Dans le grenier à céréales du Maroc, la sécheresse compromet la saison agricole

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Un agriculteur inspecte son champ de céréales touché par la sécheresse, le 7 février 2024 à Berrechid, dans la province historiquement riche en blé, au sud-est de Casablanca, au Maroc © AFP FADEL SENNA

Berrechid (Maroc) (AFP) – « La récolte est déjà perdue ». Abderrahim Mohafid a très peu d’espoir de sauver sa production de blé cette année, en raison de la rareté des pluies qui précipite le Maroc dans sa sixième année consécutive de sécheresse.

Sur la route menant à son hameau dans la province de Berrechid, au sud-est de Casablanca, les vastes champs sont anormalement nus.

Dans cette zone agricole réputée pour être le grenier céréalier du pays, « le blé devrait déjà être à 60 centimètres » à cette période, note amèrement M. Mohafid, 54 ans, en arpentant ses 20 hectares où presque rien n’a poussé.

A quelques kilomètres de son hameau de Oulad Mbarek, Hamid Najem est dans la même situation. Ses 52 hectares de blé tendre et d’orge « ne sont plus bons à rien ».

« Nous n’avons jamais connu une année aussi dure », s’alarme ce quinquagénaire.

Plus de 88% des 155.000 hectares de la surface agricole de cette province ne sont pas irrigués et la majorité des agriculteurs y dépendent donc de la pluie, selon le ministère de l’Agriculture.

Mais le royaume enregistre depuis début janvier une pluviométrie en baisse de 44% par rapport à début 2023, avec en parallèle une hausse moyenne des températures de 1,8 degré par rapport à la période de 1981-2010, a indiqué récemment le ministre de l’Eau, Nizar Baraka.

Les barrages sont remplis à seulement 23%, contre environ 32% l’année dernière, et face aux risques de pénurie, les autorités marocaines ont restreint ces dernières semaines l’ouverture des hammams et des stations de lavage automobile dans plusieurs villes, ou interdit l’arrosage des golfs et jardins à l’eau potable.

« Impact grave sur l’économie »

Cette sixième année de sécheresse « compromet » la saison agricole, alerte l’agronome Abderrahim Handouf.

Les agriculteurs, qui redoutaient ce nouvel épisode, avaient déjà diminué la superficie semée en céréales en novembre (2,3 millions d’hectares emblavés contre quatre à cinq millions d’hectares en moyenne les années précédentes), explique-t-il à l’AFP.

D’après l’agronome, cette situation aura un « impact grave sur l’économie », dans un pays où l’agriculture emploie un tiers de la population et représente 14% des exportations, plus rémunératrices que le marché local.

Cette année, Abderrahim Mohafid espérait rattraper les difficultés accumulées les saisons précédentes en adoptant la technique du semis direct consistant à semer sans labour préalable de la terre, ce qui lui permet de préserver son humidité naturelle.

« La récolte est déjà perdue mais j’espère qu’il va pleuvoir en février et mars pour avoir au moins de quoi nourrir le bétail », confie-t-il.

L’horizon est moins sombre chez les grands exploitants comme Hamid Mechaal, qui peut compter sur l’irrigation pour sauver ses 140 hectares où il cultive du blé, de la carotte et de la pomme de terre, dans l’est de la province de Berrechid.

« Avec la sécheresse, on est obligés d’irriguer à 85% alors qu’avant, l’irrigation n’était que complémentaire », relève l’agriculteur, qui assure qu’il est approvisionné, comme 500 agriculteurs de la région, par une dotation fixe de 5.000 tonnes d’eau à l’hectare « pour mieux gérer » la précieuse ressource.

« Revoir » la politique agricole

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’est toutefois alarmée d’une « intensification désordonnée de l’irrigation » dans la plaine de Berrechid ces deux dernières décennies.

« Entre 2007 et 2017, la production de carottes, par exemple, y a bondi de près de 500% », a-t-elle noté dans un rapport de novembre, soulignant que l’aquifère y était « l’une des plus dégradées » du pays.

Le modèle agricole marocain, axé depuis 15 ans sur l’exportation, soulève à nouveau des interrogations sachant que le pays fait face à « une offre hydrique en baisse absolue » et qu’il a misé sur des cultures gourmandes en eau, note l’agronome Mohamed Taher Srairi.

Les besoins nationaux sont estimés à plus 16 milliards de m3 d’eau, dont 87% pour le secteur agricole, mais n’a disposé que de cinq milliards ces cinq dernières années, selon M. Baraka.

Pour l’agronome Abderrahim Handouf, « la politique agricole devrait être revue de fond en comble ».

« Aujourd’hui, j’ai l’impression que le gouvernement regarde dans un sens alors que la réalité est dans le sens opposé », regrette-t-il.

© AFP

2 commentaires

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    • Hicham CHAIBI

    Les nouveaux agriculteurs, dont le projet du Maroc vert, ont été les principaux responsables de la situation actuelle. La culture de l’avocat et d’autres fruits exotiques à faible valeur ajoutée, tout en consommant une quantité excessive d’eau, a entraîné cette crise que le Maroc endure depuis plus de six ans maintenant. Il est impératif de trouver des solutions pour stopper cette hémorragie et remédier à cette situation. Je trouve l’article intéressant et je vous demande votre accord pour le publier sur mon blog Citerne Maroc

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      • Julien

      Bonjour
      Nous vous remercions pour votre message.
      Vous pouvez renvoyez vers cet article depuis votre site.
      Vous ne pouvez cependant pas reprendre pour republier l’intégralité de l’article puisqu’il s’agit d’une dépêche de l’Agence France Presse (AFP), si vous souhaitez le faire, il vous faudra les contacter directement.

      Bien à vous

      La rédaction de GoodPlanet Mag’