La colère des agriculteurs français se propage sur les routes

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Vue aérienne de tracteurs d'agriculteurs en colère à Maille, en Indre-et-Loire, le 23 janvier 2023 © AFP GUILLAUME SOUVANT

Artigues-près-Bordeaux (France) (AFP) – La mobilisation des agriculteurs s’est amplifiée mercredi avec une multiplication des blocages pour obtenir des « réponses concrètes » du gouvernement à leur « rage », alimentée mardi par les décès accidentels d’une éleveuse et de sa fille sur un barrage routier.

Marges de la grande distribution, jachères, pesticides, normes environnementales, autorisations administratives, prix du gazole… Cultivateurs et éleveurs n’ont pas tous les mêmes demandes mais partagent un même malaise sur leur avenir, écartelés entre désir de produire, et nécessité de réduire leur impact sur la biodiversité et le climat.

« Il y a un vrai mal-être dans les campagnes, une détresse du monde agricole en Europe, contre la hausse du GNR (gazole non routier), la paperasse administrative, les contraintes sanitaires… », énumère Hélène Delmas, éleveuse de volaille et d’agneaux en Haute-Garonne.

« On se mobilise car ce n’est pas normal d’avoir du mal à se sortir un SMIC en travaillant 365 jours par an et 10 heures par jour », ajoute-t-elle près d’un barrage filtrant installé sur un rond-point à Toulouse.

Dans le Sud-Ouest, des manifestants ont lancé un ballot de paille dans un restaurant McDonald’s à Agen, tandis que 200 tracteurs ont bloqué la rocade de Bordeaux.

« Nous comptons y rester jusqu’à ce que nous ayons des réponses concrètes », a lancé Serge Bergeon, secrétaire général du syndicat FNSEA en Gironde.

Une minute de silence a été observée en hommage aux deux victimes, une éleveuse d’une trentaine d’années et sa fille adolescente, percutées par une voiture sur un barrage mardi à Pamiers (Ariège).

« On a la rage de continuer, pour cette famille qui est décédée. Ils étaient comme nous, passionnés… On a commencé, maintenant on continue ! », lance Yoan Joannic, 20 ans, céréalier en Gironde.

« Mèche allumée »

Près d’une semaine après avoir débuté en Occitanie, le mouvement touche désormais de nombreux axes importants du pays, symboles d’un malaise du monde paysan qui s’exprime ailleurs en Europe.

Après la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) reçus lundi, la Coordination rurale et la Confédération paysanne sont sortis mardi soir du bureau du Premier ministre, Gabriel Attal, sans appeler à lever les blocages. La première a jugé l’échange « constructif » tandis que la seconde déplorait des propositions « insuffisantes ».

Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, a estimé que le blocage du pays était « un moyen pour obtenir rapidement des décisions ». « Une fois que la mèche est allumée, les agriculteurs veulent aller jusqu’au bout », a-t-il dit mercredi matin sur France 2.

Mais tous les manifestants ne sont pas sur la même ligne. Laurent Thérond, coporte-parole de la Confédération paysanne dans le Vaucluse, qualifie ainsi les dirigeants de la FNSEA de « pompiers pyromanes » en critiquant leur approche productiviste.

Parti du Vaucluse, un convoi d’environ 70 tracteurs a remonté l’A7 vers la Drôme plus au nord, engendrant une coupure de l’autoroute dans le sens Marseille-Lyon.

« C’est triste d’en arriver là », a déploré Sophie Vache, viticultrice et responsable FNSEA 84. « Nous demandons de la dignité et la reconnaissance de notre travail. »

À Bergerac, du lisier a été déversé devant la sous-préfecture de Dordogne.

En Bretagne, des tracteurs bloquent la RN12, l’axe principal entre Rennes et Brest, au niveau de Morlaix. Dans le Centre, des blocages sont en cours à Orléans, Châteauroux et en direction de Bourges.

En Normandie, tracteurs et éleveurs bloquaient en fin de matinée, à Domfront en Poiraie dans l’Orne, l’usine de camembert Président du groupe Lactalis, accusé de « fouler au pied » la loi Egalim censée garantir la rémunération des agriculteurs par les industriels.

Le numéro un mondial du secteur « ne paie que 403 euros » les 1.000 litres, là où ses concurrents achètent à 440 euros, affirme Sylvain Délye, 50 ans, éleveur de vaches et président de la FNSEA dans ce département. « Les banques ne suivent plus, le rendement du lait n’étant pas garanti. »

Direction Paris ?

En Occitanie, des barrages continuent de perturber la circulation sur le réseau autoroutier. Idem dans les Hauts-de-France, sur l’A16 près de Beauvais (Oise) et au niveau des accès aux plateformes transmanche, sans perturber à ce stade le trafic Eurotunnel.

Les manifestants picards n’excluent pas de se rapprocher de la capitale. « Ça va bouger, les agriculteurs veulent être entendus à Paris », a affirmé à l’AFP Luc Smessaert de la FNSEA Oise.

Assailli de questions à l’Assemblée nationale mardi, M. Attal a évoqué des mesures qui pourraient arriver rapidement: d’abord sur la rémunération des agriculteurs par les industriels et les grandes surfaces, censée être sanctuarisée par la loi dite Egalim. Les négociations commerciales annuelles se termineront le 31 janvier.

Il a aussi promis de répondre à la demande de simplification administrative, les exploitants, surtout les éleveurs, devant remplir chaque jour de nombreux documents. Les demandes de subventions et d’aides après des calamités prennent aussi trop de temps, se plaignent les agriculteurs.

Alors que les autres grands pays agricoles européens connaissent des mouvements similaires, la Commission européenne réunira jeudi organisations agricoles, secteur agroalimentaire, ONG et experts.

© AFP

Un commentaire

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    • Francis

    « approche productiviste » !!!! Ce serait plus honnête de parler de la nécessité d’être compétitif. Ce sont les marchés qui décident de qui peut survivre ou non.