Les impacts de l’environnement sur la santé.

« Quelques difficultés qu’il y ait à découvrir des vérités nouvelles, en étudiant la nature, ils s’en trouvent de plus grandes encore à les faire reconnaître » – Lamarck

En 1975, le docteur Higginson, alors directeur du centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de Lyon, affirmait que 80 % des cancers avaient une cause environnementale. Une telle affirmation suscita à l’époque beaucoup de scepticisme, voire des critiques acerbes. Trente ans plus tard, en 2004, le professeur Dominique Belpomme lançait l’Appel de Paris (1). Il mettait en cause l’impact sur la santé des molécules chimiques toujours plus nombreuses sur les marchés ainsi que la pollution, dans la genèse de nombreuses pathologies, et en particulier du cancer.

Si la charge chimique de l’environnement n’est probablement pas la cause unique des pathologies aujourd’hui en pleine expansion, telles que la bronchiolite, l’asthme, les allergies, la stérilité masculine, les malformations néonatales chez les garçons et naturellement les cancers, il n’en reste pas moins que la rapide montée en puissance de ces pathologies doit être évaluée en songeant qu’entre 1930 et 2004, la production mondiale de substance chimiques, la plupart non testées avant leur mise sur le marché, est passée d’un million de tonnes à 400 millions de tonnes.

Parmi ces nouvelles pathologies, le cas du cancer mérite réflexion. Passant de 125 000 à 150 000 décès entre 1980 et 2000, le nombre de cancers nouveaux décelés passait de son côté, durant le même laps de temps, de 170 000 à 278 000, une progression massive et rapide d’autant plus inquiétante que les progrès de la médecine permettent désormais de guérir près d’un cancer sur deux.

Le projet REACH adopté par l’union européenne en décembre 2006, vise à tester un grand nombre de molécules chimiques mises sur le marché, notamment avant 1981, sans qu’aucun test de toxicologie ne leur ait été appliqué. Or parmi celles-ci, bon nombre sont considérés comme cancérogènes ou comme suspectes de l’être, par le CIRC. Elles devront donc disparaître pour être remplacées par des produits dont l’innocuité devra être prouvée par les fabricants et reconnue par des experts de l’Union.

Parmi ces molécules, les pesticides font déjà l’objet d’une expertise scientifique approfondie avant leur utilisation. Pourtant on sait aujourd’hui que les effets nuisibles consécutifs à leur usage se multiplient. La plupart d’entre eux sont des perturbateurs endocriniens mimant les effets des hormones femelles, les œstrogènes. La lente imprégnation de tous les milieux, l’eau, les sols, se poursuit depuis plus d’un demi-siècle et contamine les organismes animaux entraînant leur féminisation. Celle-ci a été observée chez de très nombreuses espèces animales, notamment aux Etats-Unis, comme le rapporte l’ouvrage de Théo Colborn : « la fin de l’espèce humaine« , préfacé par Al Ghore. Qu’il s’agisse, de poissons, de reptiles, d’oiseaux ou de mammifères, les observations concordent pour aboutir au même constat inquiétant.

Des cas de transsexualité sont de plus en plus souvent observés chez les mâles, comme dans l’épisode surprenant de ces alligators du lac Apopka en Floride dont les graisse et le sang contenaient de fortes teneurs en pesticides et où la plupart des mâles ne manifestaient plus aucun intérêt pour les femelles.

C’est au professeur danois, Skaekelbek, que l’on doit les premières alertes concernant notre propre espèce. On sait aujourd’hui que le sperme humain a perdu près de la moitié de ses spermatozoïdes en Europe, mais ailleurs aussi, depuis l’entrée des pesticides en agriculture. De plus en plus nombreux sont aussi les cas d’azoospermies (spermatozoïdes immobiles). Ces 2 facteurs jouent simultanément en faveur d’une augmentation dûment constatée de l’infertilité masculine, augmentation de l’ordre de 1 % par an.

Le professeur Charles Sultan de la faculté de médecine de Montpellier a de son côté montré l’augmentation inquiétante des cas de malformations congénitales chez les petits garçons accouchés dans sa maternité ; une atteinte des organes génitaux qu’il a pu relier, au moins partiellement, à l’usage des pesticides dans les familles de ces enfants (horticulteurs et viticulteurs notamment).

Quand on sait qu’une pomme mise en vente dans un hypermarché a été traitée aux pesticides de 20 à 30 fois, on mesure la réalité du danger. Dès à présent la quasi-totalité des eaux de surface et environ les deux tiers des nappes phréatiques sont contaminés par des pesticides comme le sont aussi le sang et les lipides des humains. Le WWF l’a démontré en mettant en évidence en moyenne plusieurs dizaines de molécules suspectes dans le sang des ministres de l’environnement de l’Union Européenne mais aussi des parlementaires européens.

Plus inquiétant encore est le transfert de ces molécules suspectes et omniprésentes de la mère à son fœtus par le cordon ombilical de sorte que le nouveau-né est contaminé dès sa naissance et continuera à l’être si des mesures draconiennes ne sont pas mises en œuvre pour restreindre les usages jugés beaucoup trop généreux de ces produits en agriculture et dans le jardinage. En ce domaine, les pays d’Europe du Nord, Danemark et Scandinavie notamment, ont réduit de façon très significative leurs usages de pesticides au cours des dix dernières années.

Notre pays malheureusement reste à la traîne car on y redoute des réactions hostiles du monde paysan. Or ce sont précisément ces paysans qu’il convient de protéger en priorité des effets nuisibles de ces produits dont on pourrait fortement réduire l’usage en modifiant les pratiques agricoles et sans que les rendements ne s’effondrent. C’est ce que l’exemple danois a clairement démontré.

Malheureusement, comme l’évoque la citation de Lamarck mise en exergue de ce texte, en matière de nuisance environnementale, les prises de conscience sont lentes et beaucoup plus lentes encore les prises de décisions. […] Et comme l’exprime avec pertinence un vieil adage de l’Inde : « ni dans l’air, ni au milieu de l’océan, ni dans la profondeur des montagnes, ni en aucune partie de ce vaste monde, il n’existe de lieu où l’être humain puisse échapper aux conséquences de ses actes« .

Nous savons désormais que l’avenir de nos enfants et de la terre que nous leur lèguerons sera étroitement lié aux précautions que nous prendrons pour promouvoir un environnement de qualité et du même coup la qualité de la vie qui en découlera.

NOTE

(1) L’appel de Paris est téléchargeable en ligne

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