Une lueur d’espoir au milieu des inondations catastrophiques qui ont submergé le Royaume-Uni

Il y a peut-être une lueur d’espoir au milieu des inondations catastrophiques qui ont submergé le Royaume-Uni : la fin de l’apathie générale à l’égard du changement climatique.

Le mois de janvier le plus arrosé depuis 250 ans au Royaume-Uni et le mois de février orageux qui a suivi ont plongé des milliers de personnes dans la détresse. Les inondations ont submergé de vastes zones du sud-ouest du pays, une portion de voie de chemin de fer d’une grande importance s’est effondrée dans la mer et la Tamise, phénomène spectaculaire, est sortie de son lit, inondant des villes et des villages entiers.

Comme l’a clairement souligné une déclaration du Met Office, le service météorologique du Royaume-Uni, ce type d’événements est davantage susceptible de se produire du fait du changement climatique. Mais cette déclaration est restée étrangement absente des principales couvertures médiatiques et du discours politique. Au milieu des appels au partage des responsabilités et au milieu des récupérations politiques, un sujet était de toute évidence évité : s’agissait-il d’un avant-goût amer de ce que le changement climatique réserve au Royaume-Uni ?

Les sociologues s’intéressent depuis longtemps à l’impact des inondations et autres épisodes météorologiques extrêmes sur le comportement des populations à l’égard du changement climatique. Ce dernier étant considéré dans une grande partie de l’Europe comme une menace éloignée et intangible – ça n’arrive qu’aux autres –, il est particulièrement difficile de communiquer au sujet des risques encourus. On peut imaginer avec un peu d’intuition que lorsque l’on fait l’expérience de ce type d’événement lié au changement climatique, le mécanisme psychologique de défense destiné à tenir le problème à distance perd de son efficacité. De fait, les recherches montrent qu’il y a un lien entre le fait de subir une inondation et celui de se sentir davantage menacé par le changement climatique.

À l’occasion d’une étude parue en 2011, les personnes ayant subi une inondation ont non seulement exprimé une préoccupation accrue à l’égard du climat, mais aussi une plus grande volonté de réduire leur empreinte carbone. Un sondage plus récent réalisé auprès d’habitants du pays de Galles a quant à lui montré que la probabilité que les individus admettent que les impacts du changement climatique se font déjà sentir était supérieure de 10 % chez les personnes vivant dans une zone récemment inondée.

Les événements soudains et extrêmes tels que les inondations nous rappellent sans ménagement que le climat est en train de changer. Mais des changements plus anodins peuvent eux aussi influer sur l’opinion publique. Une étude de l’opinion américaine menée durant les deux dernières décennies a montré une relation claire et constante entre les températures moyennes et la croyance dans la réalité et la gravité du changement climatique. L’étude est même parvenue à calculer que pour chaque hausse de température de 1 degré au-dessus de la moyenne sur les douze mois écoulés, on observait une augmentation de 7,6 % des personnes s’accordant à dire que la planète se réchauffe.

Alors, les inondations de 2014 porteront-elles un coup significatif à l’apathie générale à l’égard du changement climatique ? Une étude récente conduite par mon collègue Stuart Capstick indique que certaines personnes y seront insensibles, les régimes météorologiques étant interprétés à travers une grille de croyances et de valeurs déjà existante. Cette étude s’est intéressée à la perception du changement climatique lors d’une vague de froid qui s’est abattue sur le Royaume-Uni en 2011 et a analysé les réponses en fonction des points de vue et des valeurs politiques.

Les personnes davantage individualistes et favorables à l’économie de marché étaient plus sujettes au climato-scepticisme et voyaient dans les températures glaciales la preuve que la planète n’était pas en train de se réchauffer. Mais elles étaient trois fois plus nombreuses à considérer que les bouleversements météorologiques étaient le signe d’un changement climatique.

