de la complexité du projet, « on ne s’est pas arrêté à un seul chiffre », explique Gaëlle Saquet. « Inédit et sans comparable », le projet Cigéo prévoit un stockage dans une couche d’argile, contrairement à la Suède et la Finlande qui ont fait le choix d’un terrain granitique.

[À lire aussi Juliette Geoffroy du collectif contre l’en fouissement des déchets radioactifs : « notre priorité est ne pas laisser un stockage ingérable et incontrôlable » ]

Le chiffrage présente ainsi une configuration au stade de la demande d’autorisation (29,8 à 37,5 milliards) et trois autres configurations traduisant différents scénarios. Cela inclut notamment des incertitudes sur le niveau de fiscalité, pour un écart de plus ou moins 7,4 milliards d’euros sur la facture. A côté, l’Andra a identifié un potentiel d’économies jusqu’à 3,6 milliards d’euros grâce à des optimisations techniques. Par exemple, l’intégration de matériaux plus performants ou l’allongement d’alvéoles, ce qui réduit le nombre de galeries à construire.

En revanche, il a fallu intégrer de nouveaux coûts du fait d’études de conception plus longues que prévu et de retours d’expérience de grands projets souterrains tels que le métro du Grand Paris Express. S’ajoutent à cela des coûts de sécurisation du site d’environ 10 millions d’euros par an ou la réalisation de fouilles archéologiques.

Un ingénieur installe des capteurs de mesure dans une galerie située à 490 mètres de profondeur du projet d'enfouissement de déchets nucléaires Cigéo, à Bure dans la Meuse le 8 août 2024© AFP/Archives Jean-Christophe VERHAEGEN
Un ingénieur installe des capteurs de mesure dans une galerie située à 490 mètres de profondeur du projet d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo, à Bure dans la Meuse le 8 août 2024
© AFP/Archives Jean-Christophe VERHAEGEN

Le coût du projet couvre le stockage des déchets déjà produits ou futurs des installations nucléaires existantes ou déjà autorisées à fin 2016 qui constituent « l’inventaire de référence ». Mais pas ceux des 6 futurs réacteurs EPR2 annoncés en 2022 par Emmanuel Macron, qui ne sont pas encore autorisés, indique l’Andra.

Toutefois, « au titre de l’adaptabilité », l’Andra a étudié cette hypothèse qui représenterait une augmentation de 5% du volume des déchets dits « à vie longue » et de 20% des déchets dits « à haute activité » par rapport au total prévu pour Cigéo. Ceux-ci « seront intégrés dans l’inventaire de réserve » et « la faisabilité de leur prise en charge (…) regardée pendant l’instruction ».

Si la relance du nucléaire va au-delà, avec les huit EPR2 additionnels évoqués par Emmanuel Macron ou de petits réacteurs (SMR), d’autres études seront nécessaires, et « si on rajoute des déchets, forcément le coût augmentera », indique l’Andra.

© AFP

À lire aussi sur GoodPlanet Mag’

Déchets nucléaires : la « bataille » des expropriations s’engage à Bure

Déchets nucléaires: les Sages valident le projet d’enfouissement tout en consacrant le droit des générations futures

2 commentaires

Ecrire un commentaire

    • Matthias Heilweck

    Ces coûts vont doubler ou tripler en y intégrant rien qu’un seul gardien H24 pendant des centaines de milliers d’années. Qui peut prétendre pouvoir maîtriser ce risque mortel pendant un espace temps équivalent à celui écoulé depuis l’apparition d’homo sapiens sur terre ? Les promoteurs de cette industrie mortifère méritent d’être enfermés dans des cellules capitonnées. Les enfants de vos petits-enfants vous maudiront.

    • Serge Rochain

    Tous ce qui touche au nucléaire de près ou de loin connait une inflation des coûts et des délais de construction exponentiels. Et le mensonge continue…