Le Pantanal brésilien agonise sous l’effet d’incendies records

incendie Amazonie

Déforestation, Amazonie. ©Yann Arthus-Bertrand

Depuis plusieurs mois, le Brésil fait face à de gigantesques feux. L’actualité liée au coronavirus les a fait passer sous silence alors qu’ils sont d’une ampleur équivalente à ceux de l’année 2019 en Amazonie. Mais, cette année, c’est le Pantanal, une vaste zone humide, qui est la plus concernée. La journaliste brésilienne Giane Gatti explique ce qui se joue dans cette région.

Le changement climatique, l’inaction du gouvernement et l’action humaine sont responsables d’incendies dévastateurs dans le Pantanal , une des plus belles régions du Brésil. La police enquête pour déterminer s´il s’agit d’incendies criminels.

Animaux aux pattes brûlées, déshydratés, désespérés

Certains animaux, même sauvés, doivent être sacrifiés. D’autres se retrouvent striés. Des images déchirantes, même pour ceux qui n’aiment pas beaucoup la faune.

Patrimoine national brésilien et patrimoine naturel de l’Humanité selon l’Unesco, le Pantanal, situé dans les états du Mato Grosso (MT) et du Mato Grosso do Sul (MS), a vu 20 % de sa végétation brûler (soit une superficie de 30 000 km²). Considérée comme la plus grande zone humide continentale du monde, la région couvre une partie du bassin du Haut Rio Paraguai, qui est à son niveau le plus bas sur les 50 dernières années et où les poissons meurent dans les baies qui se sont taries. Le biome n’a que 2,5 % de sa superficie officiellement protégée par des unités de conservation fédérales, de l’État et privées, un outil reconnu et efficace pour la conservation de la biodiversité, selon TV Globo.

Le Pantanal, une zone humide riche en biodiversité

Le Pantanal est directement influencé par trois biomes brésiliens importants : l’Amazonie, le Cerrado et la forêt atlantique, abritant plus de 3000 espèces de plantes connues, 325 poissons, 41 amphibiens, 177 reptiles, 463 oiseaux et 132 mammifères.

Le Parc National Encontro das Águas, à la frontière entre le MT et le MS, où se trouve la plus grande concentration de jaguars au monde, a été fortement touché par les incendies.

La journaliste Claudia Gaigher, qui couvre la région depuis 20 ans, dit qu’elle n’a jamais rien vu de tel. Elle est à Campo Grande, capitale du MS, et raconte que la population se réveille avec l’odeur de fumée qui recouvre la ville, même si elle est à plus de 400 km des lieux des incendies. Et elle ajoute que, au fil des ans, de nombreuses sources qui forment les bassins hydrographiques de la région ont disparu et que d’autres subissent une forte pression en raison de l’agriculture et des pâturages.

Le site du gouvernement affirme que, « malgré sa beauté naturelle exubérante, le biome a été fortement influencé par l’action humaine, notamment par l’activité agricole, en particulier dans les zones de plateau ».

Et cette tragédie se produit, même après que le gouvernement ait décrété, le 16 juillet, le Moratoire sur les incendies. Celui-ci interdit pendant 120 jours l’utilisation du brûlage légal sur le territoire national, avec une vigilance particulière pour l’Amazonie et le Pantanal.

Une région confrontée aux répercussions du réchauffement climatique

Le Pantanal a connu une baisse de 40 % des précipitations depuis 2018 et cette année pourrait devenir la période où l’on a enregistré le plus grand nombre d’incendies dans la région depuis le début des relevés de l’Institut National de Recherche Spatiale (Inpe) en 1998. Les feux entre janvier et août 2020 sont équivalents à tous les incendies de la même période sur les six dernières années. On compte déjà plus de 15 000 foyers. Avec la sécheresse et le vent, les flammes se propagent rapidement.

Gaigher explique qu’outre les précipitations inférieures à la moyenne (qui normalement imprègnent le sol et aident ainsi à prévenir les incendies), il existe d’autres facteurs tels que des températures supérieures à la moyenne (40°C, avec une sensation thermique de plus de 45°C), une humidité de l’air d’environ 10 %… Et on ne peut pas oublier la controverse sur le rôle des barrages au bord du Pantanal : plusieurs petites centrales hydroélectriques, qui réduisent la dynamique du système hydrologique du Pantanal.

Des chercheurs associent également les incendies au Pantanal à la déforestation de l’Amazonie. En effet, La plupart de l’humidité qui alimente le biome provient de la forêt, expliquent-ils, comme les « rivières volantes ». Les chiffres confirment le problème : les zones de déforestation ont augmenté de 34,5 % en un an, d’août 2019 à juillet 2020.