Les événements météorologiques extrêmes, comme n’importe quel aspect de ce changement climatique dont on parle tant, sont ainsi perçus à travers de puissants filtres psychologiques, culturels et politiques, qui concourent à produire des résultats déconcertants. Le Daily Mail, journal connu pour ses éditoriaux et ses reportages climato-sceptiques, a réagi aux inondations de manière prévisible. Au lieu de reprocher au gouvernement de ne pas investir dans l’adaptation au changement climatique, le journal a choisi une cible classique – le budget d’aide au développement – et affirmé qu’il devrait être alloué aux victimes des inondations.

Le changement climatique est un sujet scientifique et ce que l’on lit à son propos est important.

Les chercheurs, cela peut se comprendre, répugnent à établir un lien de cause à effet entre un événement météorologique isolé et la dynamique complexe du changement climatique.

Nous ne sommes pour l’heure pas en mesure d’apporter la preuve irréfutable que notre météo est due au changement climatique. Mais en l’absence de discours coordonné et cohérent expliquant que d’autres inondations se produiront si le Royaume-Uni ne prend pas prochainement des mesures ambitieuses contre le changement climatique, il n’y a aucune garantie que l’opinion publique fasse le lien. C’est ainsi que le doute se développe et que le scepticisme fait des adeptes.

Le sociologue Robert Brulle a pris le pouls de l’opinion publique américaine sur le changement climatique pendant plus de dix ans, assemblant les événements et les influences qui ont joué sur les points de vue. Son analyse pointait directement du doigt l’importance des « signaux des élites », ces messages que les individus entendent à travers les médias, les hommes politiques et d’autres voix qui font autorité. Ce qu’ils disent a une importance… surtout lorsqu’ils ne disent rien.

Comme on pouvait s’y attendre, avec un débat national à ce point feutré au Royaume-Uni, l’intérêt de la population s’amenuise. Le silence au sujet du climat l’emporte.

Dans un rapport que j’ai rédigé pour le Climate Outreach and Information Network à la fin de l’année dernière, j’affirmais que le changement climatique avait un besoin urgent de discours nouveaux établissant un lien entre les problèmes liés au climat et monsieur Tout-le-monde. Le changement climatique aura en effet un impact sur la plupart des aspects de notre société, et pourtant il reste prisonnier d’une niche environnementale, comme si seuls les écologistes devaient se soucier des répercussions d’un monde plus chaud.

Dans la ville d’Oxford inondée, les habitants ont organisé une manifestation pour poser cette question toute simple : peut-on aujourd’hui parler du changement climatique ? Tardivement – après que des milliers de foyers ont été endommagés par les inondations –, la question du changement climatique fait petit à petit son retour dans le débat national.

C’est sans doute la seule lueur d’espoir d’un conte d’hiver par ailleurs bien sombre.

Texte traduit de l’Anglais.
Publié dans le journal Science Daily le 14 février 2014: http://www.newscientist.com/article/dn25061-will-record-floods-finally-shift-uk-climate-debate.html

3 commentaires

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  • […] Il y a peut-être une lueur d’espoir au milieu des inondations catastrophiques qui ont submergé le Royaume-Uni : la fin de l’apathie générale à l’égard du changement climatique.Le mois de janvier le plus arrosé depuis 250 ans au Royaume-Uni et le mois de février orageux qui a suivi ont plongé des milliers de personnes dans la détresse. Les inondations ont submergé de vastes zones du sud-ouest du pays, une portion de voie de chemin de fer d’une grande importance s’est effondrée dans la mer et la Tamise, phénomène spectaculaire, est sortie de son lit, inondant des villes et des villages entiers.  […]

    • Annie SIBI

    Heureusement que le Royaume Uni a connu ces pluies catastrophiques … qui donne lieu a ce très intéressant article.
    Notre Bretagne inondée pendant 2 mois ne suffit pas interroger nos scientifiques encore moins nos politiques.
    L’oubli est la plus belle faculté de l’homme ! Elle l’aide à continuer à vivre. Mais pour combien de temps encore ?

  • Yes! Finally someone writes about graphics.

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