Paris (AFP) – Les interconnexions des réseaux électriques, clé de voute du système européen conçus pour améliorer la sécurité d’approvisionnement, ont permis de contenir la panne géante dans la « péninsule électrique » ibérique, située à l’extrémité de l’Europe.
« Les réseaux sont interconnectés », ce qui « permet de gérer les exportations et les importations d’électricité, améliorant ainsi la fiabilité de l’approvisionnement », explique Onyema Nduka, maître de conférences en durabilité énergétique à l’université Royal Holloway de Londres.
Toutefois, ajoute-t-il, « si les pannes d’électricité sont rares dans les pays européens, elles sont possibles, comme l’ont montré les événements au Portugal et en Espagne. »
Pour éviter cela, « des redondances sont intégrées au système, comme la multiplication des points d’alimentation, des générateurs de secours répartis à différents endroits, des fils/câbles interconnectés, etc. »
L’Europe dispose d' »un des plus grands réseaux électriques synchrones au monde, alimentant plus de 400 millions de clients dans 32 pays, dont la majeure partie de l’Union européenne », complète Grazia Todeschini, maîtresse de conférences en ingénierie au King’s College de Londres.
« Cela permet les échanges d’électricité entre les pays, mais dans des situations très particulières et extrêmes, cela peut entraîner une propagation des pannes entre différents pays », ajoute-t-elle.
C’est ce qui s’est produit lundi, la panne générale en Espagne ayant également touché son voisin portugais.
La péninsule ibérique, située à l’extrémité du réseau électrique européen, est de par sa géographie une « péninsule électrique ». La frontière pyrénéenne avec la France permet des échanges pour une capacité de 2,8 GW depuis 2015, qui sera portée à 5 GW à horizon 2028. L’Espagne est par ailleurs interconnectée avec le Maroc via une ligne de 700 MW.
La stabilité des réseaux électriques « est liée à un équilibre très étroit entre la production et la demande d’électricité », poursuit Grazia Todeschini. « Certaines mesures existent pour limiter l’impact des pannes à de petites zones, mais lorsque le déséquilibre électrique est trop important, ces pannes peuvent se propager très rapidement et très loin. »
Événement « rarissime »
Or, souligne le gestionnaire du réseau français à haute tension RTE, l’Espagne a connu une perte de production de 15GW en quelques secondes, conduisant à une coupure générale.
RTE s’est immédiatement mobilisé pour venir en aide à l’Espagne via les interconnexions entre les deux pays. Il a pu injecter progressivement jusqu’à 2 GW dans le réseau espagnol, en fonction des demandes du gestionnaire local.
Pour faire face à de telles situations, RTE explique que des protocoles sont prévus, avec « plusieurs +barrières de défense+ manuelles et automatiques », mises en œuvre « pour traiter l’ensemble des situations possibles : de la limitation de la propagation d’un incident, jusqu’à la réalimentation de la consommation en cas de black-out. »
Lundi, RTE a ainsi activé des mécanismes de sécurité automatisés qui ont coupé les interconnexions, isolant la péninsule ibérique et empêchant l’instabilité de se propager à l’Europe centrale, souligne Rystad Energy, société spécialisée dans la recherche énergétique.
« Le rôle de la France dans la crise a été crucial », poursuit-il. « La chute soudaine de la demande ibérique a contraint le pays à réduire temporairement sa production et à réacheminer ses flux d’énergie », en arrêtant la centrale nucléaire de Golfech, dans le Sud-Ouest.
Une fois la stabilité partiellement rétablie en Espagne, la France a repris des exportations limitées pour contribuer à la reprise, souligne RTE.
Lundi, le réseau ibérique a été automatiquement déconnecté du réseau européen de 12H38 à 13H30 (10H38 à 11H30 GMT), heure à laquelle la ligne électrique entre la France et l’Espagne a été remise en service, indique RTE.
Le réseau a ensuite mis plusieurs heures à être été complètement rétabli, par zones successives, en Espagne et au Portugal.
« Ce qui est certain, c’est que la coopération et les interconnexions entre la France et l’Allemagne et entre RTE (…) ont permis, ont facilité, par la coopération, la reprise plus rapide de la consommation électrique en Espagne », s’est félicité mardi Marc Ferracci, le ministre français de l’Energie, sur la radio RTL.
© AFP
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2 commentaires
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Serge Rochain
Non pas vraiment puisqu’on s’empresse de s’isoler du pestiféré victime d’un crash de son réseau pour éviter l’effet domino. Et on reconnecte la liaison transfrontiere quand il a réussi à relancer son réseau et à le stabiliser.
C’est ce qui s’est passé avec les quelques lignes de faible puissance que nous avons avec l’Espagne. En fait ces liaisons ne sont là que pour permettre l’import/export quand tout va bien. Lequel import export n’est possible que grace aux renouvelables variables, seuls capables de réagir en puissance et délai avec le caractère ératique de ces échanges internationaux. Par exemple aujourd’hui même RTE a b bin prévu avec nos voisins de voir les exportations depuis la France chuter drastiquement de 5 GW (équivalent de la production de 6 réacteurs nucléaires de 900 MW de puissance) en moins de 15 minutes. Afin de garder l’équilibre production/consommation, que croyez vous que va faire RTE ?
Eh bien, RTE va simplement déconnecter autant de parcs solaire que nécessaire pour injecter 5 GW de puissance en moins dans le réseau, et le tour sera joué !
Mais comme sur le coup de 16 heures, le Soleil commencera serieusement à décliner chez nos voisins plus à l’Est comme l’Allemagne, ils auront alors besoin d’importer quelque 4 à 5 GW de puissance, que croyez vous que va faire RTE ?
Eh bien, RTE va reconnecter les parcs qu’il avait déconnecté à midi et les exportations vont repartir…. Et pendant ce temps, qu’aura fait notre si glorueux nucléaire ? RIEN du tout ! Il n’aura participé en rien à :
1) cette exportation
2) l’opération de suivie de charge qu’elle impose
Et Pourquoi ? Eh bien parce qu’il aurait été d’une part bien en peine de fournir, d’arréter de fournir, et de recommencer à fournir des puissances de l’odre de 5 GW avec une réactivité imposée en quelques minutes seulement !
LE RENOUVELABLE VARIABLE EST BIEN PLUS PILOTABLE QUE LE NUCLEAIRE QUI NE CESSE DE SE VANTER DE CETTE QUALITE DONT IL EST PRESQUE TOTALEMENT DEPOURVU !
Seuls les faits comptent par les réputations qui sont usurpées.
Serge Rochain
Jean-Pierre Bardinet
La brutale perte de producton en Espagne n’aurait-elle pas pour cause un manque de vent, donc une chute rapide de la production de l’éolien?