Sciences du climat : le déni ne faiblit pas

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Fumées des usines de traitement de minerais dans la ville de Norilsk, Krai de Krasnoïarsk, Russie (69°19'18.68" N, 88°15'27.43" E). ©Yann Arthus-Bertrand

« Le climatoscepticisme stagne plus qu’il ne régresse », constate la dernière étude de l’Observatoire international Climat et Opinions Publiques (Obs’COP) présentée par EDF en novembre 2023. Plus d’un tiers de la population mondiale attribue le changement climatique à un phénomène naturel voire nie son existence. La France ne fait pas exception puisqu’une partie non-négligeable de la population est climatosceptique, d’après un baromètre de l’ADEME de 2023 sur les représentations climatiques des Français. Malgré une exposition croissante à des évènements extrêmes, les sciences du climat semblent encore avoir du mal à se faire entendre.

Un climatoscepticisme paradoxal

En 2023, 28 % des Français sondés par l’ADEME pensent que le dérèglement climatique est un phénomène naturel propre à la Terre et 3 % nient sa réalité. Au niveau mondial, 36 % de la population est climatosceptique.

Pourtant, dans le même temps, jusqu’à 61 % de la population mondiale affirme avoir ressenti les conséquences du changement climatique dans sa région. Il a été observé que plus des évènements extrêmes s’accumulent, plus ce constat augmente.

C’est d’ailleurs le seul « acquis » que présente l’étude de l’Obs’COP : ces catastrophes naturelles sont largement attribuées au dérèglement du climat (85 %).

La majorité de la population affirme ainsi déjà ressentir les conséquences de la crise climatique mais 40 % reste encore partagé sur les effets à venir. Globalement, ce relativisme est plus marqué dans les pays du Nord comme l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Australie. Ce dernier fait partie des trois pays les plus climatosceptiques avec les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite. Les trois pays dit les plus climatoconvaincus sont la Corée du Sud, le Mexique et la Colombie.

Cependant, aucun lien n’a été établi entre le taux de climatoscepticisme et les deux sources d’appréhension que sont donc la vulnérabilité du pays et le nombre de catastrophes subies. Le rapport s’étonne même du déni climatique important dans certains pays très vulnérables comme l’Inde, le Nigéria ou l’Afrique du Sud. Cette réfutation du changement climatique au sein de leurs opinions publiques contraste avec les demandes de compensation financières de ces gouvernements auprès des pays développés responsables des émissions de gaz à effet de serre.

Le changement climatique et ses impacts inquiètent. L’inquiétude s’avère plus forte dans les pays vulnérables que dans des pays jugés résilients (d’après l’indice IRC). L’angoisse climatique se concentre en Asie où elle concerne une personne sur deux.

Toutefois, une forte inquiétude ne s’apparente pas à une forte priorité. En France, le climat est la 3e priorité des citoyens derrière le pouvoir d’achat et l’immigration.

« Le climat a toujours changé », un raccourci simple opposé à une vérité complexe

La parole climatosceptique se répand car il est plus facile de croire un mensonge simple qu’une vérité complexe. Encore 27 % des Français pensaient en 2022 que le changement climatique ne faisait pas l’objet d’un consensus et que le débat restait ouvert, d’après l’ADEME. Or, le changement climatique n’est plus un sujet d’étude réfutable mais bien une certitude dont la population mondiale subit déjà les effets.

Malgré le consensus scientifique, des personnalités continuent de contester la réalité du changement climatique. C’est ainsi que la fameuse formule « le climat a toujours changé » est brandie lors de débats face à des scientifiques ou des militants écologistes qui peinent à faire comprendre l’irrecevabilité de cet argument. Car il ne peut pas être nié : le climat a effectivement changé, à plusieurs reprises, sans que l’espèce humaine y soit pour quelque chose. Le manque de pertinence de cette affirmation réside dans la nuance majeure qu’il faut lui apporter : les changements climatiques en cours se produisent à une vitesse fulgurante jamais observée auparavant qui ne peut être attribuée qu’aux activités humaines.

Le flambage atmosphérique actuel s’observe notamment par des relevés de températures records et des événements extrêmes plus fréquents. Ces phénomènes sont liés à la vitesse de croissance inédite des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone (CO2). Son évolution est retracée notamment grâce à l’étude des bulles d’air présentes dans les carottes de glace prélevées aux pôles. La concentration de CO2 est mesurée en Partie Par Million (ppm) correspondant au nombre de molécules de polluants présentes dans un million de molécules d’air. C’est un gaz naturellement présent dans l’atmosphère mais qui est aussi émis par la combustion des énergies fossiles que sont le charbon et le pétrole

L’étude des mesures de gaz à effet de serre entre l’ère préindustrielle et aujourd’hui incrimine sans erreurs possibles les activités humaines qui ont explosé la fenêtre de variation habituelle du CO2 entre période glaciaire et interglaciaire.

Si l’on se réfère au passé, on retrouve un taux de 400 ppm de CO2 il y a 3 millions d’années, ce qui se rapproche du taux actuel de 420 ppm. Mais la situation contemporaine est loin d’être comparable car cette concentration de carbone atmosphérique a été atteinte sur plusieurs milliers d’années, permettant de respecter un équilibre.

Affirmer que « le climat a toujours changé » sert d’argument fallacieux pour masquer la gravité de la situation et refuser d’agir.

