Dix ans après, le souvenir de Rémi Fraisse reste prégnant chez les écologistes

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Un rassemblement d'hommage au jeune militant écologiste français Rémi Fraisse, le 26 octobre 2016 à Toulouse © AFP/Archives ERIC CABANIS

Toulouse (AFP) – Dix ans après, le souvenir de Rémi Fraisse -tué par un tir de grenade d’un gendarme lors d’une manifestation contre un barrage dans le Tarn- reste vivace chez d’autres écologistes qui comme lui s’opposent à des « projets inutiles », à l’instar de l’autoroute Toulouse-Castres.

Le 26 octobre 2014, lors de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre sur le chantier du barrage de Sivens, l’explosion d’une grenade « offensive » tue ce botaniste de 21 ans. Quelques jours après, le gouvernement suspend l’utilisation de ce type de grenade, puis l’interdit en 2017.

Selon son père, Jean-Pierre Fraisse, Rémi ne faisait pas partie des radicaux du mouvement: « Il y est allé à mains nues, apparemment, au milieu de tout ça, alors que les gens sont normalement casqués (…) même les manifestants ».

Depuis le 1er septembre 2014, début du défrichement du site, les opposants tentaient d’empêcher la destruction de 13 hectares de zones humides. Pour eux, les besoins en irrigation étaient surévalués et le barrage allait bénéficier à peu d’agriculteurs.

Des experts mandatés par le gouvernement avaient également jugé surdimensionné ce projet qui sera finalement abandonné.

Alors que l’auteur du tir, un gendarme d’une trentaine d’années, bénéficie en 2018 d’un non-lieu, confirmé en appel, la justice administrative reconnaît en 2021 la « responsabilité sans faute » de l’Etat, condamné à verser 46.400 euros à la famille Fraisse.

Emblématique

La mort de Rémi Fraisse, intervenue 37 ans après celle de Vital Michalon, tué par un tir de grenade d’un policier lors d’une manifestation antinucléaire, marquera durablement les esprits des militants opposés à d’autres « projets inutiles ».

La secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, a ainsi tenu à saluer la mémoire du jeune militant, lors d’un meeting de campagne pour les européennes du 9 juin à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).

En Occitanie, le dixième anniversaire de cette mort emblématique donnera lieu samedi à des rassemblements à la forêt de Sivens, à l’appel du collectif Sivens 10 ans, ou à Foix, à l’appel des Faucheurs volontaires et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ariégeoise.

Dans le droit fil de la mobilisation de 2014, ces organisations saluent la présence, « non loin de Sivens », d’une « résistance contre la construction de l’A69 » entre Toulouse et Castres.

Et des militants anti-A69 voient aussi un lien fort entre les deux mobilisations.

« Rémi Fraisse restera toujours dans ma tête. Même les camarades qui n’ont pas connu cette lutte ressentent la même chose que moi », assure Nanoux, 40 ans. Présent à Sivens en 2014, il campera en haut d’un arbre de l’ultime Zone à défendre (ZAD) sur le tracé de l’A69, en septembre dernier, à Verfeil, en Haute-Garonne, finalement démantelée début octobre.

Sivens, « c’est un repère important », abonde Reva Viard Seifert, 37 ans, qui confie avoir vécu dans la crainte d’un accident comparable pendant les 39 jours où il est resté perché en février-mars dans un arbre d’une autre ZAD anti-A69, dans le Tarn.

 Déontologie

Pour Gaël, la trentaine, « la mort de Rémi Fraisse était un peu omniprésente dans nos mémoires à chaque fois qu’il y avait des violences policières contre nous ».

« On n’est pas à l’abri de nouveaux morts, y compris chez les forces de l’ordre (…) Elles se mettent même en danger sur des choses qu’elles ne maîtrisent pas », fustige de son côté Jean-François Mignard, de la LDH Toulouse, qui souligne que des militants anti-A69 ont été blessés.

Un point de vue radicalement différent de celui des gendarmes ayant démantelé la ZAD de Verfeil.

Le colonel Stéphane Dallongeville, chef des opérations, s’est félicité d’avoir pu « faire descendre les écureuils en sécurité ».

« Nos deux maîtres-mots pour l’intervention, c’est sécurité et déontologie. On veut absolument éviter toute blessure » parmi les opposants comme parmi les forces de l’ordre, a expliqué le lieutenant-colonel Thibault Llosa.

« Et également la déontologie », a-t-il insisté: « on ne se permet pas de juger leur lutte, on ne se permet pas d’avoir des comportements inadaptés à leur égard, on est vraiment dans le dialogue et on essaye de maintenir ce dialogue afin que la sécurité et la communication prévalent ».

© AFP

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    • Quidamus

    Le lieutenant-colonel Thibault Llosa dit : « on ne se permet pas de juger leur lutte ». Mais à partie du moment où des forces de l’ordre acceptent d’intervenir pour défendre un projet illégal et immoral, ils ont pris parti. Parce qu’ils auraient pu utiliser leur « refus d’exercer », comme ils l’ont fait pendant le COVID19 lorsqu’on leur demandait de vérifier que les passant portaient des masques alors qu’eux-mêmes n’y avaient pas droit. Lorsqu’on demande à des forces de l’ordre d’effectuer une démarche jugée illégale ou immoral ils peuvent et ont le devoir de refuser.