Les ports maritimes, foyers d’un cancer contagieux chez les moules

port moules

Port de Cassis, Bouches du Rhône (13) ©Yann Arthus Bertrand

Le trafic maritime, acteur clé de la mondialisation assurant 80 % des échanges commerciaux internationaux, favorise la propagation d’un cancer transmissible chez la moule. Cette forme rare de cancer se transmet de proche en proche. En effet les cellules cancéreuses peuvent passer d’une moule à l’autre via l’eau de mer. En étudiant la maladie affectant les moules, appelée Mytilus trossulus Bivalve Transmissible Neoplasia 2 ou MtrBTN2, des chercheurs du CNRS ont mis en évidence une forte prévalence dans les milieux portuaires de la côte Atlantique.

« C’est la première fois, à ma connaissance, que la présence du cancer transmissible dans des ports est mise en évidence » indique Maurine Hammel, docteur en biologie cellulaire et évolutive et première auteure de l’article publié dans les Proceedings of the Royal Society B.

Mondialisation des échanges… et des maladies

En connectant les bancs de moules des différents ports, « le trafic maritime pourrait aider ce cancer à se propager dans de nouveaux endroits où, de proche en proche, ça n’aurait pas forcément été le cas », suggère le Dr. Hammel. « Il suffit qu’un port soit affecté pour qu’un autre le soit à son tour juste parce qu’il y a de la connexion. On peut faire l’analogue avec le Covid : les échanges internationaux reliant tous les continents ont favorisé la propagation du virus au niveau mondial ».

Une autre hypothèse pour expliquer l’incidence plus élevée des cas de MtrBTN2 dans les ports s’oriente sur les conditions environnementales qui pourraient rendre l’hôte plus sensible par exemple.

Quels impacts sur la santé, l’élevage et les écosystèmes ?

Si les cancers chez les moules sont connus depuis une cinquantaine d’années, la forme transmissible n’a été décrite qu’en 2016 et reste un cas rare. « On ne connaît que 14 exemples aujourd’hui. Il y en a un chez le chien, deux chez les diables de Tasmanie et les 11 autres sont chez des bivalves marins » précise Maurine Hammel.

[À lire aussi article GPM AFP cancer diable Tasmanie]

Le MtrBTN2 ne se transmet qu’entre moules et « il n’y a vraiment aucun risque pour l’humain s’il mange une moule qui a un cancer » assure-t-elle. La propagation dans les élevages est possible, mais sur les neufs observés dans le cadre de l’étude, aucun cas n’a été recensé.

Les moules étant des organismes filtreurs, elles jouent un rôle essentiel au sein des écosystèmes marins mais « il ne semble pas que ce cancer puisse avoir un impact sur la densité de population » précise la chercheuse, « à ce jour, en tout cas ». Aucune « corrélation entre ce cancer et la mortalité de moules » n’a été établie.

Vers « de nouvelles pistes thérapeutiques » ?

Cette étude s’ancre dans un questionnement plus vaste et émergeant autour de ces cancers transmissibles. Plusieurs aspects restent à explorer : l’impact de l’environnement et de l’espèce hôte sur la prévalence, la réaction de l’individu infecté ou encore l’origine et l’évolution de cette maladie.

Les perspectives peuvent être plus grandes encore : « je suis persuadée que ça nous aidera à comprendre un peu mieux les cancers et pourquoi pas nous donner de nouvelles pistes thérapeutiques pour les cancers humains à long terme » confie la doctorante Maurine Hammel. « Ces cancers transmissibles sont de supers modèles fondamentaux pour étudier la biologie du cancer », et d’après elle, il est « toujours très utile d’aller regarder comment ça se passe chez d’autres animaux et dans la nature ».

Louise Chevallier

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Pour aller plus loin :

Article du CNRS : Les ports maritimes, foyers d’un cancer contagieux chez les moules

L’étude complète (en anglais) : Marine transmissible cancer navigates urbanised waters, threatening to spillover

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