Invoquer la récurrence naturelle semble alors moins servir d’argument d’autorité, puisqu’incorrect, que de prétexte pour justifier un désengagement collectif plus confortable car exempt de toute remise en question.

Louise Chevallier

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8 commentaires

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    • Serge Rochain

    Un ensemble de pliusieurs centaines d’études exploitant différents types de carotages montre deux choses distinctes
    La premiere constatation montre que le taux de CO2 est corrélé à la température, avec un retard de la variation de température sur la variation du taux de CO2 ce qui implique que le taux de CO2 est la cause et la température, l’effet.
    La seconde constatation est qu’une variation en plus ou en moins de 100 PPM de CO2 se produit de façon naturelle entre 300 000 ans et 600 000 ans mais que nous avons observé une augmentation de 100 PPM durant les 60 dernieres années, c’est à dire depuis le début des années 1960.
    Ref : histoires solaires et climatiques de Nesme-Ribes et Thuillier chez Belin
    Serge Rochain

    • Stéphane LAGASSE

    Ce décalage m’obsède. Je constate qu’il y a une confusion entre science et technologie, comme il y a confusion entre spiritualité et religion.
    Ceux qui ont refusé le plus les alertes des scientifiques depuis plus de trente ans sont les mêmes qui disent que la science va nous sauver. De même ces jours-ci : comment traduit-on Gott mit uns en hébreu ?

    • Peter

    Une quantité de gens hallucinante dans les pays occidentaux (je dirais surtout en France et dans les Etats-Unis) qui a chaque fois se contredisent les avis des experts de chaque sujet (climat, covid, défense). Tres inquiétant, voire dangeureux.

    • JFD

    Article réducteur ! Je ne dis pas que les climato-sceptiques ont raison mais il faut tout de même mentionner qu’ils sont divers et que parmi eux figurent des climatologues réputés, américains notamment (parce qu’en France, pour faire carrière dans la recherche dans le domaine de la climatologie, il ne faut surtout pas risquer d’être taxé de « climato-sceptique!).
    De plus l’auteur confond le fait et son explication. Le fait semble bien établi : la Terre se réchauffe. Est-ce à cause des émissions de CO2 d’origine anthropiques? C’est cela qui est discuté et qui d’ailleurs est discutable. Par exemple alors que le CO2 est un gaz bien mélangé, son effet devrait se faire ressentir partout de la même façon. Or ce n’est pas le cas : il y a de très grande différence dont il faut rendre compte. Ce que l’on sait faire par exemple pour l’arctique. Mais d’autres restent inexpliquée. La corrélation entre la courbe d’augmentation des GES anthropiques et celle des température est loin d’être parfaite. Et à y regarder de près, certains estiment que l’augmentation de T semble précéder celle de CO2. Il faut en rendre compte, etc. C’est par ce travail qui consiste à surmonter des objections de détails de ce type face à des mesures récalcitrantes ou des faits imprévus que fonctionne la recherche et que l’explication s’affermit avec les progrès dans la connaissance qui en résulte. Mais elle peut aussi être abandonnée lorsque les objections deviennent de plus en plus difficiles à surmonter par des constructions de plus en plus ad hoc et/ou que les rapports de force au sein des institutions scientifiques changent soit pour des motifs rationnels soit pour tout autre raison circonstancielle (départ à la retraite des mandarins au pouvoir dans les institutions scientifiques et renversement des rapports de forces en leur sein, changements dans l’opinion, etc. )

    • florian tardy

    article édifiant et réaliste. pragmatique comme d’hab .#fullsupport Y.A.B

    • RK

    Sur le titre : « Le climat a toujours changé », un raccourci simple opposé à une vérité complexe ». Il faut être prudent dans notre interprétation car de nombreux autres facteurs entrent en jeu. Je dirais plutôt « une vérité complexe face à un raccourci simple. » En tant que scientifique, j’en déduis qu’il faut être prudent quant aux « raccourcis » quels qu’ils soient et qu’un vrai débat serait nécessaire entre le GIEC et les 1500 climatologues de la Climat intelligence Foundation et de Richard Lindzen du MIT qui remettent en question certains raisonnements. On en a besoin pour se faire une opinion, car la science c’est aussi de douter, n’est ce pas ?

    • Jean-Pierre Bardinet

    « Aujourd’hui elle incrimine sans erreurs possibles les activités humaines qui ont explosé la fenêtre de variation habituelle du CO2 ». Ceci est du domaine du subjectif. Soit il y a une preuve scientifique validée par les observations, soit il n’y en a aucune. Et, en ce qui concerne l’action réchauffante supposée du CO2 anthropique sur les températures, il n’y en a aucune.

    • Jean-Pierre Bardinet

    Parler de dérèglement climatique signifierait qu’il y aurait un « bon climat de référence » qui aurait perdu la boule, ce qui est absurde. Mais c’est très pratique, car cela permet de clamer que tout événement climatique plus ou moins intense, plus ou moins dévastateur, serait dû à un réchauffement-dérèglement. Quant à parler de réchauffement climatique, c’est dangereux car il suffit de consulter les observations Hadcrut et UAH pour se rendre compte qu’il y a certes eu un petit réchauffement d’environ 1°C en 140 ans, mais qu’il a quasiment cessé depuis plus de 20 ans –(mis à part un pic de température de 1°C environ depuis mi-2023, sans doute causé par l’émission considérable de vapeur d’eau par le volcan Hunga Tonga)