En Mongolie, des manifestants bravent la nuit et le froid pour réclamer justice

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Manifestation contre la corruption dans l'industrie du charbon, le 11 décembre 2022 à Oulan-Bator © AFP Byambasuren BYAMBA-OCHIR

Oulan-Bator (AFP) – Emmitouflés dans d’épaisses couches d’habits pour affronter les températures glaciales, des Mongols dorment dans la rue en plein coeur d’Oulan-Bator et affirment qu’ils n’en partiront pas avant que justice soit faite dans une retentissante affaire de détournement de fonds liée au secteur du charbon.

L’arrestation de responsables soupçonnés de corruption a suscité un tollé dans ce grand pays enclavé d’Asie de l’Est, conduisant lundi à une huitième journée de manifestations, des milliers de personnes se rassemblant dans le centre de la capitale mongole.

De nombreux protestataires ont décidé de passer la nuit sur la place Gengis-Khan, aussi appelée place Sukhbaatar, malgré des températures descendant régulièrement en dessous de -30 degrés Celsius.

Vêtus d’un deel en peau de mouton – une tenue traditionnelle ressemblant à une longue tunique – ainsi que de vestes en peau de loup et de bottes en peau de cheval pour se tenir chaud, ils sont décidés à rester aussi longtemps que nécessaire pour obtenir justice et dorment sur du polystyrène et du feutre.

« Je vais rester ici jusqu’à ce que les voleurs soient punis », explique à l’AFP une manifestante qui dort là depuis quatre jours et refuse de décliner son identité. Elle explique avoir peur pour sa sécurité, après que des protestataires ont été passés à tabac par la police la semaine dernière.

 « Les gros poissons »

Des manifestants affirment avoir été galvanisés par le soutien de la population, des habitants leur fournissant des provisions et leur adressant des mots d’encouragement. Des célébrités et des influenceurs sur les réseaux sociaux ont même répondu aux appels à la mobilisation.

« Tant de gens se soucient de nous. Des gens ordinaires nous apportent des boissons, des repas (…) et des vêtements chauds », raconte à l’AFP Ariunzaya Tsengelsaikhan, 22 ans.

« Il fait chaud si on dort entre deux personnes et si on se colle à chacune d’entre elles. Nous changeons de position toutes les deux heures pour être certain que tout le monde ait chaud », explique-t-elle. « Il y a deux jours, après que j’ai donné une interview à la télévision publique, un homme m’a donné un sac de couchage et un matelas. »

Les autorités interdisent aux manifestants de dresser des ger – des tentes traditionnelles mongoles – du côté nord de la place, où se situent le Parlement et l’imposante statue du héros national Gengis Khan.

« Les chiens dorment dehors sur du feutre. Le gouvernement nous traite comme des chiens. Nous dormons sur du feutre », observe un protestataire, qui a également souhaité rester anonyme. « Nous voulons construire une ger pour rester au chaud et continuer notre manifestation. »

Le gouvernement a annoncé l’arrestation de Gankhuyag Battulga, ancien PDG d’Erdenes Tavan Tolgoi, l’une des plus grandes entreprises mongoles d’extraction de charbon, ainsi que d’une dizaine d’autres personnes accusées de blanchiment d’argent provenant du détournement de charbon.

Ces arrestations ne sont pas parvenues à éteindre la colère des manifestants.

« Nous voulons les gros poissons », tonne Bayaraa Damiran, 30 ans, qui dort sur la place Gengis-Khan. « Ils ont arrêté sept ou huit responsables qui étaient en bas (de la hiérarchie). Nous voulons savoir (qui sont) les gros poissons tout en haut. »

© AFP

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