L’avancée du feu dans le Pantanal menace également les populations indigènes, qui ne disposent pas des moyens humain et matériel pour lutter contre le feu. C’est un grand risque car les maisons sont faites de paille et peuvent prendre feu très rapidement.

Jair Bolsonaro minimise

Le président Jair Bolsonaro s’est rendu dans la région de Sinop (MT) le 18 septembre dernier. Mais, l’avion présidentiel a dû renoncer à y atterrir en raison de problèmes de visibilité causés par la fumée des incendies qui touchent la région. Toutefois, dans un discours prononcé devant un public d’agriculteurs, il a déclaré que le Brésil était un « exemple pour le monde » en termes de préservation de l’environnement et a réfuté les critiques de « nos concurrents » qui tenteraient d’attaquer l’agrobusiness brésilien.

La région Centre-Ouest du Brésil est un important bastion électoral pour le président, et l’élevage est la principale activité du Pantanal.

La police fédérale enquête sur les incendies

Les agents de la police fédérale, avec l’aide d’images satellites, ont identifié le début de certains incendies. Leur origine serait criminelle. Les premiers départs de feux ont été localisés sur 4 fermes situées à proximité du Parc National du Pantanal, le 30 juin, rapporte TV Globo.

Selon Alexandre Pereira, analyste environnemental à Prevfogo Agence de Protection de l’Environnement (Ibama), « la seule cause naturelle des feux de forêt est la foudre”. Mais selon les images satellites de la Nasa et de l’Institut National de Recherche Spatiale (Inpe), il n’y a pas eu d’orages et donc le feu ne peut avoir été causé que par la main de l’homme. Le lendemain, d’autres flambées apparaissent.

La police fédérale affirme que la dévastation a franchi les limites des fermes et atteint une superficie totale d’environ 33 000 hectares, y compris des zones de préservation permanente. Leur hypothèse est que, dans ce cas, il y a eu une mauvaise utilisation du feu pour nettoyer les pâturages et que ce dernier est devenu hors de contrôle.

Selon une enquête réalisée par l’Institut Centro Vida, basée sur les images satellites de la Nasa et de l’Inpe, 86 % des sources de chaleur ont été détectées sur des propriétés rurales et la moitié des propriétés enregistrées dans le Registre Environnemental Rural (RCA), ce qui renforce les soupçon de crime.

Inaction du gouvernement

Bien que les incendies se soient multipliés ces derniers mois, ce n’est que le 15 septembre que le gouvernement brésilien a reconnu une situation d’urgence dans les deux États et a annoncé le transfert de € 1,6 million d’euros pour lutter contre l’incendie.

Un inventaire de l’Observatoire du climat, réseau regroupant des entités de la société civile pour discuter de la question du changement climatique dans le contexte brésilien, montre que le ministère de l’environnement n’a dépensé que 0,4 % du budget engagé pour financer les politiques environnementales du gouvernement entre le 1er janvier et le 31 août de cette année, environ 17 500 €.

Ce manque de moyens se traduit sur le terrain. Le nombre d’infractions constatées en rapport avec la déforestation et les incendies cette année dans les deux États (MT et MS) est 48 % inférieur à celui de 2019. Les ONG se plaignent du manque de soutien gouvernemental.

Changement climatique, inaction du gouvernement et soupçons d’actes criminels humains : ingrédients tragiques qui entraînent la destruction d’un écosystème fondamental à la biodiversité riche. Face à l’ampleur du désastre, on ne peut pas rester les bras croisés en attendant que la pluie arrive.

Giane Gatti

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2 commentaires

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    • Grossmann

    La Bolivie et le Paraguay sont aussi deux pays géographiquement impliqués dans ce drame. Voir
    https://www.dropbox.com/s/lgmprfpopm2a632/Pantanal.pdf?dl=0

    Les surfaces brûlées de 30 000 km2 restent considérables mais la surface totale du Pentanal ne représenterait qu’environ 30% de la France métropolitaine (excuse)

    • Méryl Pinque

    La faute à qui ?
    Aux consommateurs de produits d’origine animale.
    C’est à cause d’eux que la nature et les animaux sauvages agonisent dans les flammes.
    A cause d’eux qu’on déforeste, incendie, massacre, bouleverse le climat.

    Les mangeurs de produits d’origine animale sont responsables de la mort de cette planète.

    Vous voulez sauver les animaux ?
    Ne les mangez plus.
    Vous voulez sauver la nature ?
    Ne mangez plus les animaux.